DE LA CALLIGRAPHIE (APPROCHE ET AMORCE) BRAN DU 2022 16 01 JANVIER
Oeuvre calligraphiée réalisée
De la Calligraphie : une « Architexture » en noir et blanc
Bran Du Janvier 2022
La création, l'enfantement artistique, la mise au monde plus ou moins esthétique tout cela demeure un mystère lequel ne se laisse déflorer que pour une infime partie de son émanation, de ses sources et sèves, de son Origine....
Certains d'entre nous, poètes ou poétesses, amants de la Vie, servantes du Vivant, vestales de l'Amour, en approchent le seuil mais ne peuvent en pénétrer l'infini Substance, l'absolue Essence...
Ils sont lors de ce sceau de cire rouge apposé au bas du parchemin de l'Univers dont le contenu s'efface chaque nuit et se réécrit chaque jour sans perdre mémoire de ce qui Fût, en l'instant même de ce qui devient...
Nous avons l'empreinte de Cela... Des ruisseaux de lave blanche dévalent le pentu des sommets enneigés, serpentent entre les crevasses lors du fondu des glaces et s'en vont sillonner les plaines de l'attente et tout le déséché de la résignation....
Sous l'épais manteau de blancheur réside la Matière noire des Origines.... Et c'est par Elle que nous ferons Lumière en nos nuits les plus longues et profondes... Par Elle encore que sera nommé une ébauche de l’innommable...
Le trait est l'ambassade d'un poème dont on ne sait encore le visage et la couleur de ses yeux...
Les traces pérennes sont là qui imprègnent le duvet de cygne qui saupoudre la terre d'une pureté enfantine...
Se chevauchent des signes appelés à la rencontre, à l'inter-pénétration, à l'offrande réciproque, au dévoilement essentiel, à semblable recouvrement dans une conjonction d'intimes entendements et la conjugaison mutuelle et complice d'un Verbe créateur...
Encadrer un tableau ne signifie pas son achèvement car celui-ci poursuit sa mouvance dans le regard de celui ou de celle qui le contemple et en pénètre les arcanes secrètes...
Il s'agit lors de vibration et d'énergie car l'Esprit ( ou l'Awen, le Souffle inspirant) poursuit l'ouvrage au sein du contemplateur qui en épouse la respiration même...
Une œuvre réalisée en plénitude d'être ne saurait enfermer quoi ou qui que ce soit, elle ouvre aux vertiges et aux frissons que procurent l'Univers...
L’œuvre jamais close fera éclore d'autres fleurs !
L’œuvre tracée se veut saisir de la vie le mouvement afin de le prolonger en de multiples mouvances comme un torrent enfante des rus et des rivières pour s'en aller combattre l'asséchement des terres et des cœurs...
L’œuvre accouple voluptueusement le blanc au noir afin que surgisse « l'Enfant-Lumière » et la clarté Mère des ombres...
Le vide lors donne aux contours leur plénitude....
La Calligraphie est aussi une sorte de cartographie d'une île imaginée qui n'existe que dans l'océan de la pensée mais qui prends cependant corps de poème....Le sang lors circule en cela, le sang et la sève...
L’œuvre existe par le Centre qu'elle se donne, par un point appelé à extension, une extension sans limite et sans cloison...
C'est en cela que l'artiste est un puisatier qui prends source en l'essentialité de ce qui Fût, Est et Sera......
Le pinceau est comme l'étendu moutonnante des vagues allant sans cesse à l'assaut des rivages non pour en recouvrir les terres mais pour en restituer le souvenir, pour leur humus élémentaire et primordial, pour en exhumer le berceau originel.... Et ce, afin que naissance nouvelle soit donné à un monde défunt........
Tout « centre » ordonnateur et médiateur à la fois est « partout et nulle part »....
L'art est une pulsion inspirée « dérobeuse de feu » et donc voyante et visionnaire...
Elle voit au-delà et par-delà nos propres regards, elle fait lecture de mots, de poèmes, écrits à l'encre invisible...
Ce n'est pas par volonté de dissimuler, c'est afin d'accroître nos facultés de perception et de discernement, c'est aiguiser ainsi le rayon laser de nos sens et de notre intelligence...
Les courbes côtoient puis épousent les traits rectilignes au sein d'une chorégraphie aimante et libertine. On peut évoquer alors une étreinte amoureuse, enivrante et enfiévrée... Ainsi l’œuvre en gésine...
Suivre le déplacement du bras, sa maîtrise, sa flexibilité, son coup de poignet qui « mord à vif » dans l'inconnu d'un blanc souverain...
« Je suis dans la voie, je marche vers le Nord » disait Victor Segalen lors de son voyage en Chine...
