PHILIPPE LE GUILLOU LES GUERRIERS D'OR BRAN DU 2020 22 01 JANVIER
L'homme vert Dessin de Bruce L
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Philippe le Guillou Les Guerriers d'Or NRF Gallimard extrait
Préliminaires : Bran du :
Ce « roman » inspiré nous dot son auteur des « Guerriers de Finn » de Michel Cazenave publié aux éditions Arthus ; éditeur dont on ne compte plus les « merveilles » publiées, va bien au-delà de la référence à un auteur dont j'avais déjà fortement apprécié l 'étude sur Tristan et Yseult mais qui, dans l'ouvrage précité, ne m'avait pas fait ressentir de « frisson » annonciateur des douces fièvres livresques....
Avec Philippe le Guillou nous entrons de plein pied et de plein cœur dans l'univers de la « Queste » et ce dans un « rugissement » de mots souvent incandescents, dans une recouvrance primordiale...
Depuis le fameux « Testament de Merlin » ; l’œuvre mistyico- lyrique et bardique de Théophile Briant et dans une moindre mesure la « Légende de Diamant » de Bailly, peu d'auteurs avaient su distiller un celtique ouvrage infusant dans les songes et les veines l'ivresse et la passion d'une flamboyante et torrentielle aventure...
Philippe le Guillou est assurément de ceux-là ayant reçu sur le pouce quelques unes de ces gouttes alchimiques qui vous font le front brillant et l’œuvre bouillonnante...
La « dédicace » qu'il a rédigé au « sortir du Chaudron » est la suivante :
« A Merlin, à l'Esprit de Brocéliande, aux Cygnes d'Angleterre, aux Pierres Levées et à tous ceux qui se reconnaissent sujets et rois du Grand Royaume. »...
Philippe Le Guillou parle de son ouvrage : les Guerriers d'Or...
« J'ai cédé au charme du roi errant, vierge et blond. Je rêvais d'un roman qui me permit de voyager par les mers celtiques, entre l'Irlande et la Bretagne, d'une fable dans laquelle on retrouverait Merlin, Arthur, les sortilèges du commencement.»...
Pour l'auteur il est venu le temps d'inventer une chevalerie nouvelle plongeant sa renaissance dans la chevelure des mousses, le corps dormant de la forêt, dans le touffu des éléments, les furies premières. Un retour à la civilisation des bois...
« Tout un trésor vit en nous, reliques mégalithiques, genèse permanente de la forêt, intemporel du noyau légendaire... » « Soyons de grands explorateurs de notre forêt, cette forêt qui navigue dans l'inconscient et l'imaginaire des hommes depuis l'âge fabuleux du commencement... »
Extraits et présentation....
A Luin Gor tout d'abord, ce fils de la grande reine né sous le signe de la double constellation du saumon et du cerf, maître des eaux, des vents, des rivages et des îles, ce roi errant, ce roi passeur, ce roi nomade, celui qui s'en alla par la chaussée des géants afin que soit accordé notre royaume aux espaces du Nord et ce pour conquérir, lire et chanter le monde...
A Luin Gor qui parti une nuit de Samain « quand vibre l'ossature du monde et les pierres du haut cairn »
« La Grande reine t'a confié les eaux, les vents, les rivages et les îles. Tu connais la pierre, il reste le Vase, le cerf fluide, le feu mystérieux, le grands rêve du Nord »
Il partit car il avait appris « à lire au cœur des pommes tranchées »...
Dès lors va commencer la grande Saga, la grande Épopée puisant dans les archétypes de la Pensée ancestrale, ignée et sourcière, galactique et abyssale, tellurique et serpentine, voyageuse, O combien ! Et nous suivrons au plus près de ce cœur exalté et éprouvé l'Initiation Royale dispensée par le vieux Merlin lui-même...
