DE LA POESIE CHINOISE (FRANCOIS CHENG) EXTRAITS ET TEXTES INSPIRES BRAN DU 18 09 SEPTEMBRE
Photos Bran du
Du Côte de la poésie chinoise :
Partie 1 : L'écriture poétique chinoise par François Cheng (extrait)
Partie 2 : Texte Bran du : Lui, le Poète...
Partie 3 : Bran du : Poèmes inspirés de la pensée chinoise.
L'Ecriture Poétique Chinoise (François Cheng)
Point éditeur (extraits)
Poésié de la dynastie des Tang (VIIè au IXè siècle)
40 siècles de dits, de littérature, de poésie...
Prélude :
«…Le Dao d’origine engendre l’Un
L’Un engendre le Deux
Le Deux engendre le Trois
Le Trois produit les dix mille êtres
Les dix mille êtres s’adossent au Yin (La Terre)
Et serrent sur leur poitrine le Yang (Le Ciel)
L’Harmonie naît du Souffle du vide médian… »
Lao-Zi
Fondateur du taoïsme
(La Voie de la vertu chapitre 42)
Le Dao d’Origine c’est le vide suprême d’où émane le Un
qui n’est autre que le Souffle primordial…
La pensée cosmologique chinoise est fondée sur le vide (Yin) et sur le plein (yang) et sur la trilogie Ciel-Terre-Homme ainsi que sur la notion de Souffle…
Le Qi ou Qi-yun ; c’est le Souffle rythmique qui doit rétablir l’homme dans le courant vital universel.
Le non-être est une dimension vitale de l’être…
Il produit avec le Yin et le Yang l’accomplissement de l’Esprit humain dans son rapport ternaire avec le Ciel et la Terre…
Le rapport d’opposition Vide/Plein (Xu/Shi) est une notion fondamentale de la philosophie chinoise… comme les notions de spatialité et de temporalité...
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POESIE CHINOISE : (Du VIIè au IXè siècle) :
« Parmi les fleurs un pichet de vin
Seul à boire, sans un compagnon
Levant ma coupe, je salue la lune ;
Avec mon ombre, nous sommes trois
La lune pourtant ne sait point boire
C’est en vain que l’ombre me suit
Honorons cependant ombre et lune
La joie ne dure qu’un printemps !
Je chante et la lune musarde
Je danse et mon ombre s’ébat
Eveillés, nous jouissons l’un de l’autre
Et, ivre, chacun va son chemin…
Retrouvailles sur la voie lactée ;
A jamais, randonnées sans attache. »
Li Bo (Buvant seul sous la lune)
« Derrière, je ne vois pas l’homme passé
Devant, je ne vois pas l’homme à venir
Songeant au Ciel-Terre vaste et sans fin
Solitaire, amer, je fonds en larme. »…
Chen Zi-Ang
« Du haut de la terrasse, pour dire adieu ;
Fleuve et plaine perdus dans le crépuscule
Sous le couchant reviennent les oiseaux
L’homme, lui, chemine, toujours plus loin. »…
Wang Wei
« Mariée jeune à un marchand-voyageur
Jour après jour attendre en vain son retour
Si j’avais su combien fidèle est la marée
J’aurais épousé, pour sûr, un joueur de vagues ! »…
Li Yi
« Une cour emplie de fleurs de palmiers
Les mousses pénétrant la chambre oisive
De l’un à l’autre la parole a cessé
Dans l’air flotte un étrange parfum. »
Wang Chang-Ling
« Pourquoi vivre au cœur des vertes montagnes ?
Je souris, sans répondre, l’esprit tout serein
Tombent les fleurs, coule l’eau ; mystérieuse voie…
L’autre monde est là, non celui des humains. »…
Li Bo (L’Immortel bannie du Ciel)
« Voyageur maritime
En sa barque de vent
-oiseau fendant nuage –
Par-delà tout, s’efface. »…
Li Bo
« Non pas que j’aime les fleurs au point d’en mourir
Ce que je crains : beauté éteinte vieillesse proche !
Branche trop chargée, chute des fleurs en grappes
Tendres bourgeons se consultent et s’ouvrent en douceur. »
Du Fu
« Aux temps jadis, on ne tuait pas le vieux cheval. Il avait d’autres dons que de parcourir les routes. »
Du Fu
« Fleur ; est-ce une fleur ?
Brume ; est-ce la brume ?
Arrivant à minuit
S’en allant avant l’aube
Elle est là, douceur d’un printemps éphémère
Elle est partie ; nuée du matin, nulle trace. »
Bo Ju-yi
« Sache-le bien ; le monde hait ce qui est pur.
L’homme à l’esprit noble cachera son éclat.
Au bord de la rivière est le vieux pêcheur ;
Toi, moi, à la source nous retournerons ! »…
Li Bo
(Le pêcheur évoque le détachement et la pureté préservée.)
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Notes :
De cette écriture François Cheng nous dit :
...A l'origine, des chants pour la danse sacrée et les travaux des champs et ce au rythme et au déroulé des saisons et des âges de la vie, de la terre et du ciel... Un chant ininterrompu depuis 3000 ans...
C'est un langage poétique profondément original (un chant écrit, une écriture chantée.) (Le mot « clarté » associe le soleil et la lune.)
