LE BILLET DU DRUIDE ET 3 ARTICLES PUBLIES DANS LE JOURNAL "LE MONDE" SUR LA DRUIDITE BRAN DU 2021 26 01 JANVIER
La Source Sacrée dessin de Sylvie Honoré
LE BILLET DU DRUIDE
BRAN DU LE 27 01 2021
ET TROIS ARTICLES PUBLIES DANS LE MONDE
On oppose régulièrement l'idée d'une "permanence" de la Tradition celto-druidique et le fait que celle-ci se serait éteinte avec la disparition de la classe sacerdotale druidique après la conquête romaine...
Si il est en effet avéré que la « corporation » druidique a effectivement disparu en tant que telle du fait de la conquête romaine et des édits de mise à mort des représentants de la fonction sacerdotale, il n'en demeure pas moins que l'on note et constate aussi une permanence d'une partie de la dite Tradition via la fonction bardique en Irlande et au Pays de Galles et ce, jusqu'à la christianisation et même par delà celle-ci... St Patrick épurera une bonne partie du corpus celto-druidique, mais en tolérera certaines pratiques et conceptions....
Il s'avère également que malgré de nombreuses actions pour faire disparaître les tenants du paganisme, des "écoles bardiques" ont continué à exister dans les pays précités....
On ne sera pas étonné de retrouver chez des personnages illustres comme Rabelais ou Shakespeare des éléments issus de la Tradition des Celtes... (Sans omettre la "Matière dite de Bretagne" et le Cycle Arthurien connu des cours royales européennes pendant plusieurs siècles.)...
On ne saura omettre également une résurgence officielle de « l'état de druidité" en 1717 en Angleterre...
La survivance (fractionnée) de cette Tradition doit donc énormément à la fonction bardique....
Cependant, ce qui se référait aux cultes et aux rituels inhérents à ceux-ci à totalement été expurgé et censuré par le monde chrétien...
L'absence volontaire d'écritures relatives au sacerdoce (les druides ont refusé de fixer et de dogmatiser leurs conceptions) et le peu de témoignages recevables de la part des observateurs de l'époque ne favorisent pas la connaissance précise des pratiques religieuses et de la spiritualité qui a induit les dites pratiques...
De ce fait nous ne pouvons aujourd'hui que faire des supputations plus ou moins argumentées et étayées pour mettre en œuvre des pratiques religieuses contemporaines héritières pour une part non négligeable des conceptions mises en place depuis le début du 18è siècle....
Cela implique des études comparatives avec d'autres civilisations issues du monde Indo-européen et l'étude des éléments conceptuels issus des apports de l'archéologie et des travaux réalisés par des chercheurs érudits et spécialisés...
Il s'avère donc indispensable de réunir tous les documents disponibles et objectivement recevables afin « d'approcher » les façons dont les Celtes opéraient pour exprimer leur croyance (leurs conceptions spirituelles) et mettre en œuvre leurs relations avec le sacré et le divin...
Toutefois on ne saurait éliminer et exclure de cette « approche » tout ce que l'Awen (le Souffle inspirant) est en mesure et capacité en tout siècle d'instruire dans ce domaine et ce, de la même façon dont les Anciens furent eux-mêmes enseignés pour concevoir leur spiritualité et les pratiques religieuses qui en résultèrent en adéquation avec cette spiritualité!...
Retrouver « l'Esprit » induira la pratique adéquate et ajustée !...
En quoi ce qui s'est fait voir, percevoir, entendre et comprendre auprès des sages antiques des mystères mêmes de l'Humanité, de la Nature et de l'Univers ne serait plus, à l'heure actuelle, en capacité, en désir et volonté immuable de se faire semblablement observer, connaître et déduire ?
L'Esprit ne souffle-t-il pas quand il veut et où il veut, en tout temps et en tout espace ?...
Les Anciens et Anciennes ont bu à la Source de la Connaissance, leurs sens et leur intelligence se sont désaltérés et revigorés à cette Source (comme des Saumons ayant retrouvé la Source de Connla en étant bénéficiaires de sa sapience.)
En quoi cette Source aurait-elle définitivement disparue ou se serait tarie ?
Il nous faut, peut-être, interroger objectivement la nature réelle de notre soif d'aujourd'hui et ce à quoi elle s'abreuve très exactement pour que nous soyons comblés par la Fontaine de Vie ?
…///...
