B VIAN Le Chevalier des Neiges. J COCTEAU Les Chevaliers de la Table Ronde lecture
Extraits: «Le Chevalier de Neige» (Lancelot) de Boris VIAN Editeur C. Bourgeois
Puis, Les Chevaliers de la Table Ronde» de Jean COCTEAU
Merlin : «Je suis la pierre dans le soleil, le baume sur la blessure…»
Arthur : «La vie est brève, mais le chemin est long, mes braves compagnons…»
(Ballade des baladins)
En parlant à Merlin : «Vous êtes passé maître en l’art qui vous tient prisonnier.»
«L‘amour s’ouvre sur la vie…
La nuit s’ouvre sur la mort
Et la salamandre d’or
Traverse le feu vermeil
Pour danser sa folle danse
Parmi les chardons ardents.
Le ciel rouge est plein de suie.
C’est le temps de la magie»…
Aux prairies des primevères
Au bois des bourgeons
Dans le ciel avec la grâce des filles
Le printemps s’habil
Tant de jaune que de vert…»
«Nous mourrons parce que nous vivons…
Toutes les vies ont une valeur…»
On ne retiendra que peu de cette version si ce n’est une belle écriture et une grande fidélité à la «Matière de Bretagne»… Boris Vian nous en dit ceci : «L’auteur des Romans de la Table Ronde n’a pas hésité à faire triompher l’amour… Et ce sous toutes ses formes et à tous les degrés, charnel, fraternel, filial… C’est le mot-clef des aventures de Lancelot, Guenièvre et Arthus.» (Dossier 12 23 06 1960 - Quelques mots sur le Chevalier de Neige)
Ecoutons Guenièvre se confier à Lancelot :
« - J’ai laissé mes sens me guider, je le sais… est-ce un crime? Et le Seigneur nous les a-t-il donnés pour que nous les gardions à la pourriture? Nous les a-t-il donnés pour les meurtrir soir et matin ?» et Lancelot de répondre : «C’est l’amour de vous qui mit toute force en mon cœur.?»
Si, ici, Merlin conserve son rôle de magicien bénéfique, c’est tout le contraire dans la pièce de Jean Cocteau
«Les Chevaliers de la Table Ronde» NRF Gallimard (Création en 1937) :
Le prince des poètes fait de Merlin un personnage néfaste, génial et cruel, un singe du diable, un vieillard fourbe qui suce le sang et la sève et qui veut atteindre ainsi à la vie, un esprit négatif que la vérité répugne, un curieux «aumônier intègre», un alchimiste, un astrologue démoniaque, qui «stérilise» toute la contrée (il ne pousse plus de fleurs à Camaalot), qui met sur le compte du Graal tous «les enchantements mortels qui pèse sur la Bretagne», un enchanteur qui trace des cercles maléfiques, qui, confondant à double titre, les autres acteurs de la pièce, entraîne ceux-ci au sein d’une machination infernale propre à semer la confusion la plus totale ; machination qui sera finalement déjouée par l’arrivée de Galaad, (Parsifal), le très pur, lequel parlant du Graal, ne «le verrai jamais étant celui qui le fait voir aux autres» et pour le voir, «il ne faut point mourir (cela serait trop simple) mais il faut, bien au contraire, vivre», et bien des erreurs néfastes résultent de cette incompréhension, de cette mésentente fondamentale……
Certes, au final, l’enchantement sera levé mais le «désenchantement sera bien dur !»…
Lancelot interpelle ceux qui accusent le Graal d’être la cause de leurs maux :
« - Un seul d’entre-vous a-t-il réformé sa manière de vivre ? Un seul s’est-il inquiété de savoir s’il n’était pas responsable de ce fléau… de cette lumière morne, de ces campagnes stériles… où les lois de la nature ne fonctionnent plus ?»
Mais qu’est-ce pour Cocteau que le Graal?
«Ce n’est autre que le très rare équilibre avec soi-même» (un équilibre, une harmonie sans artifice ni imposture)…
«Par le Graal le sens de ce qui était obscure se déchiffrera et l’esprit lors dominera la matière» («La vérité sortira toute droite de sa housse de paresse et d’enchantement»)…
L’auteur ajoutera, se référant au «code de Baudelaire», en conclusion à sa préface : «A chacun de savoir si la vie doit être agréable»…
On se souviendra ici qu’un autre poète célèbre à fait lui aussi de Merlin un «Enchanteur pourrissant»…
Le Prince des poètes aurait-il subi une certaine «influence»?…
Ce sont là, n’en déplaise à la Tradition, des libertés fortement respectables ; celles des vrais créateurs…
Laissons les derniers mots à Arthur:
« -Rions et menons joyeuse vie»…
On dit des Celtes que c’est un univers qui posent plus de questions qu’il n’apporte de réponses.
C’est peu dire l’immensité du champ des interrogations et des interpellations
que cet univers propose à notre esprit d’aventure… mais que reste-t-il d’aventures proposées
A l’être d’aujourd’hui sinon l’exploration et la découverte de ses propres royaumes intérieurs?
Si la mort pose et posera toujours question,
C’est à la vie de répondre…
Et puis, «A chacun la découverte ou l’ignorance» (Formule de M Levesque)…