REGARDS SUR LE JAPON... (2) 2019 BRAN DU 24 10 2019
Aigrette en position de pêche... Photo Bran Du
Regards sur le Japon (suite) Bran du le 24 10 2019
« L'art magnifique du Japon présente une rare combinaison de pure fraîcheur naturelle avec un goût des plus raffinés pour la décoration et la plus haute sûreté stylistique. Soyons-lui reconnaissants de nous indiquer le bon chemin à suivre et d'ouvrir les yeux de ceux qui ont des yeux pour voir. »
Aemil Fendler en 1897
En Préliminaires (Bran du) :
Le Japon, à lui seul est un temple, un sanctuaire de la Mémoire hélas, de plus en plus déserté (sauf par les touristes) profané et délaissé, souillé par les résidus de la modernité et les nouvelles formes de consumérisme. (Bien des sculptures de ces temples ont « disparues » en un siècle !)
Les nouveaux « maîtres » s'appellent l’orgueil et l'arrogance, la réussite sociale à tout prix, la possession et l'exposition ostentatoire de signes manifestes de richesse... Tout ceci faisant l'objet d'un culte nationale plus assidu et pratiqué que la prière d'un moine agenouillé dans une couronne de feuilles d'érables déposées là en offrande par la rouge saison...
Autant ce Japon ancien était capable de contempler pendant des heures des calligraphies qui représentaient des bouvreuils,des grues ou des hérons blancs ou encore des cerisiers en fleurs autant de nos jours il baigne dans les néons multicolores des illusions et fantasmes exaspérés et généralisés...
Juste avant la guerre de 1914 le peintre breton Mathurin Méheut, se rendit au Japon dans le cadre d'une mission diplomatique. Il en fit des centaines de croquis merveilleux nous permettant aujourd'hui d'avoir une idée plus précise de ce Japon d'antan...
Bien modestement et en faisant référence à l'artiste précité, nourrit par lui, je vous propose un regard tout personnel sur le pays du Soleil levant...
Que l'on ne s'étonne pas, dans cette lecture, de trouver la trace, de temps en temps, d'une « passagère clandestine » ; c'est là fantaisie de « poète » !...
(Source et à Lire :
Mathurin Méheut : Voyage d'un peintre breton au Japon Edition Ouest-France... Elisabeth, Hélène et Patrick Jude
Kenneth White : Les Cygnes sauvages (le mot et le reste éditeur)
Basho : Sur les Chemins du Nord profond...
En repères de compréhensions :
(Le Bouddha (560-480 avant J.C. ) Sa religion est née en Inde puis en a été chassée par l’Hindouisme. Elle arrive au Japon via la Chine et la Corée au VIiè siècle de notre ère...)( Le concept principal repose sur la souffrance inhérente à notre existence laquelle résulte de nos désirs de posséder et « d'exister ». le but : s'exonérer et se détacher de ces besoins.) (Pour cela pratiquer les huit vertus afin d'atteindre le Nirvana.)
(La secte Zen est une branche du bouddhisme introduite au Japon au XIIè siècle de notre ère.)
(Le Shintô est implanté au Japon depuis 5000 ans ou plus. Les temples ont été construits pour demander la protection des « esprits » (les Kami)...
Les prêtres du Shintô sont appelés les Kannushi...
Ce sont des laïcs nommés par leur communauté d'appartenance...
Le Shintô c'est : le respect des ancêtres / L'obéissance aux lois / L'amour de la Nature / La propreté physique et morale / La vénération des Kami et une idée à l'origine assez « vague » de la vie après la mort...)
Des pèlerins :
Les pèlerins arrivent par la mer sur Miya Jima (l'île sacrée).
Ils sont accueillis par des biches (messagères des kamis) dès qu'ils sortent des barques...
Au Japon, les pèlerins ont le choix entre la visite des 33 temples de l'Est ou les 33 de l'Ouest...
Les principaux pèlerinages Shintô sont celui du temple sur le mont Fuji et celui d'Ise...
On se présente en vêture blanche devant les fontaines sacrées...
…
Poésie « en forme » de haïku et autres formulations... (2)
Bran du Le 24 10 2019 :
Le temple est fermé...
Le gardien est malade
Les kami* jouent au dés...
Il a « juré »le jeune moine
en se tordant le pied dans une ornière...
Jizô Bosatsu* n'en dira rien...
Dans le petit bassin
des rites de purification
avec les mains, pour les pensées aussi...
Ouvrant le volet coulissant de la chambre
Tu étais là
lors, la nuit s'est renversée...
La Fontaine au Cercle
reflète le visage
d'un biche en talon haut...
Le bâton à la main
et le sac sur le dos
l'esprit grimpe avec les pas qu'il conduit...
Sur le chemin de la forêt
un escargot s'est abrité
au cœur d'une lanterne en pierre...
Les soucis ne sont pas invités
à la cérémonie du thé
l'odeur des chrysanthèmes, si...
Fête du soir
réjouissance populaire
un odeur de beignet frit...
J'ai fait tinter la clochette à l'entrée du temple
afin d'attirer l'attention des kami*,
mais c'est un moine qui s'est présenté à moi...
Le jour agite son éventail de nuages
le soleil lui-même prend un bain
dans l'étang aux tortues sacrées...
Allant par les sentes d'humus et de mousses
l'odeur de la fumée de bois
me vient aux narines...