Parmi la diaspora « druidique » contemporaine et ceux et celles qui se disent « incarner » l'Esprit, L'Essence et l'Anima de la Tradition, il y a hélas une grande place laissée à l'usurpation, au fourvoiement, au dévoiement, à l'approximation, à la méconnaissance, à la confusion voir au charlatanisme qui dans une période inféodée à l'obscure, à l'angoisse, au désarroi, au sentiment de « perdition », à l'artifice, à la naïveté et à l'orgueil se répand de façon conséquente...
Il nous faut bien trop souvent constater l'absence d'une Verticalité spirituelle transcendante porteuse d'équilibre et d'harmonie ; pensées et actions tiennent davantage d'une horizontalité matérielle totalement livrée aux faiblesses humaines et aux défaillances de celles-ci lesquelles revêtent et recouvrent la lumière d'une épaisse et confuse chape d'obscurité...
Il est grand temps et salutaire de ce fait de faire œuvre de discernement... et de former à celui-ci au-delà des notions de « bien et de mal », mais en portant forte attention à ce qui « sonne juste » et à ce qui est discordant et dissonant (notions bien plus « objectives!)...
Vient, à travers les épreuves redoutables que nous rencontrons en ce siècle, une période propice pour l'éveil et la maturation des consciences qui pourrait déboucher sur la mise en œuvre d'une nouvelle vision et compréhension du monde soit à un changement indispensable de paradigme sociétal donc à une « ré-évolution » interne à chacun et externe au plus grand nombre...
Ce changement attendu et espéré des « autres » commence par celui opéré en soi-même !...
Cette transition progressive vers de nouvelles orientations de vie se devra d'être accompagnée par une spiritualité de nature « universelle » nourrit et élaborée à partir des sagesses spirituelles et philosophiques porteuses d'équilibre et d'harmonie faisant unité et convergence d'entendement et de compréhension en ses axes majeurs et lignes de force... (En prônant en chacun et chacune une « liberté » responsable, consciente, solidaire, éclairée et agissante.)...
Il ne saurait être question dans ce soutien et cette « guidance » d'une spiritualité figée et inféodée à une pensée dogmatique et autoritaire de quelque nature qu'elle soit...
Notre Tradition et celles détentrices d'une réelle sagesse ; Traditions « écologiques » avant la lettre et le terme même, sont de nature à nous accompagner positivement (dans le respect d'une « liberté-responsable ») dans cette nouvelle aventure humaine plus soucieuse du « Vivant » et de sa protection...
…....................................
Autres points de discussions :
Le journal Le monde a publié entre 2009 et 2020 trois articles consacrés à l'Etat de Druidité : Je retiens les points qui suivent :
« Le secret du druidisme est très simple : Il s'agit d'être en harmonie avec l'état du monde. »
Per-Vari Kerloc'h Druide Morgan Vle 6iè Grand Druide de la Gorsedd bretonne (un ancien barde.)...
Voilà une phrase qui en effet condense une pensée majeure de la Druidité, mais non étrangère à d'autres Traditions (une pensée totalement écologique avant l'heure) : la quête de l'équilibre et de l'harmonie laquelle est en effet majeure dans la pensée celto-druidique où l'homme est censé par ses conceptions et comportements ne nuire en aucun cas à ce qui est porteur du dit équilibre et de la dite harmonie et de ce fait co-participe à la bonne marche de l'Univers en faisant obstacle aux forces du chaos...
Parlant de l'équinoxe du printemps, le Grand Druide Morgan nous dit :
« L'équinoxe de printemps marque l'égalité entre le jour et la nuit. Ce moment nous amène à réfléchir sur le rapport entre l'océan et la terre, l'équilibre des extrêmes et s'interroger aussi sur la notion d'égalité dans le domaine humain. »...
Il présente ainsi la fête d'Imbolc début février :
« ...Imbolc marque la lustration ; c'est à dire « le lavage symbolique des miasmes de l'hiver pour se préparer à la venue de la lumière. »
Cette affirmation me semble assez limitée au regard de la désignation de cette fête elle-même dont le nom désigne l'agnelage et donc l'expression d'une Vie de nouveau féconde au sein d'un renouveau printanier qui approche.... (Les druides « jeûnaient », faisaient des ablutions, des lustrations avant de procéder à un cérémoniel ou rituel et avaient recours à cet effet aux épurations symboliques et réelles produites par le feu et l'eau.)...
