Les dits du corbeau noir

Deux Nouvelles et un conte

Bran du / Septembre 2020

Saxo....

C'était un « riff » de saxophone d'une extrême langueur, des notes longues étirées jusqu'à leurs derniers soupirs... Des sons langoureux, alanguis, voluptueux, moites et fauves glissaient sur les pavés luisants de l'impasse alors que la nuit blafarde exposant sans pudeur ses cicatrices de néons chialait à grands sanglots...

Elle se tenait dans le recoin de la fenêtre soulevant un rideau crasseux, droite dans sa robe rouge et moulante, fortement échancrée sur le devant...

Des mèches de cheveux blonds lui tombaient sur le visage...

Sa main droite était appuyée sur le carreau de la fenêtre, ses doigts écartés semblaient vouloir empreindre tout l'espace extérieur et le ramener jusqu'à sa poitrine haletante...

Elle en était à son quatrième verre de gin et déjà tout tournait autour d'elle, virevoltait dans cette lumière jaune et sale que dispensait un abat jour crevé de part en part...

Elle se sentait comme une épave échouée sur les rivages, comme une naufragée de l'existence ; la barque de ses rêves disloquée et fracassée allant et venant dans les flux et reflux d'une marée mentale faisant assaut de tout son corps, de tout son être...

Le quartier était aussi pourri que les combles où elle se tenait chancelante, enivrée d'alcool et de mauvais souvenirs...

Ça sentait la pisse de chat, le renfermé, le moisi et il lui semblait que son propre corps renfermait une identique puanteur, un semblable taudis que rien ne pourrait délaver et rendre à sa beauté première...

C'est alors que la musique ouvrit la porte, plus exactement fit voler celle-ci en éclats et qu'elle la prit en ses bras avec la fermeté nécessaire, mais non sans attention ni douceur...

Elles gravirent toutes deux l'escalier branlant et arrivèrent sur le toit. L'averse s'était arrêtée et la ville luisait comme un diamant ou encore comme du cristal....

La musique prit son envol toutes notes déployées...

Seules les étoiles, peut-être, pourraient nous dire où elles s'en sont allées ?

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Le colis....

C'était un paquet construit selon les normes réglementaires, mais qui cependant était entouré d'un emballage original entièrement dessiné à la main et représentant une prairie printanière abondamment fleurie... Les étiquettes étaient apposées aux emplacements convenues et ne comportaient que le nom de l'expéditeur...

C'était un colis qui ne contenait en fait qu'un chargement de tendresses accumulées depuis des années et soigneusement réparti et entouré de ouate afin de préserver cela de tout choc préjudiciable...

La partie « destinataire » demeurait vierge de toute annotation...

Il était posé là depuis déjà bien longtemps sur l'étagère du buffet de la salle à manger....

Un jour, peut-être, un prénom parmi des milliers de prénoms viendrait s'inscrire à l'emplacement prévu...  qui sait ?... 

Sinon ! La mort n'en saurait rien faire !

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Les deux loups :

Un conte amérindien que notre ami et conteur Erwan Moreau a toujours plaisir à nous faire partager :

C'était un jour de grande fête (un pow wow), des tribus s'étaient rassemblées dans la grande prairie pour rendre hommage aux Anciens et aux Anciennes et pour faire honneur aux jeunes guerriers et à leurs exploits....

Les tambours rythmaient la course du soleil et l'arrivée de la nuit, les chants et les danses flambaient comme un feu de rires, de sueurs et de joies...

Un sage s'était isolé et contemplait le ciel étoilé. C'est alors que deux jeunes vinrent s’asseoir en tailleur près de lui...

• Grand-Père, toi qui sait tant de choses parle-le nous des loups si tu veux bien...

• Ha ! les loups ! Savez-vous mes enfants que deux loups cohabitent en chacun d'entre nous et ce depuis l'enfance ?

• L'un est un loup qui obéit respectueusement et naturellement aux lois de son espèce. Il tue certes, mais afin de nourrir sa famille. Il sait qu'il prélève une vie pour cela et ceci afin de préserver d'autres vies...

  . L'autre est un prédateur acharné, il tue bien plus que son besoin légitime et prend un fort plaisir à le faire, à courser la bête, à l'épuiser, à la faire trébucher et à saisir son cou jusqu'à ce que la respiration s'éteigne...

Souvent il ne touche même pas au cadavre qu'il laisse sur place avant que de bondir sur une autre proie...

. Mais alors grand-père lequel de ses deux loups survivra en nous ?

. Mais c'est simple mes enfants, celui que vous allez choisir et nourrir vous-mêmes !

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