Ainsi nous aurons accès au « Livre du Druide » puis au « Livre des Glaces » parce qu'il « a tracé l'alpha et l'oméga, il sait l'arbre, la tour et la croix qui résument le monde. »
Nous irons vers ces « territoires du blanc », vers l'archipel de la blancheur, vers « la terre si réceptive au secret du monde et à l'harmonie des choses, là où se tient l'Arbre primordial dont l'aubier se nourrit des sèves infinies, l'axe du monde où réside le vieux Conseiller... »
« Toute royauté s'éprouve véritablement sur l'échine des Hautes Terres. La Cuirasse, la Mort, le Désir. Il faut se faire sourcier des trois épars rugueux, trois éperons sur le chemin... »
Et le « Roi-Ours sera aérien, lecteur de signes mais aussi tellurique et charnel » Puis, ce sera le Livre des hautes Terres... « Il passe l'errant des îles et son manteau est tatoué de givre, de sang, de mousse et de nourriture sacrée... Il passe, plu seul, plus nu. »
« On ne pourrait être roi que porté par un sol.. » Lors, « l'infini est un mal, une brûlure d'écume, d''os et de vent, de pas qui appellent les pas. L'errant piétine, frappe à l'infini le même pas, se fige dans son sortilège et son nom va seul, très au-delà de lui. »
C'est à ce prix que l'on pourra aller à la rencontre des hommes-cerfs (« ces hommes lumineux marqués chacun d'une couleur rituelle. ») Luin Gor aura mérité le droit de ceindre le cou du cerf « qui portait une boule lumineuse entre ses bois. »
Bruce L.
Bien plus tard nous retrouverons sa présence en une autre forêt : celle du Livre de la Cathédrale, parmi les loups passants, en compagnie d'Orwin fils d'une dynastie des Orcades, maître de ces loups passants, frère inachevé dans l'art très secret d'élever des pierres et seigneur des Chevaliers du calice.
C'est lui qui fît la cathédrale pour un fils de vent et de lumière et qui sait que le soleil est dans les pierres, celui qui ira dans la campagne toute blanche sous les aubépines et les pommiers... (« Il était l'enfant des Orcades dans la vastitude qui dévalent vers la mer. Le secret de sa sapience était en amont de lui dans une immédiateté et dans une transparence. »)
Lui, maître des seuls initiés qui étaient allés très loin dans le secret de l'ombre et de la pierre. Lui qui savait assurer « la stabilité et la continuité du monde. » à partir encore et toujours « de la vieille souche du Nord », lui qui se souvenait avoir été assis, au cours de ses périples initiatiques, autour de diverses tables mais qui sentait que la dernière serait celle des tailleurs de pierre, celle de ses frères bâtisseurs puisant comme lui en cette puissance venu des sources nordiques car chacun, à sa façon, « était fils d'une errance et d'une folie et une unité émanait soudain du corps proféré des légendes, du verbe lumineux d'incantations frottées aux houles, aux nuits rocailleuses des passages...»
Et, lorsque pour tous ces compagnons, la figure de l'Enchanteur apparaissait dans le halo des lèvres enfiévrées et ruisselantes, c'était « comme comme un appel de l'autre monde, la confirmation qu'un royaume invisible, mais à l'indestructible substrat double le cercle des apparences où nous évoluons. »
(La cathédrale, c'est, avant toute autre chose, le lieu d'un parcours... Il faut surtout y trouver l'essor d'un nouveau vagabondage.) Et si, en ces lieux, certains « y ont installé leur dogme, leur culte, nous, nous y avons répondu nos signes, nos symboles, l'arbre de vie y prolifère... »
Et la Voix de poursuivre en son dialogue élémentaire : « Entre l'ours que j'ai servi et le loup que tu as été, il y a un même pont de lumière...»)
Ainsi se ferme Le Livre de la Cathédrale et s'ouvre celui d'Arthur où l'auteur nous fera ici une confidence qui nous semble une évidence à le lire : « l'errance et l'écriture sont pour moi liées. »
« Pour la navigation...Un nom m'est venu, très ancien, archaïque, sentant la poussière dorée des cairns, les bois de cerf, les ajoncs, les étoiles... »
(Le château d'Arthur... c'est « Le centre d'un monde qui en reconnaissait de multiples autres, de nature à le parachever ou à le mettre en péril....»)
