CUEILLIR DES MURES (CHRONIQUE ESTIVALE) 2017 BRAN DU 30 08 AOUT
Petite chronique de l'été :
Cueillir des mûres !... Bran du 30 08 2017
C'est là une pratique qui tend à disparaître, car elle demande d'y consacrer du temps, d'avoir les mains poisseuses, la peau déchirée par des épines dont certaines pénètrent profondément les tissus... C'est aussi exposer la dite peau aux orties, aux chardons...
C'est aussi tacher les vêtements...
C'est se bagarrer avec des ronciers qui vous enveloppent et parfois vous font chuter....
Tout cela pour une douzaine ou une vingtaine de pots de confitures plus ou moins appréciés par vos proches et amis...
Mais le gain me dires-vous ?
Il est précieux et multiple, au-delà et par-delà la cueillette elle-même et le profit gustatif et gourmand qui en résulte...
Tout d'abord c'est l'idée de se rendre libre de s'adonner à ce que nos plus anciens ancêtres pratiquaient pour leur survie et celle de leur communauté d'appartenance...
Et c'est, par-delà le temps et l'espace, comme se retrouver parmi eux se livrant à ce même exercice nutritionnel !...
C'est sortir également d'une urbanité pour retrouver un cadre « naturel », plus ou moins « ensauvagé » qui nous restitue une respiration , un état d'être et des gestuelles oubliées dont notre corps lui-même se sent trop sevré et qu'il aspire à retrouver...
Cela se fait, se vit, se « respire » donc, en conscience de rupture avec des formes diverses de dépendance et d'asservissement qu'habituellement nous validons et cautionnons plus ou moins, mais qui nous enveloppent cependant...
Il y a en cela un sentiment fortement suscité par une « échappée » volontaire et jubilatoire offerte à notre totale et jouissive disponibilité...
En terme « amoureux » cela pourrait s'apparenter à une « volupté » perdurant tout au long de la relation instaurée avec les beautés et les merveilles parfois insoupçonnées de « Dame Nature»...
Etre là et nulle part ailleurs, sentir l'odeur des herbes en attente de pluies ou de rosée, voir jaillir à vos pieds le lièvre ou la hase soudain débusqué, contempler les paons du jour se posant sur les petits soleils jaunes des menthes poivrées...
Marcher à son pas, sereinement, en humant les parfums de l'été, frôler les mauves épanouies, les vipérines et quelques marguerites attardées...
Entendre à chaque fois les cris courroucés de la buse dont on arpente l'intime territoire...
Voir au loin la mer et ses couleurs changeantes, le rivage qui s'éclaire ou s 'estompe, la course lente ou affolée des nuages...
Etre, se sentir, de cela, non pas étranger à cela, mais compagnon de cela qui est la vie en silence, en cri, en bruissement, en éclat ou en mouvement...
Glaner les épis laissés en frange de la moisson et visualiser déjà la couronne d'offrande que l'on confectionnera avec, ajouté à l'offertoire du blé, les glands et les baies d'aubépine, tout cela pour manifester au rituel équinoxiale, la plus parfaite et fervente gratitude du cœur...
Immergée parmi l'océan des herbes et des feuilles, des branches et des tiges, la marche se fait navigation heureuse au sein des flots des heures devenues étales et comme absentes...
Tout alors se fait rivage où accoster de plaisir dans la douces insouciance qui favorise la rencontre et la découverte, la révélation de ce qui devient simplement, naturellement, essentiel à notre bonheur...
(Un bonheur qui serait démultiplié, s'il pouvait se partager avec un « féminin » accompagnateur et complice d'entendements!)...
Les onagres, jour après jour, éteignent leurs fleurs solaires alors que chutent les premières noisettes...
Les fougères anticipent sur leurs couleurs d'automne...
La terre est trop sèche. Il faudra attendre septembre ou octobre pour la pousse des coulemelles, des mousserons et des agarics des près...
Peu de guêpes et d'abeilles, quelques bourdons isolés...
De temps à autre le passage caractéristique d'un ramier défiant les serres à l'affût...
Se sentir « libre, vivant, délicieusement enveloppé et pénétré », au sein d'une plaisante parenthèse, à l'écart de l'agitation urbaine et de la circulation motorisée pourtant non éloignées, mais rendue mystérieusement inaudible dans cette bulle de verdure où le silence impose sa sérénité, sa bienfaisance et sa bienveillance...
S'éjouir du chant ascensionnel de l'alouette, de ombelles de carottes sauvages se balançant dans la bise légère, des prunelles bleues nuit qui mûrissent sur leur branche...
Plus rien ne pèse, plus rien n'encombre un mental si sollicité en d'autres lieux, en d'autres temps...
« Cueillir » devient une sorte de méditation modérément active...
« Cueillir » pour le plaisir d'offrir ce qui résultera de cette collecte sauvage...
« Cueillir » et remercier la Terre, la Mère, pour la générosité prodigue de ses dons offerts à tous et à toutes, sans distinctions...
« Cueillir » l'instant et le déposer dans le panier de notre être comme le fruit solaire d'un céleste entendement...