TERRASSE (SUITE) 2018 NOUVELLE BRAN DU 15 07 JUILLET
Terrasse : Chronique du quotidien (2)
Bran du Juillet 2018
Terrasses
(torchis de terre)
surface d'un sol plat
levée de terre formant plate-forme
emplacement sur le trottoir d'une voie publique, où l'on dispose des tables et des chaises pour les consommateurs, devant un café.
L'unité de lieu ; c'est cela qui circonscrit ce que la Vie, ici, met en scène avec des auteurs inconnus qui, naturellement, jouent leur rôle au sein du grand théâtre existentiel...
La terrasse est le lieu où l'on se pose, où l'on cesse momentanément un transit perpétuel entre la naissance et la mort...
C'est une halte au sein de cette course sans vainqueur ni vaincu car tout le monde franchira l'ultime ligne d'arrivée le moment venu et qu'importe alors les primes, la gloire et les honneurs !
Que de silences, de gestes, de mots assemblés provisoirement autour d'une table pour apaiser une soif qui concerne aussi celle de l'Etre en quête de lui-même par le travers de l'autre ou des autres...
La terrasse ; un espace accueillant, conçu pour accueillir tout ce qui fera halte dans le mouvement...
C'est là que se rencontre les futurs amants, là qu'ils boivent au merveilleux hasard, là également qu'ils se séparent... plus ou moins bruyamment... (N'ayant cultiver finalement et au-delà de quelques gratifications en terme de frissons épidermiques, que des divergences depuis leur prime et très surfait entendement !)...
La terrasse ; c'est là que l'on peut prendre le temps de respirer un bon coup, de regarder la vie plus posément, d'incarner vraiment celle qui respire avec nous, cela qui prend souffle dans le Souffle !...
La terrasse, c'est le drame humain servi sur un plateau...
(La solitude aussi y prend son apéro !)...
Elle peut être le lieu privilégié qui favorise la « rencontre », (ce don, cette grâce même, que la Vie fait à la Vie.) La « rencontre » ; celle qui soudain transcende toute routine, toute banalité, et fait de l'ordinaire un extra !... Celle où l'on se rend compte que « vivre » ; c'est aussi et surtout cela qui vient bouleverser l'attendu ou l'inattendue de nos désirs ou de nos renoncements...
C'est le lieu des rendez-vous avec soi, avec l'autre, avec les autres, mais aussi, le lieu pour se rendre à l'évidence qu'il ou qu'elle ne viendra plus, ne viendra pas , et que la vie danse en d'autres bras !...
C'est le lieu pour entamer ou conclure la joie qu'il y a à être ensemble, à former « communauté » réduite ou élargie, festive et conviviale, solidaire et compassionnelle...
S’asseoir à la terrasse c'est, comme la Vie, tout un Art, mais celle-ci concentre, hélas, un grand lot de figurants qui n'ont pas souvent figure de vivant !...
Le paraître à sa chaise ou son fauteuil, sa table réservée ou non, et entend bénéficier d'un service irréprochable...
Il s'agit alors de voir sans être vu ou mieux, encore, d'être vu, entendu, par tout ce qui, à l'orgueil, fait miroir...
Tant de verres servis sans que les lèvres de la poésie ne viennent y boire !...
A la table s'invitent les mots, les gestes et le silence...
Beaucoup n'ont rien à se dire ou si peu ou de si ordinaire...
Les gestes bien souvent plus éloquents que la parole qu'ils accompagnent...
La parole alors inutile tant le geste traduit à lui seul l'échange qui s'opère... Toute l'expression tenue là dans un mouvement précis et codé, connu et compris par tous les interlocuteurs présents...
La main, les doigts, le poignet, le coude pour dire mieux que le mot...
On comprend mieux alors pourquoi, en l'Amour, le corps seul « cosmunie » à l'essentiel et fait langage de chaque mouvement...
Après chaque départ le serveur ou la serveuse passe la lingette sur la table comme pour lui restituer sa virginité, comme pour laisser place à une nouvelle et inédite histoire...
Combien de parcours, d'itinéraires, de navigations existentielles s'attablent à la terrasse de l'instant.
Des similitudes certes, mais combien de singularités, d'expériences uniques, de cheminements et d'errances...
La pause comme un carrefour entre l'avant et l'après, entre hier et demain... La pause, pour lever son verre à la santé de l'instant...
Autant d'inconnus prenant place sur la chaise de l'instant...
Si « humains » cependant, et partageant des attitudes semblables, jouant des scènes appartenant à un répertoire commun tout en apportant à celui-ci, des nuances d'interprétations, quelques originalités et de rares inventions...
Quelle part du « vivre » , quelle part de spontanéité voire d'innocence
dans ces comportements ?
Comment discerner ce qui relève du consumérisme, du conventionnel, du ronéotypé et ce que la Vie nous dit d'elle-même sans autres emprunts que sa propre souche, sa propre source, sa propre sève ?...
La terrasse « ombrée » invite l'estivant, le happe à partir du désir qu'elle suscite et provoque... L'invitation repose sur la soif qui se porte alors à vos lèvres...
La terre est une immense terrasse dont nous ne percevons pas, n'entendons, pas, ne voyons pas qu'elle est aussi une invitation permanente à rassasier notre juste soif de vivre et à partager celle-ci avec tout le vivant...
A SUIVRE