Il savait tout de ce Nord alchimique, mythique, sensuel et magnétique, parce que poète, il savait, il déchiffrait la carte, le portulan inédit et les correspondances intimes entre le ciel et la terre, il savait les mille chemins offerts à ses pas et la source unique qui désaltère la soif de vivre, d'aimer, de créer et de mourir...
La stabilité, l'immobilité, ne sont là que pour flatter le jeu des apparences... Il y a un serpent lové sous toute pierre ainsi aussi pour la Connaissance !....
Le poème n'attend que le printemps des êtres et des choses pour déployer, comme un étendard de vie, sa crosse de fougère...
Tracer, écrire, cela est œuvre de charpentier, œuvre d'ajustement, de judicieux emboîtements dont les plans sont faits de songes et de rêveries, aussi de sentiments...
On parlera alors « d'architexture »....
C'est aussi faire labour, creuser des sillons dans le sillage des saisons.... C'est un ensemencement permanent, chaque graine donnant étrangement naissance à d'autres graines et ainsi de suite, infiniment...
Ainsi toute chanson s'égraine.....
Œuvrer, c'est s'évertuer à recoudre l'effiloché de l'existence, c'est redonner tissu à l'éparpillé d'une vêture d'étoiles sous laquelle se meurt, de froid, de solitude, un berger...
La calligraphie chinoise est empreinte de taoïsme, elle est en quête d'une voie médiane, d'une voie du milieu qui trace sa route, à la fois rectiligne et serpentaire, au sein des méandres et des circonvolutions de l'existence conçue lors comme une page blanche sur laquelle se répandent, de façons plus ou moins ordonnées ou pulsatives, les encres de notre sang...
L’œuvre est triple par le sens directionnel qu'on lui donne ou qu'elle nous dicte, par tous les sens qu'elle convoque à ses noces et, enfin et surtout, par l'Essence sans laquelle il ne saurait y avoir ni rites, ni célébrations, ni enfantement de vie...
Si l'Essence en dirige le cours, elle ne s'oppose pas à quelques embardées « sauvages » mais-celle-ci reviendront finalement dans le lit creusé par les écoulements et les ruissellements qui iront grossir l'océan du possible.... Sinon leur dérivation finira par s'évaporer en quelques flaques d'orgueil et d'arrogance....
Le calligraphe chinois nous enseigne que le premier trait se doit d'être horizontal mais en comportant une pente, une inclinaison par laquelle s'épanchera le mouvement qui transcendera l'horizon pour se conjoindre à la traversée des nuages...
Le trait est une suite d'avancées et de reculs, ceux-ci permettant l'appui nécessaire afin de propulser une fixation, de l'obliger à aller plus avant... La Vie ne peut-être stagnante pas plus que les marées où l'eau courante !...
Le « Ki » est cette énergie fluidique, vibrante et ondulatoire qui oscille au sein des dualités et des contraires plus ou moins affrontés, (Le Yin et le Yang), ceci, afin de conciliations certes éphémères mais indispensables à toute progression et évolution dignes de ce nom et de ce qu'il évoque spirituellement et philosophiquement...
Si le mouvement est « conditionné », qu'il obéit à une ferme volonté, s'il est mentalement ordonné, cadré, formaté... il risque la fixation, c'est-à-dire la mort !....
C'est sans doute pour cela qu'il y a, de façon souvent insoupçonnée, une volonté mobile de l'immobile !...
Porter l'encre noire au-devant de la blancheur extrême, c'est rappeler la Grande et très Sombre Nuit au sein de laquelle naissent les aurores... Ce n'est pas recouvrir, c'est dénuder... Là, seulement, réside toute beauté, toute splendeur...
Le Trait part d'un Point expansif qui ne connaîtra que des haltes et des pauses très furtives aptes par leur appui à propulser de nouveaux élans...
Ce n'est ni intellectuel, ni mathématique, c'est faire acte « poétique » et insuffler vie par le Verbe inspirant et respirant...
Dans la pensée chinoise « œuvrer relève » du « non agir » ce qui peut paraître assez paradoxale pour bien des occidentaux...
Sans doute que le Verbe « Faire » se ressource et se ré-enracine dans l'humus et le terreau de la pensée chinoise...soit en « Terre du Milieu », en « Terre de Poésie », au « Blanc Royaume » que vénère aussi le monde Celte...
Pinceau, artiste, parchemin, eau et encre forment une « équipée », une cordée ascensionnelle qui mène à un sommet recouvert lui-même d'autres sommets soit aux neiges célestes et éternelles...
On ne saurait quitter le « Chemin » sauf à tomber en maintes impasses.... Nul point pour fixer à demeure l'immense phrasé de l'Univers, un poème demeure poème s'il méconnaît toute clôture, tout cloisonnement...
Seulement respirer dans le « Grand Respir » et battre, d'amour, un jour, une nuit, dans le cœur même de cet Univers...
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