A propos du colloque à venir traitant des rites, sanctuaires et du druidsime Bran du 31 08 2015
Réflexion Bran du 30 08 2015
Le colloque judicieusement proposé le 11 novembre à Paris par la revue Keltia et ses animateurs m'amène aux réflexions qui suivent :
Quelque soient les avancées des études et des découvertes actuelles ou à venir, une grande partie de la religion, de la pensée philosophique et spirituelle des Anciens Celtes demeurera «voilée» et cela parce que les Druides, en leur temps, n'ont pas souhaité figer par écrit une pensée conceptuelle évolutionnaire inscrite dans le mouvement du temps et les déplacements dans l'espace des êtres et des choses...
Et cela est, selon moi, fort heureux qui nous oblige à refaire en notre cœur et en notre propre pensée le chemin qu'il ont parcouru au sein de la nature (naturante et humaine) pour développer peu à peu, leurs facultés analytiques et sensibles d'entendement majeur des lois et cycles qui régentent tout l'univers visible et invisible ; et ce, à partir d'observations méticuleuses et des déductions judicieuses constituant une véritable et profonde «sagesse» éclairant la connaissance de données et de compréhensions...
De quoi dispose aujourd'hui le chercheur, le cheminant, l'adepte, sincère et exigeant qui trouve, découvre ou retrouve au sein du corpus traditionnel celtique des éléments d'entendements, des outils, des méthodes, des principes, une éthique, des valeurs humaines, des conceptions nourricières pour le corps, le cœur, l'âme et l'esprit qui donnent sens à la vie et invitent chacun à développer en soi des facultés propices et aptes à en faire un artisan, un créateur, un artiste du vivant et un «serviteur» de ce qui anime et régente hautement et profondément celui-ci ?
- Les sources historiques et archéologiques attestées et argumentées et les travaux, études, recherches en découlant...
(Des témoignages d'observateurs contemporains du monde Celte, de première ou de seconde vue le plus souvent, plus ou moins « objectifs » dans leurs descriptions, qui demandent de faire preuve de grands discernements pour trier dans les méandres de leur écriture et de ce qui l'anime...)
- La mise en commun des diverses disciplines concourant par le rapprochement de leurs apports respectifs à une meilleure vision et appréhension des éléments étudiés...
- La volonté exprimé par l'archéologie nouvelle de se soucier autant du matériel enfoui dans «le sol» que de celui découvert en «surface» afin de dessiner une «occupation globale» de l'espace dans le temps imparti à une ou des occupations humaines...(Impliquant de nouvelles méthodes d'investigation)...
- L'existence avérée de très nombreux sites datant de la période celtique découverts par prospection aérienne qui ne demandent qu'à être fouillés pour autant que des crédits soient alloués pour cela...
- Une abondance de publications et d'ouvrages traitant de ces sujets, des musées et des expositions de qualité....
- Un net revirement dans la perception des Celtes et une considération nouvelle apportée au domaine celtique...
On regrettera toutefois et o combien, que cette «Tradition» et son «héritage» incluant un patrimoine quasi universel» aient fait l'objet d'une «celtomania» (une médiocre, bien petite et fortement étroite «celtitude» selon les termes adéquats de Kenneth White) ; une «imagerie» peu soucieuse d'authenticité de fond et de formes mais très prisée de certaines "modes" et "vogues" où la confusion et l'amalgame sévissent amplement...
On regrettera davantage qu'un tel apport de sagesse ait fait l'objet de récupérations idéologiques parmi les plus fâcheuses et les plus préjudiciables jetant l'opprobre et le discrédit sur un contenu défiguré pour tenter de valider, du sceau de la vérité, des origines oiseuses, perverties, manipulées, donnant lieu de pseudo légitimité aux dites idéologies dans leur fondement moderne qui est dans toutes ses positions extrêmes aux antipodes des enseignements majeurs d'une Tradition basée sur l'équilibre et l'harmonie qui sont des valeurs pérennes, mais hélas falsifiées...
L'ignorance, la méconnaissance et les manipulations médiatiques, politiques, historiques et idéologiques ont grandement concouru à véhiculer ce travestissement de la Tradition et c'est grand dommage....
En ce temps de «réhabilitation» d'un passé celtique jugé jusqu'à peu encore comme «barbare» et retrouvant à juste titre le terme de «civilisateur», on ne saurait se passer d'interrogations primordiales sur les valeurs, pensées et croyances constitutives de cette «civilisation» et des apports qu'elle contient potentiellement pour nous aider, en tant que «sagesse» à négocier au mieux le «tournant sociétal» auquel le bons sens nous invite et ce, avant qu'il ne soit vraiment trop tard !...