Il nous dit également en parlant du « druidisme »:
La Gorsedd est une « société de pensée » fondée sur « la croyance celtique traditionnelle (qui) considère que l'univers, dans sa totalité, participe à la divinité et qu'il n'y a que lui. »
Cette assemblée (panthéisme) rejette tout engagement politique, et même religieux. Elle respecte le « libre arbitre » de chacun...
Sur son engagement sur le chemin du « druidisme » :
« J'étais attiré par le sens de la nature et l'éthique, dépouillé du fardeau moral du judéo-christianisme et de sa notion de péché. »
(La Gorsedd bretonne a pour « marraine » l'assemblée druidique du Pays de Galles. Elle a été fondée en 1899 et de façon officielle en 1900 dans une auberge de Guingamp. Elle compte actuellement une cinquantaine de membres dont la moitié sont des femmes.)
....................................................
Jean Claude Cappelli autre druide exerçant en Bretagne nous dit :
« Comme la plupart des néo-druides, je suis panthéiste : nous considérons que Dieu est tout et que tout est Dieu. Nous pensons que le cosmos est un être vivant, et que nous sommes une partie de ce grand tout, qui est mâle et femelle à la fois, comme le Soleil et la Lune. Nous croyons en l'immortalité de l'âme, en la réincarnation. »
Ce qui me gêne (pour partie) dans ces affirmations, c'est l'emploi de ce « nous » à la place du « je », car tous les druides ou druidesses n'ont pas les mêmes conceptions et croyances, loin de là !
Généraliser ainsi la croyance et les conceptions donne à croire à une totale unité de la pensée celto-druidique qui n'existe pas parmi le corps sacerdotal contemporain, car il y a parfois autant de conceptions que de druides ou de druidesses ceci du fait d'une Tradition libertaire non dogmatique, d'une absence d'écrits des druides eux-mêmes sur ces notions de croyances et de conceptions et sur les censures opérées à ces sujets par les moines chrétiens lors de la retranscription du corpus oral dans leurs manuscrits...
Ainsi, par exemple, la croyance en la réincarnation bien étudiée par des chercheurs émérites qui ne valident pas la conception de l'existence et de la croyance en celle-ci dans le monde celto-druidique...
De même il ne me semble pas très sérieux de faire accroire que «... l'on peut devenir druide après une phase d'observation et d'apprentissage, au cours de laquelle le postulant reçoit un enseignement écrit et oral et qui dure au minimum un an. »
On est loin des vingt ans d'apprentissages nécessaires pour animer la fonction sacerdotale druidique !
« ... la croyance principale est que la terre et la nature sont sacrées, et dignes d'être vénérées en tant que telles. Il s'agit d'une philosophie religieuse plus que d'une religion, c'est une vision du monde parmi d'autres... » Dont acte...
En ce qui concerne le rapport entre la Druidité et l'enseignement de la pensée pythagoricienne, les débats persistent, à savoir qui a influencé l'autre ? Les arguments s'opposent...
Mais quoi qu'il en soit nous sommes en face de véritable sagesses qui ont entre elles des parentèles indéniables...
Stéphane Foucart auteur de l'article s'appuie sur les travaux de Jean Louis Brunaux qui considère le druidisme comme « une école philosophique », une pensée conceptuelle qui aurait totalement disparue au tournant de l'ère chrétienne...
(Cela se discute bien évidemment.)
Mais la qualité de « philosophe » s'applique irréfutablement aux druides...
L'auteur rappel combien César doit aux observations du voyageur et philosophe qu'était le Grec Poseidonios d'Apamée qui a été au devant de la civilisation celtique en son temps (entre 135 et 51 avant J.C.)... (Les « carnets de voyage » de celui-ci ont été hélas perdus. Et ce sont d'autres auteurs Grecs qui nous en livrent des fragments.)
L'auteur en faisant référence à Jean Louis Brunaux rappelle l'importance du chaudron celtique de Gundestrup (une sorte de condensé de la croyance celtique) et des données astronomiques qu'il est censé comporter... Une possibilité à ne pas exclure en effet.Il cite par ailleurs Amien Marcellin un auteur païen de l'Antiquité qui dit des druides :
«....qu'ils sont formés en communautés dont les statuts étaient l’œuvre de Pythagore et que leur esprit est toujours tendu vers les questions les plus abstraites et les plus ardues de la métaphysique. »
Nonobstant l'affirmation non établie que Pythagore ait doté les druides d'un statut rédigé par lui, on retiendra surtout l'importance et les hautes exigences de la pensée druidique.
