CONTES DES SAGES CELTES PATRICK FISCHMANN EXTRAIT PREFACE ...2021 BRAN DU 05 04 AVRIL
Contes des sages Celtes Patrick Fischmann Seuil Editeur extraits
Préface :
La conquête romaine s'est moquée de la pensée des celtes. Non content de mater la résistance, l'envahisseur a brocardé une culture ardente et spirituelle, pétrie de symboles, initiée aux secrets de la Nature.
On le sait, les colonisateurs détruisent, falsifient et dévoient, y compris par l'indigence de leur vision, incapables de lire le mystère lové dans l'âme de « l'autre » ensauvagé.
Les Romains avaient pourtant hérité d'une exubérance de mythes éclairants ? Mais ils en avaient oublié les clefs et l'universalité. Ils ignoraient l'extraordinaire richesse d'un terreau d'oralité déjà vieux de plusieurs siècles, une écharpe de grandes images issues du Néolithique : le monde Celte enchanté entrelacé de naturel et de
surnaturel s 'appuyant sur une théurgie des contrées dessinant une géographie mythique.
Cet imaginaire dénigré allait pourtant perdurer et s'infuser dans les paraboles légendaires de la chrétienté, porté par une grande variété de thèmes et de récits.
Il pouvait se répandre encore, se jouant des dissonances religieuses et des disparités entre continentaux et îliens. La tradition bardique et magique parvint à protéger son unité structurelle avec des épées qui racontent, des esprits qui parlent à travers les talismans et désignent les rois.
Si les lances de ses héros fleurissent, qu'Etaine à trois vies sur Terre et dans le monde invisible ; su Myrddyn/Merlin paraît « cerf le matin, loup à midi et chêne le soir » , c'est qu'une roue secrètes.
Quant aux poètes, les arbitres des décisions ultimes, ils sont habilités en tant qu'alliés et passeurs du mystérieux, dépositaires d'une culture infusée dans l'inspiration lyrique.
Fort heureusement la vision des Celtes a survécu. Leurs récits, leurs contes et légendes ont traversé les siècles, distillant patiemment leurs trésors.
La voix profonde des Thuatha De Danann, initiateur des druides venus des îles du Nord, ne s'est pas éteinte. Elle vient encore irriguer notre monde moderne devenu fou.
Transmise par la bouche des bardes, les intuitions et tâtonnements des copistes, elle faisait l'école buissonnière à travers l'arborescence des fables, bondissant sur des tertres, jaillissant aux sources enchantées, perpétuant les aventures chevaleresques.
Elle continua donc à danser parmi les fées, les vouivres et les saumons avisés, guidant les saints farouches et les chercheurs de Graal et de vérité.
Jusqu'à nous, soufflant toujours aux frondaisons de notre instinct, faisant pétiller le lointain souvenir des elfes, des magiciennes et des mages sur nos écrans et en notre psyché...
En hommage à ce florissant pays de conteurs, en pénétrant cet univers foisonnant de sagacité et d'images émouvantes, rappelons-nous les devoirs sacrés du barde de Bretagne et les nobles prouesses qu'il s'engageait à exercer :
connaître les récits de mémoire, utiliser le langage dans toute sa splendeur, chanter la sagesse et les secrets...
Pour vivre les « trois plaisirs » : parler avec finesse, se conduire sagement, apporter la paix et l'harmonie....
…///...
Préambule du barde :
Il m'aura fallu respirer l'encre des copistes, parfois réveiller l'âme des fables ;*les moines, en bonnes lavandières, ont essoré le linge des légendes. Certains pour les accommoder à leur monde, d'autres, pour sauver la belle blancheur des racontées. Mais pour finir l'oralité druidique et poétique s'est quelque peu diluée.
Des versions converties ont figé sur le parchemin, altérant la vitalité des mystères ; d'autres ont brillamment résisté. La parole a pu se trouver affaiblie et désacralisée.
Aussi, donc,, puisque aujourd'hui on a transcrit les contes de la tradition orale et que l'on s'inspire des légendes imprimées, que ce soit avec une extrême prudence et une audacieuse indocilité ; en demandant au grand livre de la Nature de restituer le verbe vivant, le barde tisse sa langue afin que le « dit » et « l'écrit » reposent sur les deux jambes d'un même passeur.
N'oubliez pas au tournant des pages qu'elles s'égrènent aux mélodies des harpes, qu'elles abritent des senteurs d'humus et la sueur des chevaux, qu'elles filent sous le regard sacré des biches et des cerfs.
Vous entrez dans la forêt enchantée et dans l'océan de fougères de la femme verte et du farouche protecteur du chaudron des rois.
La poésie en est la porte...
Au pays Celte, elle fait loi. Car ici, la langue de bois » retrouve sa force évocatrice et elle recouvre son sens originel. Elle sait qu'elle est la fille de l'ancien alphabet des arbres.
…///...