Si les premières études celtiques remontent à l'Académie celtique créée sous Napoléon III, bien des érudits ou artistes ou écrivains talentueux des siècles antérieurs se sont penchées sur cet étrange berceau si prodigue en imaginaire et dispensateur de tant d'inspirations merveilleuses autant que «géniales»... (Pour ne citer qu'eux; Shakespeare et Rabelais ont puisé dans la Fontaine celtique le ruissellement impétueux et généreux et au long cours de leur art !)...
On ne saurait ne pas faire état ici de l'apport colossal des «Bardes» qui irriguèrent le continent européen d'une Parole celtique aux nombreux échos et résonances ; une source féconde et «miraculeuse» auprès de laquelle bien des lèvres assoiffées se sont désaltérées et se désaltéreront encore dans l'abondance, l'émerveillement, l'enchantement, la pétulance et la jubilation...
Les plus grands noms de la littérature, de la philosophie, de la musique, de la sculpture, c'est-à-dire des centaines et des centaines de référents illustres ou notoires ont été touchés par la «Matière celtique» et ce qu'elle dispensait d'Esprit, d'ingéniosité, de merveilleux et ont incorporé en leurs œuvres la part d'inspiration qu'elle suscita, magistralement, chez eux …
On reconnaît aux artisans Celtes un art spécifique et original dans ses interprétations et conceptualisations des formes et une haute technicité dans l'emploi parfaitement maîtrisé des métaux et matériaux les plus divers et variés...
Cet art singulier et reconnaissable entre tous, outre sa beauté, sa fonctionnalité, son esthétisme propre, son symbolisme, sa traduction spécifique d'oeuvres appartenant à d'autres civilisations, est avant tout un «art sacré» délivrant en langage codé une mémoire sapientiale rendue ainsi transmissible, mais réservée, a priori, à des «initiés»...
(Toute «sagesse» ne peut être livrée sans précaution à des yeux, des oreilles, des cerveaux encombrés d'ignorance ou d'orgueil et qui de ce fait, en détourneraient le sens et surtout l'Essence...)
Comprendre ce qui animait l'artisan Celte dans son œuvre et déchiffrer le «message» contenu dans celle-ci nous ouvrirait largement et grandement la voie à une plus grande compréhension de la pensée philosophique et religieuse celtique...
C'est assurément à partir de cette «matière celtique» que nous pouvons progresser le plus dans la recherche moderne d'une compréhension de l'Anima et de l'Essence qui régentaient le Monde Celte Ancien...
Les études sur le monnayage Celte sont de nature à bien des éclaircissements dans ce domaine à ne pas négliger....
La Monnaie ayant pour les Celtes une bien autre dimension et finalité que celles accordées à l'acquisition de biens et de services par son intermédiaire !... (Par exemple : L'or et l'argent d'une «tribu» sont aussi et surtout tributs pour les Dieux ! La «monnaie» celtique participe de la Grande Loi de l'Echange et de l'Offrande entre l'humain et le divin, le profane et le sacré !...)...
De façon constante et rigoureuse depuis plus de trois siècles maintenant des hommes et des femmes investis dans la druidité ont mené des milliers d'études afin de dégager d'une matière complexe l'Esprit présidant aux mises en formes des pensées conceptuelles des Celtes...
Ces travaux très nombreux, de qualité diverses certes, mais étayés par des penseurs, des chercheurs et des universitaires de renom constituent une somme très conséquente de réflexions et d'apports qui participent d'une avancée de la connaissance permettant de meilleures et de plus adaptées «pratiques»...
C'est une manne de données précieuses et d'informations exploitables, mais très dispersées et isolées et peu consultables de ce fait...
C'est en cela, et pour partie, qu'une Maison de la Druidité rassemblant un ensemble d'archives émanant des collèges, bosquets, ordres, clairières de la diaspora druidique dans le monde trouverait sa «vocation» en mettant tout ce patrimoine gratuitement à la disposition de ceux et celles qui souhaitent mener des études sérieuses et documentées....
Des travaux, articles, oeuvres et réflexions comme ceux de Pierre LANCE, Philéas LEBESGUE, Jacques GESTALDER, Françoise LEROUX, Ch J GUYONVARC'H, Claude STERCKX, Jean DE VRIES, G DUMEZIL, G Le SCOUEZEC, Marcel MOREAU, Lancelot LENGYEL, Paul BOUCHET, Robert AMBELAIN, André SAVORET, Yvan GUEHENNEC, Raymonde REZNIKOV, Michel CAZENAVE, P CARR-GOMM, Philippe JOUET, Marcel BRASSEUR, Roger CHAUVIRE, V KRUTA, B SERGENT, P RIVIERE, H HUBERT, ARZ BRO NAONED, Ella YOUNG ; Nora K CHADWICK, P Y LAMBERT, F LOT, P M DUVAL, Miranda GREEN, Serj PINEAU, Philippe LE GUILLOU, Kenneth WHITE, Théophile BRIANT, W B YEATS, ... pour ne citer que ceux là et en m'excusant auprès des nombreux autres chercheurs de ne pas les citer, ont permis de nettes progressions pour mieux «cerner» un monde Celte souvent difficile à appréhender...