Et, par ailleurs, le caractère éminemment « savant » des druides....
….................................
Les articles publiés :
3 Articles du Journal Le Monde sur la Druidité :
Publiés entre 2009 et 2020
A Propos du druide Per-Vari Kerloc'h druide « Morgan VIe » 6iè Grand Druide de la Gorsedd de Bretagne
Etre druide au temps du coronavirus Par Youness Bousenna
Le Monde Mai 2020
La célébration de l’équinoxe de printemps (2020), le 22 mars, a été bousculée par le coronavirus. Mais les druides bretons se sont adaptés.
Ils auraient dû se retrouver face à l’océan, sur une frontière de terre au bout du Finistère. Dans les environs de Plouhinec, à proximité d’un site de dolmens, les membres de la Gorsedd de Bretagne, plus ancienne fraternité druidique française, auraient célébré ensemble, le dimanche 22 mars, l’équinoxe de printemps. L’épidémie due au coronavirus et le confinement ont finalement contraint à annuler le rassemblement.
Le druidisme est très simple : il s’agit d’être en harmonie avec la marche du monde », résume Per-Vari Ke
Mais il n’a pu empêcher les druides de se retrouver par l’esprit. Un égrégore – pensée collective censée produire une force spirituelle – leur a permis « d’abolir le temps et l’espace », souffle Per-Vari Kerloc’h, sixième grand druide de Bretagne qui conduit à ce titre la Gorsedd. Il a ainsi proposé à chacun de communier là où il se trouve, à 11 heures, « en faisant une photo, en communiquant une pensée », puis d’en partager le résultat avec les autres, par mail. « L’équinoxe de printemps marque l’égalité entre le jour et la nuit. Ce moment nous amène à réfléchir sur le rapport entre l’océan et la terre, l’équilibre des extrêmes, et à s’interroger aussi sur la notion d’égalité dans le domaine humain », explique Per-Vari Kerloc’h, qui a choisi Morgan comme nom druidique.
« Paix en vos cœurs, en vos âmes, en vos esprits » Pour cette cérémonie particulière, lui n’était pas seul : son épouse, Elisabeth, est également druidesse. Ils se sont rencontrés jeunes et ont intégré la Gorsedd ensemble. Tous deux ont disposé trois objets à côté d’une fontaine : une hache en bronze, un objet fabriqué avec une dent de reptile et une hache en pierre polie. De l’autre côté, ils ont mis un oursin fossile qui représente l’œuf du monde, duquel tout procéderait.
Et puis, ils ont envoyé des photos avec une pensée chaleureuse. « L’awen [en breton, inspiration poétique et spirituelle] a soufflé avec nos amis d’autres fraternités qui célébraient à la même heure. Fraternelles accolades de loin jusqu’à ce que nous nous retrouvions. Paix en vos cœurs, en vos âmes, en vos esprits », a envoyé Per-Vari Kerloc’h à ses pairs.
La célébration suit de quelques semaines une autre fête, celle d’Imbolc, qui a eu lieu cette année le 2 février. Préparant l’équinoxe, Imbolc marque la lustration, c’est-à-dire « le lavage symbolique des miasmes de l’hiver pour se préparer à la venue de la lumière ».
La cérémonie a toujours lieu près d’une fontaine et trois membres féminins de la Gorsedd tiennent chacune une torche ; puis tous se lavent mains et visage dans l’eau. « Le secret du druidisme est très simple : il s’agit d’être en harmonie avec la marche du monde », résume le grand druide, âgé de 68 ans.
La célébration suit de quelques semaines une autre fête, celle d’Imbolc, qui a eu lieu cette année le 2 février. Préparant l’équinoxe, Imbolc marque la lustration, c’est-à-dire « le lavage symbolique des miasmes de l’hiver pour se préparer à la venue Les célébrations sont calquées sur le rythme des saisons et le cycle cosmique. On fête la nouvelle année avec Samain, qui, vers le 1er novembre, marque le début de la saison sombre jusqu’à Beltaine (au 1er mai), début de la saison claire, ainsi que les équinoxes et les solstices.
