Les dits du corbeau noir

BARDI : LA MORTE ARTHUR / LA BRAISE DE VIE (BRAN DU-SEPTEMBRE 2015)

Miz Du                    2006                   BRAN DU

 

 



LA MORTE ARTHUR – LA BRAISE DE VIE...

 

 

 

Les dernières clameurs se sont tues dans le Grand Crépuscule...

Les corneilles ont déserté le champ de la bataille...

Le sang et l’acier reposent sur la terre redevenue gaste...

Rouge la rivière qui s’en va rejoindre l’océan...

Plus sombre est la nuit où la mort a fermé tant de paupières...

Orgueil et cruauté mêlés dans le lit des fougères...

C’est la Plaine de la Désolation....

De cendre sont les nuages...

Peu à peu le silence détrousse les ultimes gémissements...

Ils ne sont plus les hommes à la peau tannée par l’ardeur et la fureur... La lune glisse sur leur visage de cire...

 

Avec eux s’écroulent la Ronde Table et le rêve fabuleux...

 

Le barde avait prédit que le fils se retournerait contre son Père...

Que lors les vergers seraient sans fruits, que stérile serait la terre, sans lait, les vaches nourricières, sans lait, les brebis...

 

///…

 

Morgane est venue dressée à la proue de la barque d’outre-monde...

Elle a pris Arthur dans ses bras...

Ses huit servantes ont porté le corps  sans vie  jusqu’à la blanche  nef enveloppée de brume...

Des cygnes sont passés dans le ciel, venus du Nord allant vers l’Ouest...

La barque a suivi la même direction  pour se perdre à l’horizon  et disparaître dans l’océan, sans fin, sans fond...

 

L’épée d’Arthur a rejoint les eaux abyssales laissant sur l’onde quelques spirales agitées d’un dernier frisson...

 

L’étang s’est refermé sur la grande épopée des dieux, des rois et des héros... 

 

Le livre est clos, son cuir séchera avec les rêves, avec les os, avec les siècles à venir...

 

///…

 

Un homme erre dans les sous-bois, hébété, sa saie en haillons, déchirées par les ronces...

Un loup le suit, son fidèle compagnon, trempé de sueur tout comme lui à courir la forêt en tout sens, de jour comme de nuit...

 

C’est Merlin à ce qu’on dit qui hante les futaies, à la recherche de cette  paix qui  pourrait guérir sa folie.

Par lune ou soleil, une ombre folle s’attache à ses braies, folle est l’étoile qui, troublée, le conduit...

 Trop de sang brouille ses yeux…

Les freux moissonnent des yeux qui ne verront plus.

La corneille des batailles est rassasiée ; l’aube rouge repousse au loin le nuage des cris…

 

Le fils à défié le père ;

Le fils dans son armure d’orgueil et d’arrogance…

Le père contre sa propre chair à enfoncé sa lance…

Et le royaume n’est plus qu’un gisant de pierre dans la froideur de l’oubli…

 

Ainsi quand s’inversent les valeurs, le manteau d’étoiles est décousu…

Lors,  l’âme s’en va nue, orpheline de chair, orpheline de cœur !...

 

Il n’est plus d’oreille pour entendre la prophétie…

Trop d’hommes devenus sourds au Grand Appel ; trop, par leur orgueil, éblouis…

La vie alors, occupée à ravauder ses linceuls, à découdre ses dentelles !...

 

///…

 

Merlin court les ronciers et les taillis,

Une déchirure dans le cœur, la folie pour habit…

 

L’épée des braves gît au fond du lac…

Les cercles de vie se sont refermés sur elle…

Le silence est son fourreau, les années ; ses tombelles…

Ainsi, quand est mis à sac le blanc domaine ; quand la paix pendule au gibet , quand la cendre recouvre l’ardent foyer de l'ardeur et de l'honneur…

 

///…

 

L’ours est en long sommeil dans la caverne des siècles…

Mais le pur acier ne connaît la rouille et une lueur frissonne dans la vase de l’étang…

 

Qui plongera assez profond en lui-même pour saisir le pommeau d’or et d’argent et remonter au grand jour le vif éclat de lumière et d’amour ?

 

///…

 

Merlin  hante nos sous-bois, butte contre nos racines…

Il se perd dans les méandres de nos peurs, dans les brumes de notre inconscience et s’égare dans les marécages de notre indifférence…

 

Longue est son errance, mais bouillonnante encore  la sève qui, pourtant, dans son aubier décline….

 

Si l’homme n’est que chair en l’automne, pourrissant, son âme est de granit et de granit son chant qui à mémoire de pierre, de songe, de vie et de sang…

Sa parole est souffle, souffle puissant qui soulève les cendres et qui fait rejaillir la braise dans l’âtre des temps et des âges s’écoulant…

 

Et la flamme s’en vient au vif de son feux qui redonne séjour aux embrasées d’amour…



28/09/2015
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