CELTISME ET ROMANTISME PIERRE BAZANTAY 2018 LECTURE ET COMMENTAIRES BRAN DU 09 01 JANVIER
Celtisme et Romantisme
Pierre Bazantay Edition La Part Commune
(A la recherche de l'origine de cette exceptionnelle force poétique qui habite la Bretagne...)
Introduction Bran du
Cette étude à le mérite de mettre en lumière les diverses vagues d'un romantisme dont l'écume celtique viendra revivifier le coeur, l'âme, l'esprit et la pensée des rivages européens au dix huitième siècle et début du dix neuvième...
On mesure peut ce formidable et tonifiant impact que provoque (sur tous les arts) cette marée poétique, littéraire, musicale artistique. On en aura une plus précise idée en lisant l'ouvrage de Donatien Laurent et Michel Treguer : La Nuit Celtique aux éditions Terre de Brume ainsi que l'essai de Donatien Laurent sur "Les Sources du Barzaz Breizh"...
Quoi qu'il en soit on ne peut ignorer ce tsunami littéraire et poétique qui se perpétuera au vingtième siècle et de nos jours via le cinéma, la bande dessinée et la fantasmagorie voire la science fiction... Le romantisme s'épuisera au cours du dernier siècle, mais le celtisme sortira renforcé et dynamisé de cette aventure...
Pierre Bazantay explore à son tour, avec précision et pertinence, ce double domaine du romantisme et du celtisme et les interactions de ce binôme...
Il semblerait que le romantisme ait été le précurseur et le « dynamiseur » de la résurgence celtique, mais des réserves pourraient se formuler en ce sens car la formidable « Matière de Bretagne » avait au préalable et pendant des siècles déferlé sur toutes les cours européennes imprégnant durablement celles-ci par les valeurs (parfois quasi universelles) de ses contenus...
« La poésie est un faire » ; tout acte devrait être originellement « poétique » selon l'étymologie du terme....
Si le romantisme s'entend comme une recherche de liberté et de vérité ou d'authenticité incluant une quête des origines avec pour fer de lance le Verbe poétique, nous avons tout cela concentré et expansé depuis l'oeuvre orale des bardes primordiaux de la pensée celto-druidique.
Ce n'est pas lors une « invention du romantisme », mais une résurgence périodique d'une Mémoire et d'un Souffle inspiré émanés du Monde Celte, anhistorique par Essence, mythique, archétypal et légendaire...
Il n'est que de lire ou de relire le « Dialogue des Deux Sages » ou la Prophétie de la « Morigan » pour se rendre compte de l'extrême actualité et de la pertinence des visions perçues et des propos tenus !
On comprendra alors qu'au delà du temps et de l'Histoire, de génération en génération, traversant les espaces et les siècles, une Pensée émanée de nos grands Anciens et Anciennes et de l'Awen qui les inspira, continue d'inspirer, de « féconder » sans cesse des cœurs et des esprits et d'animer par un Verbe de Vie le Poème de l'Univers...
Dans le monde Celte science et poésie ne constituent pas des disciplines séparées, mais une seule et même recherche de connaissance...
Le Verbe, sont chant, ses paroles, ses poèmes est le moteur de l'expression celtique et conjugue tout le Vivant....
La Force vive du Monde Celte réside en grande partie dans sa Poésie qui est sa plus grande ambassadrice, laquelle condense et exalte depuis toujours les valeurs constitutives du Monde Celte et ce, en toute époque et en tous lieux...
Il nous appartient en ce XXI siècle de redonner à cette Poésie sa juste place, de réinjecter dans la morosité ambiante, résignée et défaitiste d'une modernité à bout de souffle et d'arrogance, la vivacité et la dynamique revitalisante et bienfaisante du Verbe Celte...
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« ...Lors des premières rencontres interceltiques au Pays de Galles en octobre 1838 un toast fraternel fut porté par la délégation venue de France (dont Hersart de la Villemarqué faisait partie. Il sera d'ailleurs intronisé « barde » à cette occasion.)...
Ce « toast » fut rédigé par Lamartine qui ne put se rendre sur place...
Extrait de sa conclusion : « Oui, buvons ; et passant notre coupe à la ronde aux convives nouveaux du festin éternel, faisons boire après nous tous les peuples du monde... »
C'est là une jeune poésie rêvant fièrement d'accéder au rang de philosophie. Le billet de Lamartine rendait un hommage appuyé à la culture celtique et bretonne en un geste symbolique dont les poètes se doivent alors de représenter la forme la plus haute de la pensée, d'ouvrir de nouveaux chemins de la Connaissance.
Le temps était venu de voir la poésie de nouveau admise au banquet de la philosophie...