Mais la Gorsedd se mobilise par ailleurs autour de causes environnementales. A l’automne 2019, ses druides se sont rassemblés contre l’abattage des arbres du jardin public de Lannion en organisant une cérémonie de protection. La Gorsedd, qui compte une cinquantaine de membres (dont la moitié sont des femmes), s’est ainsi élevée, en 2017, contre des projets miniers à Merléac, dans les Côtes-d’Armor.« Société de pensée » Pour autant, l’institution fondée en 1899, petite sœur de la Gorsedd de Galles, rejette tout engagement politique, et même religieux. Si ses statuts revendiquent un panthéisme, ils respectent le libre arbitre de chacun. Cette « société de pensée » est seulement fondée sur « la croyance celtique traditionnelle [qui] considère que l’univers, dans sa totalité, participe de la divinité et qu’il n’y a que lui ».
C’est pour faire respecter ce principe que Per-Vari Kerloc’h a été choisi par Gwenc’hlan Le Scouëzec pour lui succéder comme grand druide à sa mort, en 2008. Cette figure majeure du druidisme breton en a fixé le cadre et a également su résister aux tentatives d’entrisme de l’extrême droite identitaire dans le mouvement.
Pierre-Marie Kerloc’h (son nom d’état civil), qui a fait carrière comme cadre puis délégué syndical à La Poste, a rencontré le cinquième grand druide au début des années 1980. Gwenc’hlan Le Scouëzec venait alors d’accéder à cette charge. Per-Vari, lui, revenait en Bretagne à l’occasion d’une mutation professionnelle. Il trouve alors un logement chez un membre de la Gorsedd qui en héberge des réunions. On autorise le jeune homme à assister aux discussions et aux cérémonies. Per-Vari, originaire de Douarnenez, s’intéressait déjà à l’histoire celtique. La découverte de la Gorsedd va lui ouvrir une porte spirituelle.
« J’étais attiré par ce sens de la nature et l’éthique, dépouillée du fardeau moral du judéo-christianisme et de sa notion de péché. » « Maturité spirituelle . Pour devenir membre de la Gorsedd, il faut cependant franchir plusieurs étapes. La demande doit être soutenue par deux parrains ; le Poellgor, bureau directeur notamment chargé d’élire le grand druide, doit ensuite valider la candidature. Une période de stage doit être observée : Per-Vari sera « disciple » durant deux années, avant d’être admis en 1983. Il revêt alors l’habit bleu du barde, l’un des trois ordres au sein de la Gorsedd.
Les bardes, gardiens de la mémoire, sont tournés vers la poésie, l’art et l’histoire ; quant aux ovates, en vert, ils sont liés à la matière et à ses métamorphoses – leurs métiers peuvent donc être liés à la médecine, l’agriculture, l’artisanat… Il n’y a pas de hiérarchie entre ovates et bardes. C’est sur la base de leur ancienneté ou de leur mérite qu’ils deviennent ensuite, sur validation du Poellgor, druides.
Per-Vari Kerloc’h aurait pu porter leur habit blanc plus tôt que les autres : on lui a demandé de porter l’épée de cérémonie, fonction symbolique de protection du grand druide touchant également à la lumière de l’esprit. Etant une fonction du Poellgor, elle implique un statut de druide. « Mais j’ai refusé, je voulais rester barde. Il était trop tôt pour être druide. Cela réclame une maturité spirituelle. » Après l’être devenu, il se voit demander par Gwenc’hlan Le Scouëzec d’être grand druide adjoint. « Il m’a fait confiance, car il savait que je respecterais le principe de libre arbitre. » Voilà douze ans qu’il a succédé à son guide. Un grand druide le reste à vie, mais lui souhaite changer cette règle. « La tâche est lourde et les cérémonies, toujours en plein air, exigent d’être valide. » S’il se sent toujours en forme, il préfère prévoir le jour où il faudra passer la main. La Gorsedd est, avant tout, une affaire de transmission.
Youness Bousenna
Témoignage : « Pourquoi je suis devenu druide »
Jean-Claude Cappelli, 63 ans, a embrassé le néodruidisme il y a trente ans. Un choix longuement mûri par ce professeur de dessin industriel retraité.
Par Cémence de Blasi décembre 2018
« Enfant, j’étais catholique : il n’existait pas d’alternative. J’ai grandi dans une petite commune de l’Allier, à une trentaine de kilomètres de Moulins. Mes parents avaient un rapport à la religion assez tiède, ils ne se rendaient à l’église que pour les grandes cérémonies, les mariages et les enterrements. Mes cinq sœurs et moi-même, en revanche, étions tenus de nous rendre au catéchisme et de faire notre communion – j’ai même été enfant de chœur !