Bruce L
L'important étant de « retrouver l'essence magique de la vie. »
Une seconde confidence nous est livrée alors : « Sous ma robe verte, je vais me parer des plumes du phénix. Je vais retisser la geste des rois d'or.Il n'y aura ni sang, ni flamme. Seulement des mots, dont je serais le maître.
Des mots de douleur, de nostalgie, des mots de prophétie aussi, car qui écrit fait œuvre d'incarnation. »
« Sous mes mots rouleront des flux de vent et de lumière » « J'ai prophétisé, je veux écrire. Je veux connaître ce lieu d'épreuve et de passage, d'origine et de secret... »
Merlin, dans ce monde de duplicité et d'horreur est le seul qui ait une parole où l'on trouve encore un peu de la souche de l'origine... Lui, il sait. (Il a toujours cru à la primauté de l'esprit et de la connaissance.) ( et Toi?)...
Oui, Toi, le Passeur, le veilleur de l'androgynie du monde ?
Toi, livreras-tu bataille, Te laisseras-tu transpercer par tes propres erreurs afin qu'un flot de rouge puis de blanche lumière irrigue les artères du monde ? »
(Il est si tant vrai que cette interpellation majeure, battant comme l'écume aux équinoxes de conscience, nous incite aux vents de la réponse – et c'est bien là aussi la volonté incitative de l'écrivain – que nous nous en priverons pas!)
Et voici que sur cette grève consentante aux flots tendres et rageurs, s'ouvre au sable même, le Livre de la Bretagne, entre Comper, Trecesson en Bréchéliant, la Chapelle St Jean et Is, tous les blancs territoires sont là, conviés aux noces d'algues et de bruyères.
« A la Bretagne bleue... A ceux qui veillent, à ceux qui passent, à ceux qui guérissent, à ceux qui déchiffrent, à tous ceux-là qui taraudent l'infini... Aux âmes qui errent, car il n'est de mystère que dans le rythme et le flux... Aux errances, aux pérégrinations élémentaires et lustrales et à tous ceux dont le souffle et le pas charrient des tombereaux d'algues, de crânes et d'étoiles. »
Ce Livre de Bretagne ; « C'est un parchemin mobile, tellurique, gonflé d'énergie fondatrice. » Mais, « Celui qui repérera ces cartes enluminées de lieux d'extase, de bains élémentaires ou de confrontations devra entendre la rumeur de l'origine. »
Le voyage sera presque achevé, alors, il restera à monter plus haut encore que le sentier des pierres de Bréhélo, vers la cime des blancheurs extrêmes ; là où un autre marcheur du nom de Victor Segalen nous attend sous le rire éclatant de sa ramure céleste...
Écoutons encore Philippe le Guillou en cette étape ultime :
« Je parle pour des gens qu'émeut le nom de l'origine et des confins. Je parle pour les passeurs.
Cherche le point, le creuset où se rencontrent et se nouent le racines de Brocéliande et d'Ys. C'est la source de toute ma quête, l'ultime rivage de ma traversée, une couture terreuse, marine, étoilée dans la vêture de l'espace.
Le nom de celui qui ne se nommait jamais y est écrit, il est cette suture, cette source, ce départ. »
« J'ai quitté les certitudes du savoir pour m'engager dans les eaux aventureuses de la connaissance. Je n'aspire qu'à la sainteté de l'errance, l'audace de celui qui va seul, selon sa règle, dans le crépuscule et l’apprêté du pas. »
« J'avais accepté de suivre, comme jadis les chamans, les prêtres de la Grande Ourse, les druides, les moines, les maîtres des sociétés secrètes, les bâtisseurs de cathédrale. Tous, à leur manière, selon leur règle, ils avaient attendu et célébré le cavalier vêtu d'espace. »...
Bruce L.
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