BROCELIANDE 2018 PENSEES REFLEXIONS BRAN DU 16 07 JUILLET
BROCELIANDE 2018 BRAN DU 16 07
Réflexions / Etat des lieux...
Je me suis souvent demandé ce qui faisait que chaque année environ 800 000 personnes en provenance de toute la France, de toute l'Europe est au-delà, convergeaient vers ce territoire breton et forestier qui, somme toute, en terme de paysage et surtout de forêt, ne présente vraiment pas des caractéristiques singulières et originales pouvant générer un tel succès et une telle fréquentation ? (Bien au contraire vue toutes les coupes à blanc pratiquées de plus en plus intensément sur tout le territoire !) ...
Il y a encore 40 ans le village paisible de Tréhorenteuc ne connaissait qu'une visitation touristique très réduite limitée à quelques personnes attirées par l'Eglise du Graal mise en place par l'abbé Gillard et par le Val sans retour où il était coutume de s'y perdre du fait de l'absence d'un chemin facile pour vous y mener...
Il était tout aussi courant de se perdre en voulant rejoindre la fontaine de Barenton voir l'hostiè de Viviane...
Que s'est-il passé en si peu de temps pour qu'un flot touristique submerge à ce point ces lieux ?
Des fouilles ont été menées pendant plusieurs périodes qui ont démontré le riche passé mégalithique de Brocéliande sans que des découvertes « remarquables » n'y aient été faites.
Roger Gicquel, un animateur célèbre de la télévision, réalisa une émission de grande audience sur le thème de la mystérieuse Brocéliande qui suscita un vit intérêt et le début d'un engouement qui ne cessera de s'amplifier...
Le monde de l'Edition est mal en point lorsque surgit une vague qui surfe sur l'Histoire en développant les aspect ésotériques, mystérieux, légendaires de celle-ci... C'est un succès et les ouvrages prolifèrent sur ces thèmes recherchés par un public grandissant...
La bande dessinée accompagne cela ainsi que des films qui séduisent le public...
Le monde de demain devient de plus en plus « opaque » et incertain, lors, on se tourne vers le « passé » afin de trouver réponses à des interrogations de plus en plus aiguës et pertinentes...
C'est aussi la période où s'affirment le sentiment dit Ecologique et un certain retour à la Nature pour le satisfaire...
On sait depuis longtemps que la grande majorité des sites fréquentées en Brocéliande ont été « construits » de toute pièce par quelques érudits et écrivains du 19è siècle (ceci repris et accentués au 20è siècle) qui ont arbitrairement et volontairement transplanté des épisodes de la «Table Ronde» d'Arthur et de ses Chevaliers sur des sites mégalithiques ou dépositaires d'une Tradition légendaire voire mythique...
Certes l'ancienneté de certains lieux est parfaitement attestée, mais sûrement pas les épisodes issus de la Matière de Bretagne qui sont censés s'y être déroulés !...
Seule la fontaine de Barenton pourrait revendiquer une haute antiquité quant à sa fréquentation et aux rites qui s'y déroulaient et qui ont pu, peu ou prou, persister...
Alors ?
Véritablement « magique », authentiquement merveilleuse, que cette forêt devenue légendaire et de renommée internationale et sur-fréquentée au fil des années et ce, pour le plus grand bien économique des communes concernées ?
Brocéliande est montée sur le podium de l'attrait touristique à la troisième place après le Mont St Michel et les alignements de Carnac...
Comment expliquer ce déferlement qui s'étire de mars à novembre et qui s'accroît d'une année sur l'autre ?
Comment expliquer aussi cette convergence d'êtres de provenances géographiques diverses (éclectiques, originaux pour le moindre) qui sont « aimantés » par ce lieu au point d'y faire leur demeure et leur habitat et souvent de façon grégaire et marginale et qui s'efforcent de reconstituer, peu à peu, et non sans difficultés et maladresses, une
tribu « horizontale » , un clan dispersé qui se retrouve en quelques lieux où un état d'esprit « solidaire et symbiotique » se cherche, se partage, s'expérimente et s'affronte parfois ?
Il y a bien au-delà du dispersé et de l'épars, par-delà les différentiel en terme d'attentes, de visions et de désirs, une volonté de faire « communauté » sans reproduire pour autant les erreurs post-soixante-huitardes...
Cette communauté quelque peu « flottante » se veut essentiellement « d'Esprit », elle cherche à se doter d'un esprit qui fasse « Egrégore » et où chacun et chacune y trouve sa juste place et y fait apport de ses propres « substances vitales » au sein d'une culture de la rencontre, de l'échange, de la découverte et du partage...