Si je n’ai jamais vraiment eu la foi, le curé m’a tout de même transmis le goût du sacré. Mon premier choc spirituel, je l’ai connu à l’âge de 10 ans. Un matin, alors que le jour se levait, je suis passé en voiture devant le mont Beuvray, dans le massif du Morvan. En découvrant cette montagne bleue, couronnée entièrement de nuages, j’en ai pris pour toute ma vie. Sans savoir pourquoi, je m’en suis trouvé bouleversé. J’ai appris plus tard que c’est à son sommet que Vercingétorix fut proclamé chef des Gaules coalisées en 52 avant J.-C., et que César a rédigé ses Commentaires sur la guerre des Gaules.
Ma passion pour les Celtes n’a pas cessé de grandir depuis. J’ai cheminé comme ça, en avalant des tonnes de bouquins d’histoire, en me nourrissant de comptes rendus d’archéologues. Le catholicisme m’ennuyait ; je me suis progressivement rapproché du druidisme.
Une philosophie religieuse
Le mouvement néodruidique est très varié, représenté par plusieurs collèges druidiques aux sensibilités différentes : il n’y a pas de dogme auquel toutes les mouvances souscrivent. La croyance principale est que la Terre et la nature sont sacrées, et dignes d’être vénérées en tant que telles. Il s’agit d’une philosophie religieuse plus que d’une religion, c’est une vision du monde parmi d’autres. Comme la plupart des néodruides, je suis panthéiste : nous considérons que Dieu est tout, et que tout est Dieu. Nous pensons que le cosmos est un être vivant, et que nous sommes une petite partie de ce grand tout, qui est mâle et femelle à la fois, comme le Soleil et la Lune. Nous croyons en l’immortalité de l’âme, en la réincarnation.
On ne devient pas druide du jour au lendemain : le postulant doit passer par une phase d’observation et d’apprentissage, au cours de laquelle il reçoit un enseignement écrit et oral, et qui dure au minimum un an. J’ai d’abord fait des rencontres, avant d’être invité à l’une des huit fêtes traditionnelles du calendrier celtique, celle de Beltaine, célébrée chaque 1er mai. Elle marque le passage de la saison sombre à la saison estivale. Traditionnellement, on allume des feux entre lesquels on fait passer le bétail pour le protéger des épidémies, on prononce des incantations. Des rituels sont pratiqués en cercle, autour d’un mât ou de pierres dressées. Lors des cérémonies, la plupart des druides portent une longue robe blanche, la saie, et certains, des bâtons rituels.
........................................................................................
Le druide, ce philosophe ....
Les druides sont décrits comme des penseurs proches des idéaux pythagoriciens. Série "Nos ancêtres les Gaulois" 3/6.
Par Stéphane Foucart
Publié le 22 juillet 2009 Le monde
Les druides sont décrits comme des penseurs proches des idéaux pythagoriciens. Série "Nos ancêtres les Gaulois" 3/6.
Ce village est une cour d'école. Il y a le souffre-douleur, le barde Assurancetourix. Il y a le querelleur, le forgeron Cétautomatix qui cherche constamment noise au poissonnier, Ordralfabétix. Il y a les bons, les mauvais élèves. Et, bien sûr, il y a le druide Panoramix - le vieux sage. La IIIe République est passée par là. Dans son Histoire de France populaire publiée en 1875, l'historien et homme politique Henri Martin (1810-1883) "représente les druides comme des philosophes-précepteurs", écrit Nicolas Rouvière dans Astérix ou la parodie des identités (Flammarion, 2008). "Dans l'enseignement laïc de la IIIe République, ajoute-t-il, (...) le druide atténue la barbarie de la religion (...), il est dépositaire du savoir, ancêtre de l'instituteur."
Plus que celle du magicien barbare, c'est donc cette figure du druide en enseignant laïc que choisiront Goscinny et Uderzo. Les druides, précurseurs de l'école républicaine ? Voire. Le poète romain Lucain (39-65), les décrit comme habitant "au fond des forêts dans des bois reculés" et, surtout, leur reproche leurs "rites barbares et leur sinistre coutume des sacrifices" humains. Quant à l'historien Suétone (70-130 environ), il fustige la sauvagerie de leur "religion atroce". Mais il est vrai que tous deux écrivent à une époque où le druidisme est, déjà, entré dans la légende...