Les vers de Lamartine affirmaient au grand jour l'intuition de secrètes affinités ; l'histoire d'une relation passionnante entre deux moments culturels qui firent davantage que se croiser aux dix neuvième siècle (romantisme et celtisme)...
Cette relation entre romantisme et celtisme est une question exaltante puisqu'elle est au centre de la prise de conscience d'un sentiment poétique nouveau.
Romantisme et celtisme sont-ils deux mots liés par un destin commun ? L'expression d'une histoire entrelacée ? Une rencontre fortuite ?...
Le celtisme, dans le sens essentiellement poétique que l'on veut lui prêter, a-t-il été l'un des héritiers inattendus du romantisme ?
On ne trouve pas dans les dictionnaires du 19è siècle le mot
« celtisme » absent donc des lexiques de l'époque. Venceslas Kruta nous dit d'ailleurs que ce terme est d'invention récente...
(Il est précisé aussi que l'on a tenté de s'approprier ce terme à des fins idéologiques et raciales.)
En fait ce terme de celtisme à plusieurs ramifications. Lors, la question du celtisme est à la mode, mais un relatif dédain de l'opinion française subsiste...
Celtisme et romantisme témoignent tous deux d'un bouillonnement particulier au 19è siècle. Le romantisme a joué le rôle de déclencheur ou d'accélérateur, de ce qui, sous le terme fédérateur de celtisme, se chargera de traduire avec effet rétroactif l'expression d'un fait de civilisation complexe et unique, lequel va s'épanouir dans l'espace poétique...
Si les contours du celtisme restent flous comme les faits de culture en général, il cristallise autour de lui une intense vie intellectuelle et tout particulièrement poétique...
Le romantisme sans se confondre jamais avec le celtisme, s'est sans doute répandu le premier et plus largement.... Il a été une prise de conscience, un esprit nouveau qui a déferlé sur l'Europe (il est doué de diverses formes et affecte tous les arts.)
On ne saurait d'ailleurs repérer l'influence qu'il a eu sur le celtisme sans tenter de comprendre les enjeux fondamentaux du romantisme...
Pour rappel ; l'un des mécanismes fondateurs de toute culture relève de l'échange, du métissage, de l'interpénétration.
Les idées circulent ou bien meurent...
Ce contre quoi s'insurge le romantisme :
Le romantisme a pour objet de se libérer du carcan de l'imitation des classiques qui censurent l'imagination, brident l'expression du rêve, corsètent les énergies ; les modèles et les traditions « classiques » écrasent de leur stature intimidante l'artiste, le poète, l'écrivain... Il s'agit alors de se libérer de la rigidité de ses règles....
En Angleterre au 18è siècle...
La volonté de faire du livre le réceptacle d'une image renouvelée, chargé parfois d'éléments celtiques qui rejailliront, affranchis de la pesanteur de la Tradition Classique, représente l'apport le plus caractéristique de l'Angleterre à l'éclosion du romantisme...
Poésie et authenticité sont les forces vives du romantisme...
Si la « révolution romantique » met plusieurs décennies à se diffuser, elle envahit tout et, radicale, imprime à la culture occidentale une orientation nouvelle, définitive et passionnante. Lors s'engage, un peu partout en Europe, une quête frénétique de racines que le celtisme va commencer de puiser les énergies nécessaires à son avènement...
Macpherson (poète écossais) 1736/1796 ou l'invention du passé non dénouée d'une belle cohérence...
Il est doté d'un sens poétique assez sûr...
Il publie en 1760 les Fragments of an Ancient Poetry...
Avec l'épopée d'Ossian (Oisin) qui suit il « réveille » le légendaire barde gallois...
« Les Grecs puisèrent leur fiction dans leur esprit ; Ossian trouvera les siennes dans son cœur. » Baour-Lormian
A la fin du 18è siècle les idées de Jean Jacques Rousseau se répandent un peu partout en Europe (une fascination pour l'état de nature. Le primitivisme est à la mode.)
Macpherson est dans la situation de réaliser ce dont une volonté anonyme et collective attendait l'aboutissement en l'exauçant, il lança une mode et fît des émules dans toute l'Europe. Nombreux furent les écrivains qui mirent leurs pas dans les siens.
Il créera de toutes pièces l'authenticité que la seconde moitiée du 18è siècle attendait de ses vœux. C'est un succès immédiat même si l'oeuvre ne convainc pas tout le monde.
Les écrivains vont s'y ressourcer en quête d'une vitalité nouvelle...