Si l'on pouvait rassembler l'ensemble des travaux et des études menées depuis 300 ans sur le monde Celte et toutes les œuvres qui ont vu le jour résultant des connaissances et du savoir dispensés on serait en possession d'une masse considérable de données et d'informations, de postulats, d'hypothèses et d'interprétations, pouvant concourir dans leur rapprochement à des dénominateurs communs et à des perceptions singulières riches en originalité et vision...Tout ceci ouvrant de nombreuses et pertinentes pistes dignes d’intérêt et d'approfondissement...
Une part importante de ces chercheurs ne s'est pas contentée d'exhumer des terres de l'oubli des pans entiers d'une mémoire demeurée vive (pour autant que l'on recherche la braise indéfectible sous la cendre des siècles), ils ont aussi «incarné» en leur temps les dimensions culturelles, artistiques, sociales, écologiques, philosophiques et spirituelles que leurs réflexions et recherches mettaient à jour pour éclairer (après adaptation et actualisation) leur existence d'une lumière apte à affronter toutes les obscurités !...
Que le point soit fait, que «l'état» des lieux, des moyens, des méthodes soit établi, sur l'état des connaissances en terme, de rites, sanctuaires et religions celtiques, c'est là une initiative heureuse que nous saluons et que nous encourageons et nous vous invitons à suivre les débats et conférences qui seront proposés le 11 novembre à Paris...
Reste une question délicate qui ne sera peut-être pas abordée dans ce cadre : cette «mémoire» exhumée du passé est-elle destinée à demeurer un élément de connaissance parmi d'autre ou peut-elle servir aussi à sustenter des réflexions majeures et des pratiques plus adéquates aux fondements identifiés pouvant être mises au service d'une Druidité moderne, évolutive et progressive, adaptée et adéquate, opérative et efficiente, en action dans la vie et dans le monde ? (Sans que cela ne soit l'objet d'un prosélytisme qui, à juste titre, est absent de la pensée celtique et sa transmission.)
Certains auteurs, penseurs et chercheurs avancent l'idée que la société celtique est plus une société an-historique qu'historique et qu'elle est davantage fondée et assemblée par le mythe et les archétypes qu'elle véhicule que par l'Histoire qui n'aurait pas a priori l'importance que d'autres lui accordent...
Le barde dirait qu'il s'agit en fait d'un ruisseau, d'un ru spécifique qui circule librement sous le fleuve de l'Histoire, mais qui n'épouse pas nécessairement les rives et les berges de Celle-ci....
C'est un ruissellement permanent dans lequel l'esprit et le cœur «sourciers» et «puisatiers» peuvent en connaissance, confiance, amour, libre volonté et désir, entendement et conscience, puiser leur baguette sensible et intelligente afin de refaire sourdre et jaillir l'Eau précieuse de la Source Originelle...
Ce ruisseau de sagesse, de sapience, s'écoule depuis toujours reliant source et embouchure invitant les saumons (symboliques et analogiques) que nous pouvons être à remonter l'estuaire des siècles et des hommes pour retrouver les frayères essentielles et primordiales d'un recouvrement d'une identité des plus remarquables restituant à l'Etre les valeurs de ce qui Fut, Est et Sera en toute éternité...pour toute Eternité, sous le ciel, sur la terre et au sein des océans d'écume et de feuille qui nous entourent....
Le monde celtique n'est pas un cadavre que l'on met à jour dans son énigmatique embarquement ni un fossile emprunt de son environnement passé et des strates de ses diverses transformations chimiques, c'est, druidiquement, bardiquement, l'enveloppe, l'écorce, l'aubier, la sève d'une Essence qui donne croissance à toute vie... Y compris donc la nôtre !...
Nous félicitons les concepteurs de ce colloque et remercions les animateurs qui rempliront notre corbeille de connaissances actualisées sur les rites, sanctuaires et la religion de nos lointains ancêtres pré-européens, mais si des données historiques et archéologiques affinées et actualisées livrées au public averti se limitent à une exhumation de connaissances aussi utiles et importantes soient-elles sans que la question ne se pose ou soit posée de la perpétuation et de l'actualisation contemporaine d'une pensée philosophique, spirituelle et «reliante», héritée du monde Celte s'insérant dans une perspective d'avenir, il appartiendra à la diaspora druidique actuelle de prolonger cela en poursuivant et en élargissant les débats, en tenant compte des précieux et récents apports de connaissance mis à sa disposition...