Qui croire ? Pour l'historien et archéologue Jean-Louis Brunaux (CNRS), les druides ne sont ni de gentils professeurs ni de sombres sacrificateurs sanguinaires. Il faut, selon lui, voir le druidisme comme une école philosophique "à la grecque". Un mouvement qui aurait littéralement régné sur la Gaule entre le Ve et IIe siècle avant notre ère, avant de décliner pour disparaître tout à fait au tournant de l'ère chrétienne. Ainsi, lorsque César (100-44 avant J.-C.) part en campagne, en 58 avant notre ère, "il ne reste déjà presque plus de druides en Gaule, les derniers se font discrets et ne sont que des produits de l'institution pédagogique", assure Jean-Louis Brunaux.
Chose étrange. Car César est aussi l'auteur de l'Antiquité qui s'étend le plus sur les druides et le druidisme. Dans La Guerre des Gaules -, le récit, mené tambour battant, de ses opérations diplomatiques et militaires entre le Rhin et l'Atlantique - il consacre au sujet quelques pages des plus célèbres. Mais à aucun moment de son récit il ne narre la moindre rencontre avec l'un de ces mystérieux mages gaulois. "En réalité, la majorité des passages ethnographiques de La Guerre des Gaules, sont recopiés de l'oeuvre de Poseidonios d'Apamée (135-51 avant J.-C.), un philosophe grec qui a voyagé en Gaule une quarantaine d'années avant César", explique M. Brunaux. Injustement méconnu, Poseidonios d'Apamée est une puissance intellectuelle. Il est scolarque (directeur) de l'école du Portique. Il est astronome et géomètre. Il est peut-être l'inventeur du prodigieux mécanisme d'Anticythère, machine antique permettant de calculer les positions astronomiques. Il est géographe et historien. Il est grand reporter.
Que diable va-t-il faire dans la lointaine Gaule ? "Il cherche l'Age d'or, il veut observer un monde dans lequel les gouvernements sont encore tenus par les savants, comme cela avait été le cas quelques siècles avant lui, lorsque des écoles philosophiques administraient des cités grecques, dit Jean-Louis Brunaux. C'est, entre autres choses, ce qu'il pense trouver en Gaule avec les druides." Un siècle et demi avant Lucain et Suétone, les druides gaulois pouvaient donc aussi être considérés par les philosophes grecs comme des alter ego.
Hélas ! Le récit complet de Poseidonios est perdu ; il faut se fier à ce qu'en laissent filtrer les auteurs ultérieurs qui l'ont lu, dont César. Les druides, écrit le proconsul, "apprennent par coeur, à ce qu'on dit, un grand nombre de vers : aussi certains demeurent-ils vingt ans à leur école. Ils estiment que la religion interdit de confier ces cours à l'écriture, alors que pour le reste en général, pour les comptes publics et privés ils utilisent l'alphabet grec". César ajoute qu'ils "discutent abondamment sur les astres et leur mouvement, sur la grandeur du monde et de la Terre, sur la nature des choses" ; qu'ils cherchent à "établir que les âmes ne meurent pas mais passent après la mort d'un corps dans un autre".
Il les crédite donc d'un pouvoir politique exorbitant, excédant de loin la seule régulation des pratiques religieuses. Ces druides, "commandés par un chef unique" et qui se réunissent une fois l'an, "dans un lieu consacré, au pays des Carnutes" (près d'Orléans), arbitrent les différends entre particuliers ou entre la soixantaine de peuples qui forment cette mosaïque bigarrée qu'est alors la Gaule. "Si un particulier ou un Etat ne défère pas à leur décision, ils lui interdisent les sacrifices et cette peine est chez eux la plus grave de toutes", précise César. Mais tout cela était bel et bien révolu au moment de la Guerre des Gaules : sinon, César se serait inquiété des druides lors de ses opérations. Il n'en a rien été.