La chaleur de nos corps
a fait fondre le duvet blanc
de tes neiges...
Le bois et la terre
Pour donner vie, pour donner geste
Pour donner sens et nécessité à l'existence humaine...
Pour ne pas demeurer
la tête dans les étoiles
il avait mit un large chapeau sur ses rêves...
En ce temps là s'ouvraient au Japon
le cœur des blanches pivoines
Depuis le temps lui-même s'est fané !...
Le torii, massif, élevé, rouge sang de bœuf...
Le torii pour dire et signifier...
Le passage du profane au sacré...
Depuis que je me suis moqué de mon ombre,
elle ne s'attache plus à mes pas !...
Le bouvier qui lentement traverse l'allée du sanctuaire
a plus besoin de protection que le pèlerin en prière...
On n'a pas trouvé de Bouddhas assez grands pour chasser de notre planète la pléthore des « Mauvais Esprits »...
Les biches du temple de Nara
sont friandes de gâteaux
si tant qu'elles en oublient la matrice forestière...
Grisaille en ce jour...
Du plomb dans les jambes,
Mais dans mon cœur le souvenir radieux de ton soleil levant...
Un carnet de route
pour témoigner de la déroute ambiante...
D'autres chemins attendent nos pas !...
En ce temps d'automne
le jardinier et balayeur du temple
en appelle aux kami* des jardiniers !...
Nietzsche n'aurait eu de croyance
«qu'en un dieu qui à danser s'entendit.»
Dommage qu'il n'est pas connu les Miko* du Shintô !
Le gong et la flûte
accompagnent les mouvements de la danseuse
comme l'eau enveloppe et épouse la pierre lisse...
Daims biches et faons
suivent la danseuse sacrée
comme l'ombre s'attache à la lumière...
Jadis les chevaux blancs
portaient au ciel les messages des humains...
Aujourd'hui on pari sur le premier arrivé !...
Le croquis ne pouvait figer
les pas et gestes de la danseuse sacrée.
Le peintre offrit à celle-ci la piste de danse de son cœur...
Lui, ne venait pas prier pour solliciter les faveurs et protections des kami*, mais pour leur demander comment il pouvait, avec leur soutien, co-participer à la diffusion de leurs bienfaits !...
Les 3000 lanternes en pierre d'Ishidôrô
ne sauraient rivaliser
avec un seul de tes sourires !...
Je suis un pèlerin
sans temple ni sanctuaire
si ce n'est celui que je construit, en mon cœur, pas à pas...
Pourquoi, « planté » dans un carré de choux,
je me surprends à penser
à tes splendides rondeurs ?...
Bien au-dessus de la laideur et de l'impureté
s'ouvre le nénuphar, s'épanouit le lotus
parmi les eaux souillées...
Posé sur la commode
repose le Hoshû*, projété par des vagues de marbre et de nacre...
Des souhaits exaucés, c'est ce qui lui est demandé...
C'est par le rire et la curiosité
qu'elle est enfin sortie de sa sombre caverne
Amaterasu Ômikami ; la déesse du soleil et de la lumière...
J'ai acheté un carré de tofu
que j'ai offert, sous la pluie,
à Inari le Dieu du riz, grand amateur du lait caillé de soja...
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* Kami : esprit dans le Shintô.
Ils sont présents en toutes choses...
* Juzô Bosatsu est une divinité bouddhique protecteur des chemins...
* Le Torii : grand portique qui signale l'approche du sanctuaire..
* Miko : Les Miko, ce sont les danseuses sacrées du Shintô...
* Hoshû : bijou sacré (gardé par les dragons de la mer.)
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Voyager « mentalement » Bran du
...Shirakawa (la Rivière Blanche)...
Michinoku (la Terre au bout des routes)...
Aomori (la Forêt bleue) et Aoyama (La Montagne bleue)...
Matsushima (Les Îles aux pins)...
Ce sont là des contrées forestières et insulaires propices à la « poétique du monde », « des lieux d'exception et de grande renommée »... « remplis d'inspirations miraculeuses » et où connaître « la sensation d'un autre monde » aurait ajouté Bashô...
Mes pas ne connaîtront pas ces sentes sacrées... Ils ne suivront pas la route de nuit bordée par des lanternes allumées et les bambouseraies... Ils ne marcheront pas dans le sang rouillé des érables... Ils ne glisseront pas sur les marches millénaires des sanctuaires...
Je ne fréquenterai pas les ryôkan (les auberges traditionnelles) et leurs soupes et fricassées de légumes, leur pâté de crabes, leurs pommes de terre sauvage et leurs beignets de crevettes...
Je ne dormirai pas sous les cèdres bleus de la montagne bleue...
Je ne porterai ni mino, ni kamiko ni kasa*...
Je n'aurai pas de moustiques pour troubler mon sommeil...
Je ne boirai pas au puits du temple l'eau de longévité...
Je ne ferai pas offrande au Seigneur Renard de riz et de saké...
Je n'aurai d'ermitage qu'entre ma chair et mes os...
Je ne ferai que voyager mentalement par visions interposées avec au fond de ma poche un amour imaginaire et ces petits cailloux blancs qui préservent dit-on, de la perdition !...
* Mino, kamiko, kasa : Manteau fait de paille, manteau fait avec du papier, chapeau fait avec du bambou tressé...
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