Il ne s'agira pas, bien évidemment, de reconstruire une société celtique, mais de s'inspirer d'une «architecture» de pensée pouvant aider notre humanité à reconstruire son fondement et ses valeurs d'édification et d'élévation en s'aidant des enseignements pertinents et efficients que délivre cette civilisation particulière fondée sur des mythes et des archétypes universaux stimulant un prodigieux imaginaire...... (Toutes les Traditions anciennes, natives, païennes, primitives sont appelées à concourir par leur sagesse cumulée à une réflexion et à une mise en oeuvre d'un changement fondamental de paradigme sociétal.)
(L'intuition, la vision, la perception, l'imagination sont des vecteurs de novation, d'expériences pionnières, de défis audacieux et c'est sans doute ce qui manque le plus à notre société moderne avec l'absence de synergie d'énergie en terme d'actions symbiotiques c'est-à-dire solidaires du vivant et coopérative dans sa protection et son développement !)
Le Cap 2017, qui fêtera donc en 2017 le tricentenaire de la résurgence au grand jour de cette pensée druidique sera l'occasion inespérée de mise en commun, (à travers des débats, causeries, conférences, tables rondes et colloques organisés dans ce cadre), des réflexions, travaux et études menés en ce sens afin de situer la simple, naturelle, modeste et juste place, que peut occuper cette sagesse dans le concert si possible harmonisé des nations et orchestré par une conscience planétaire élargie...
Des questions comme celles qui suivent devraient requérir notre mobilisation et nos investissements :
Y aurait-il à concevoir ou non une «orthodoxie» religieuse de « base » de la «druidité» déterminant ou imposant les «bonnes conduites à tenir» et les «dérives» à écarter pour tout adepte ou servant ? (Ou encore une Charte de la Druidité permettant de connaître ce qu'elle ne saurait être et ce à quoi elle aspire... Des modèles déjà élaborés satisfaisants et pouvant être "perfectionnés" existent à ce sujet.)
Peut-on servir et se référer à «l'Awen» et contester par ailleurs son existence et sa prépondérance dans la connaissance, la transmission et la pratique sacerdotale de la «Druidité» ?
Les conditions matérielles et les contraintes humaines doivent-elles continuer de reléguer la pratique spirituelle au second plan ou de subordonner cette dernière aux contingences des premières ?
(Pour autant que l'on aspire ou non à un nouveau millénaire ou siècle qui soit davantage spirituel que matériel !)...
Quid de la pratique druidique contemporaine ?
(Sur quoi se fonde-t-elle, se «justifie-t-elle» ?)
Pourquoi suscite-t-elle un intérêt, un engouement certain et croissant ?
Quid de la compatibilité entre la rationalité et la croyance !
(Où comment concilier judicieusement les apports de la science et de la recherche en terme de données et de connaissances «historiques» et «archéologiques» avec ce qui relève d'un Anima, d'une Essence, d'un Principe purement spirituels?)
Quelle juste place est accordée au Féminin dans la Tradition druidique et comment celle-ci peut améliorer le rapport entre les polarités trop souvent stérilement opposées ?....
Quid des notions de filiation, d'initiation, de transmission au sein du sacerdoce et des collèges ou clairières ? Quid de la qualité des enseignements et accompagnements dispensés ? Quid des outils, corpus et méthodes à disposition et de la «validité» de ceux-ci ?...
Quid de la grande et récurrente difficulté à fédérer dans la durée un singulier pluriel ?
Quid de la nécessité de se doter enfin d'une «Maison de la Druidité » permettant les interfaces entre «cheminants» et public et médias ?
(Un espace mettant à disposition un maximum de données et d'informations, assurant des conférences, dispensant des enseignements et permettant de parfaire le niveau de «l'encadrement» sacerdotal etc...)
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Si nous sommes bien en notre inconscient, en nos gênes, en notre ADN, un grenier de semences mémorielles, en quoi l'humus qui fonde notre humanité ne serait-il pas apte à recevoir de nouveau ces graines dans le terreau fertile d'une pensée qui en ferait éclore de nouveau l'Essence substantielle ?...
On ne saurait conclure cette réflexion parcellaire et non exhaustive sans rappeler la prépondérance accordée à l'Esprit sur toute «matière», toute «connaissance», tout «concept» et «toute forme», tout «acte» et toute «parole» dans le monde celtique et en bien d'autres Traditions...
Aussi si le dernier mot revient à l'Histoire, c'est au Souffle, au Verbe, au Logos, à l'Awen de perpétuer le grand poème de la Vie et de son Evolution.
Bien fraternellement à vous Bran du 31 08 2015