Croyance dans la transmigration des âmes, prohibition de l'écriture pour conserver le secret de l'enseignement, initiation, pratique de l'astronomie, implication dans la vie de la cité : pour un esprit grec formé à la philosophie, ce qui est décrit là ne peut faire penser qu'à la doctrine du grand Pythagore (vers 580-497 avant J.-C.), le "premier philosophe". "De nombreux auteurs grecs se sont interrogés sur ces ressemblances frappantes entre les idées pythagoriciennes et celles des druides, explique Jean-Louis Brunaux. Certains se sont même demandés si Pythagore n'avait pas été instruit par des druides !" L'inverse est vrai, comme en témoigne saint Hippolyte qui, au IIe siècle de notre ère, écrit que "les druides chez les Celtes se sont appliqués avec un zèle particulier à la philosophie de Pythagore". De même, Ammien Marcellin (vers 330-395), dernier grand auteur païen de l'Antiquité, dit à propos des druides qu'ils sont "formés en communautés dont les statuts étaient l'oeuvre de Pythagore" et que leur esprit est "toujours tendu vers les questions les plus abstraites et les plus ardues de la métaphysique".
Ce lien pressenti entre les premiers cercles pythagoriciens et le druidisme pourrait-il être réel ? Pourquoi pas. Dès les plus hautes époques, les contacts entre le monde celte et la Méditerranée sont fréquents. "Via la colonie grecque de Phocée (Marseille), fondée au VIe siècle avant notre ère, les Gaulois du Sud étaient en contact quasi permanent avec le monde hellénique, dit M. Brunaux. Des influences ont pu transiter par là."
La conquête de la Gaule méridionale, quelque quatre siècles plus tard, en 122 avant J.-C., marquera le déclin du pouvoir druidique. C'est d'ailleurs depuis cette base arrière que César achèvera, soixante-dix ans plus tard, de soumettre tout le reste. Avec l'influence romaine croissante et le déclin des anciennes institutions, les connaissances des savants gaulois, transmises oralement, tombent peu à peu dans un oubli irrémédiable.
Avouons-le : voilà qui est bien pratique ! Car il nous est bien difficile de croire à cette histoire de savants celtes dissertant sur la longueur du méridien ou sur la course des astres. Les images forgées par la bande dessinée, autant que par les manuels scolaires, sont trop fortes.
Veut-on une preuve de l'étendue de ce savoir ? Il en existe - peut-être ! - une. Elle pourrait être inscrite sur le fond d'un chaudron cultuel d'argent daté entre le IIe siècle avant J.-C. et le tout début de notre ère. C'est le chaudron de Gundestrup, du nom de la commune danoise où il est retrouvé en 1891. Les scènes représentées sur ses plaques latérales l'identifient sans aucun doute comme gaulois. En particulier, la présence de carnyx - longues trompes de guerre verticales - est sans équivoque. Sur le fond de cette cuve d'argent est figuré un grand taureau, entouré d'un lézard, d'un ours et d'un homme tenant une épée et talonné par un chien.
De ces tableaux, il existe autant d'interprétations que de spécialistes. Mais la plus enthousiasmante est celle imaginée par l'ancien recteur d'académie Paul Verdier, l'astronome Jean-Michel Le Contel (observatoire de Nice) et l'archéologue Christian Goudineau (Collège de France). Pour eux, le fond du chaudron pourrait être une représentation du ciel ; il pourrait figurer une conjonction de constellations.
Il y aurait celles d'Orion et du Petit Chien (l'homme armé suivi par le chien), du Taureau, du Dragon (le lézard), etc. Une telle conjonction astrale est-elle possible ? "Oui, répond Christian Goudineau. L'utilisation d'un logiciel ad hoc a montré qu'elle était visible depuis les latitudes moyennes de l'hémisphère nord autour de 2 200 avant J.-C."
Or, à cette période, on sait qu'il s'est joué dans le ciel un événement capital pour les civilisations méditerranéennes : le Soleil cessa de se lever, à l'équinoxe de mars, dans la constellation du Taureau. L'ère astrologique commencée autour de 4400 avant J.-C. s'achevait, laissant la place à l'ère du Bélier. Dans, le chaudron, l'animal est d'ailleurs représenté agonisant. "A mon sens, le chaudron de Gundestrup figure la date à partir de laquelle les Celtes comptent le temps, dit Paul Verdier. L'origine de leur calendrier, en somme." Le chaudron représenterait donc l'aspect du ciel près de vingt siècles avant sa fabrication ! Venant d'astronomes grecs ou mayas, de telles prouesses n'étonnent pas. Venant de druides, elles soulèvent l'incrédulité. Ces mages gaulois ne seraient-ils pourtant pas, en définitive, des savants comme les autres ?...
...............................................................