A DEUX DOIGTS DE LA FIN ! BRAN DU NOUVELLE 2018 18 01 JANVIER
A deux doigts de la fin...
Bran du Nouvelle 18 01 2018
Amandine Noémie Marie Bossard née le 12 février 1930 à 11 H 20 à Thiel sur Acolyn dans l'Allier (près de Moulin); fille unique d'un couple d'agriculteurs. Le père sera fusillé par les allemands en septembre 1941 pour faits de résistance et la mère décédera d'une mauvaise grippe pendant l'hiver 1973...
Amandine sera une « bonne élève ». Elle obtiendra le certificat d'étude et le brevet puis « montera » à Paris en 1948 et occupera un poste de secrétaire sténo-dactylo au siège social d'une grande banque d'affaires...
C'est dans une guinguette du bord de Marne qu'elle rencontrera lors du Bal du Dimanche Léon Masserio, fils d'émigrés espagnol et ouvrier spécialisé chez Renault. Ils n'auront pas d'enfant. Son conjoint décédera suite à un accident de voiture en mars 1989...
C'est à l'aube de sa quatre vingt troisième année qu'elle fut victime d'un accident vasculaire qui entraîna une paralysie du côté gauche ne lui permettant plus de s'assumer seule dans le quotidien de la vie...
Elle fût « placée » alors dans l'HEPAD des Quatre Saisons dans la ville de Bagnolet en Seine Saint-Denis...
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Nous sommes le 21 décembre 2017...
Une après-midi musicale est proposée aux « séjournants » dans une trentaine sont rassemblées dans la grande salle de l'établissement...
Un personnel qualifié et attentif encadre les personnes les plus dépendantes... Beaucoup d'entre elles sont en fauteuil ou accompagnées du fait de leurs problèmes de motricité....
Les musiciens animent l'espace avec des airs traditionnels, des chansons anciennes ou contemporaines, des chants de marins ou à répondre et des instrumentaux issus d'un répertoire du Moyen-âge ou de la Renaissance...
L'ambiance est joyeuse et on peut lire dans les regards l'attrait que provoque cette après-midi musicale...
Beaucoup de femmes et peu d'hommes dans ce festif auditoire...
Des chants sont repris en chœur, on bat des mains sur des jigs ou reels irlandais et l'on rit beaucoup...
De temps à autre "Germaine" pousse des cris, de véritables hurlements, mais aussitôt réprimés, sans méchanceté d'ailleurs, par un "ta gueule" de l'assemblée habituée à cette situation et entrée dans le jeu depuis longtemps...
C'est quelques temps avant le goûter qu'Amandine vînt nous rejoindre amenée au premier rang de l'assistance par Nejma ; l'aide qui prend soin d'elle depuis son arrivée dans l'établissement et qui a su tisser un précieux lien de respect, d'attention et de confiance réciproque...
Amandine est là ; une petite femme, menue, toute ridée, toute proprette dans sa blouse à petites fleurs, ses bas gris et ses chaussons épais...
Blottie, comme engoncée dans son fauteuil, la tête appuyée sur l'accoudoir de celui-ci, les yeux fermées, les mains jointes sur ses genoux, elle paraît « éteinte », absente à ce monde qui n'est déjà plus le sien...
La vie semble avoir opté ici pour la plus grande économie de geste, de mouvement, qui soit ; même la respiration est silencieuse...
Cependant, et à l'étonnement de tous et de toutes, on vit ses deux doigts de la main droite tapoter très régulièrement et en rythme sa main gauche signe que la musique, ici bretonne, parcourait et animait encore son corps, ses sens et son cœur produisant un contentement que son visage émacié reflétait avec sérénité et douceur......
Tout ce que les musiciens pouvaient espérer apporter de joie et de bonheur se trouvait là, résumé, condensé, en quelques minutes d'une participation inattendue et émouvante ô combien...
La vie circulait, ruisselait, bondissait encore au sein de cette fontaine, de ce bassin humain dont on ne voyait plus l'écoulement externe, mais qui, toutefois, continuait d'aviver et de désaltérer, de l'intérieur, les rives du grand âge et du grand et énigmatique domaine du cœur et des pensées !...