(On fera autant procès à Hersart de la Villemarqué qu'à Macpherson qu'on traitera finalement et tous deux de « faussaires » non sans génie poétique ; tout ceci sera revu et reconsidérer par la suite par Donatien Laurent et Philippe Jouet relativisant grandement ces accusations. NDR)
Iolo Morganwg (Edward Williams) 1747-1826 fondateur d'un ordre druidique en Angleterre publiera lui ses hymnes gaéliques....
Ossian sera le livre de chevet de Napoléon, la vague du celtisme influencera des personnages illustres tels que Goethe, Musset, Lamartine, Chateaubriand, Hugo...
Mais aussi et par la suite Ingres, Wagner, Schubert, Verlaine et Rimbaud...
Toute l'Europe s'unifie étrangement dans le chant des commencements et la quête lyrique des sources.
La poésie devient non seulement un moyen de prouver son identité, mais au besoin de la créer. (C'est une recherche des origines et un goût de la liberté.)
Macpherson participait à l’avènement d'un monde nouveau et contribue directement ou indirectement à libérer les forces vives jusqu'alors contenues...
L'effet Ossian :
Chez Chateaubriand romantisme et Bretagne sont indissociables, alliage qui constituera les germes du celtisme poétique. Il sera un précurseur et un diffuseur au rôle important...
Dans Ossian se révèle les traces primitives rendues soudain visibles d'une histoire faite de couches successives ; ce sont les temps païens de l'épopée...
(Mais Chateaubriand brûlera sur le tard l'ossianisme qu'il a vénéré.)...
On peut attester cependant de l'étonnante carrière du barde Ossian dans la France romantique...
En Bretagne le besoin d'origine commence à se manifester à l'orée du 19è siècle. Il s'agit de faire toute la lumière sur son passé. C'est aussi la naissance de ce que l'on appellera la « celtomanie »...
(Au début du 18è siècle l'Académie celtique a été fondée qui servira de creuset à la conscience bretonne.)
In ne saurait énumérer, tant cela serait fastidieux, toutes les figures qui construisirent le romantisme breton...
Le vicomte Théodore Hersart de la Villemarqué et le Barzaz Breiz
L'ouvrage est publié en 1839. Il se pose à la croisée des chemins entre romantisme français triomphant et celtisme poétique en devenir...
Il apparaît comme un ouvrage d'auteur. Il participe d'un geste symbolique. Ce recueil affirme avec conviction la naissance d'un mythe, la venue d'une Parole...
Le recueil du vicomte s'inscrit dans le mouvement romantique français et relance un fort courant de littérature bretonne lequel participera à la renaissance du celtisme ; dans sa dimension poétique...
Le Barzaz Breiz tire sa force de l'énergie que lui a communiqué le romantisme...
(Mais pour ce qui est de l'Anima et de l'Essence cela demeure, pour mes convictions, le fait du celtisme NDR)...
La question des origines Celtes se répand à l'époque à travers toute la France et même dans l'Europe toute entière...
L'oeuvre, populaire, se doit d'être la vie même ? Le recueil touche au mythe primordial de la culture celtique. C'est un rappel de l'importance des temps primitifs ou mythologiques. C'est aussi une poésie qui doit tendre à la vérité ; une vérité qui se doit de posséder un corps et une âme comme le signifiera plus tard le poète Rimbaud...
Il s'agit bien d'atteindre la vérité , celle des sentiments et des émotions avant tout. Le romantisme à préparé l'émergence du celtisme (avec les réserves que j'ai émises NDR)...
La rencontre du celtisme et du romantisme - et l'on pourrait dire l'éclosion du celtisme dans le romantisme – (mêmes réserves NDR) paraît donc essentiellement lié au partage et et à la transmission d'une identique conception de la poésie au 19è siècle.
La poésie devient un outil fondamental de la connaissance ; elle permet d'évoquer l'énigme du monde, d'envisager l'ineffable et d'éclairer les multiples facettes du réel par un subtil mélange de genres (on comprend qu'elle est prétendue au rang de philosophie) et le celtisme va naître de cette pression collective imprimée à la poésie...
« Imaginative et spirituelle, elle n'en aime pas moins l'absurde, l'impossible, les causes perdues » dira Michelet de cette poésie bretonne...
« Bretagne est poésie, création poétique. » C'est l'une des meilleures manières de définir un territoire et d'appréhender une culture...
« La culture Celte est une formidable machine à produire des rêves. » Jean Yves Guyomar
Le celtisme va formuler en quelque sorte une réponse à un besoin exceptionnel de poésie. La force du celtisme est de relancer la dynamique des songes...
(De livrer au monde toute la puissance délivrée et élégiaque du chant celtique.)
Cette poésie devient un véhicule spirituel. »...