Il y a là un fragile embryon d'expériences pionnières qui tente d'apporter et d'incarner une réponse fiable, viable et stable à l'impératif changement de paradigme sociétal qui se présente salutairement à nous tout en demeurant confronté aux contradictions humaines quasi ontologiques et aux résistances locales en terme de conformisme, d'esprit conservateur, mais aussi face à des mesures étatiques qui veulent mettre tous et chacun sous contrôle autoritaire en les faisant rentrer dans une uniformité d'actes, de situations, de pensées et d'attitudes qui facilitent l'isolement, le bâillonnement et la manipulation idéologique communs à toutes les formes de pouvoir...
Alors ?
Brocéliande est-elle véritablement de nature à répondre intimement, profondément, harmonieusement à une telle quête du merveilleux et de l'enchantement ?
Car c'est là que réside le moteur, la dynamique d'une telle « utopie » qui vaut pour le chemin qu'elle instruit, initie, accompagne, soutient et stimule...
La quête est bien réelle qui suscite et motive une navigation existentielle vers des « îles et terres merveilleuses » propices à la recouvrance de ces fondamentaux et de ces assises que sont les besoins primordiaux et élémentaires, débarrassés de l'illusion et du factice des autres besoins fabriqués et entretenus pour détourner les ruisseaux de Vie de leur source et de leur estuaire...
Brocéliande cristallise cette « Eau de Vie » pour autant que les pensées, les cœurs et les lèvres qui se portent à ses sources sont aussi pures de corps et d'intention que l'écoulement qui ruisselle des vasques matricielles...
Il y a ici un besoin impulsif, conscient autant qu'inconscient, de croire, un besoin fondamental qui se charge aussi d'une espérance...
Ce « besoin », légitime s'il en est, devait, de façon assez semblable, animer les premières femmes et les premiers hommes totalement soumis à l'épaisseur des mystères qu'ils tentèrent au moins d'apprivoiser à défaut de pouvoir les percer et les comprendre d'où la nécessité d'une conciliation avec ces « forces », ces « énergies », inconnues et si interpellatrices qui président aux mouvements époustouflants des êtres, des mondes et de l'Univers...
La cohabitation avec de telles forces et énergies et l'impossibilité d'en connaître la vraie nature a impliqué une « mise en relation », l'apprentissage de liens permettant de tisser une communication « d'entendements » réciproques censée pouvoir se mettre en œuvre entre l'humain et ce qui l'englobe et le dépasse... Ce sera l'amorce de ce que l'on appellera ultérieurement la religion...
Les hommes et femmes qui aujourd'hui se rendent en un tel lieu savant-ils vraiment ce qui les pousse vers ceux-ci ou n'ont-ils qu'un vague aperçu de leurs motivations et de la superficialité de celles-ci ?
Tous ne viennent pas, ne font pas ce déplacement, pour y faire « leur carte postale » photographique et accroître leur collection en terme de lieu à visiter absolument...
Certains cherchent autre chose, autrement, naïvement, innocemment presque... Ils veulent voir, de leurs yeux voir, les fées, les lutins, les farfadets, les korrigans qui sont censés hanter ces bois ancestraux...
Ils veulent rencontrer le fabuleux de la légende, cet « imaginaire arthurien » animé des figures quasi mythiques comme celles de Viviane ou de Merlin, de Lancelot ou d'Arthur...
Ils ne savent pas que la forêt leur donne rendez-vous en cette clairière du cœur et de l'esprit que chacun porte en soi, au plus profond de ses ramilles intérieures, dans l'épaisseur d'une frondaison, dans la haute futaie où se trouve la Source de toutes les sources, la Sève de tous les arbres qui montent vers l'azur...
Ils ne savent pas que la Table Ronde est dressée dans cette salle obscure, sous la voûte de sang, de nerfs et de muscles de leur propre poitrine ; salle des banquets de joie, des festins de joie, qui n'attend que leur visite pour en faire jaillir les celtiques Lumières !...
Ils ne savent pas se dévêtir, se mettre à nu, se dépouiller de leurs idées préconçues, conditionnées presque formatées si bien qu'ils ne peuvent faire recouvrance, qu'ils ne sont pas en capacité ni faculté de revêtir l'étoffe d'essentialité !...
Et que cela est dommage !
Car Brocéliande la belle peut offrir tout cela qu'elle détient en ses halliers, en ses landes, en ses étangs, en ses brumes et en ses bois...
Elle offre généreusement à ceux et celles qui offrent, qui font offrande de tendresse, de paix, d'amour et de joie ; elle offre en retour les dons que fait la Vie à la Vie...
Lors, au Val, les amants font retour !