Le signe est une unité vivante. Chaque signe est une architecture propre, immuable et harmonieuse...
Les traits révèlent leur essence et leurs liens secrets qui les unissent...
Une représentation qui organise les liens et provoque les actes de signifiance...
Il n'y a pas de rupture entre signes et mondes et par là entre homme et univers... Les idéogrammes sont des combinatoires ou une transformation/mutation laquelle est une loi régie selon les principes d'alternance du Yin et du Yang...
(Par exemple : Yin la Terre ; Yang le Ciel...)
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La calligraphie exalte la beauté visuelle des idéogrammes.
C'est un art majeur. En pratiquant cet art tout chinois retrouve le rythme de son être profond et entre en communion avec les éléments...
A travers les traits signifiants, le calligraphe se livre tout entier.
Leurs pleins et leurs déliés, leurs rapports contrastés ou équilibrants lui permettent d'exprimer les multiples aspects de sa sensibilité : force et tendresse, élan et quiétude, tension et harmonie. En réalisant l'unité de chaque caractère et l'équilibre entre les caractères, le calligraphe tout en exprimant les choses atteint sa propre unité...
La nature du geste est rythmique comme une danse.
En calligraphiant, le calligraphe ne se limite pas à un simple acte de copie (vers, poème, prose poétique), il ressuscite tout le mouvement gestuel et toute la puissance imaginaire des signes...
C'est une manière à lui de pénétrer dans la réalité profonde de chacun d'entre eux, d'épouser la cadence proprement physique du poème et, finalement, de le récréer...
L'art calligraphique restitue aux signes leur fonction originelle, magique et sacrée...
(Tout comme dans les mythes ou la poésie, l'écriture joue un rôle actif (croyance dans la puissance magique des caractères.)
Le souffle rythmique ; c'est le Qi ou Qi-Yun qui doit rétablir l'homme dans le courant universel...
le « mot-clef » ; c'est Yan (le mot-oeil) qui éclaire d'un coup tout un poème, c'est parachever la création...
Le niveau symbolique est le niveau le plus élevé du langage...
L'opposition vide/plein Xu-Shi est une notion fondamentale dans la philosophie chinoise... ainsi que celle de spatialité et temporalité...
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En écho et résonance à cela :
Lui ; le Poète.... Bran du Septembre 2018
Par le signe souverain
en l'empire des sens,
par la régence de l'Essence
sur toute vie et destin,
S'inscrivent la vibrante mémoire,
la sentence, l'acte divinatoire
qui font que tout ce qui doit advenir s'en vient
à la pointe du jour, en l'aurore des matins...
Le signe sur l'écaille
Le signe moulé dans le bronze
Le signe sur la soie et le lin
Le signe enroulé et déroulé dans le parchemin
le signe de bonne fortune,
la divine entaille, le trait d'éternité... C'est lui qui l'a œuvré...
Immobile est le mouvement de ce qui donne envol à la matière...
Sur les ailes de l'esprit le mot décolle, le verbe luit ;
ainsi se déploient les rémiges de lumière...
L'os, le premier support du dit de l'homme
puis le vase, l'offrande en sa somme...
Puis la voie aux accents de lune et de soleil...
Le rythme donné par le chœur de l'univers...
Les saisons prenant le bras à l'année ; l'année déroulant sa ronde, hommes et femmes dans la ronde, enlacés...
En tout cela bat le pouls de l'Origine...
Et tout cela mute, évolue, change, se transforme, mais le rythme immuable, c'est lui qui donne la cadence, lui qui fait lever la vague, lui qui fait descendre la sève, lui qui donne douce fièvres aux amoureux de l'amour..., lui, encore lui, lui encore et toujours...
L'homme de tous les arts, le sage, le voyant, le devin, le poète ;
c'est lui qui relie le Ciel à la Terre et la Terre au Ciel...
C'est lui le passeur au mitan de la rivière...
C'est lui, le présent, l'offertoire et l'autel...
C'est lui encore ; la source originelle,
la souche ancestrale et l'étoile polaire...
Ininterrompu est son chant
jaillit depuis des millénaires...
En lui l'écoulement, le ruissellement
de la Fontaine première....
Par lui la signifiance, par lui la résonance, l'accord et l'harmonie...
Par lui et par son chant, par lui et par son dit « s'enspiralent » les les flammes et les danses, « s'enspiralent » les morts et les vies...
Il est né de l'eau, le feu aussi lui fut naissance...
Sur l'enclume d'écume fut forgée son nom...
Il fut aigle et saumon, ours et cerf par alternance,
De tous les règnes, il reçu vertus et dons...
Il sait, se sont opérés en lui, le vide et le plein ;
Il a pesé, de sa plus juste balance,
chaque plateau de l'équilibre qu'il maintient
par la force du dire et la sagesse des mots ;
par tout cela dont il concélèbre l'alliance...
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Poésie d’inspiration chinoise
Bran du Septembre 2018
Visite à l’ermitage
Un grillon chante au pas de la porte
C’est l’accueil réservé au marcheur silencieux…
Derrière la porte
La nudité du monde
Le poète, en passe le seuil, nu pareillement…
Triste est la maison d’automne
Les rues comme les toits enfumés
Puisse la neige venir se poser sur mon cœur...
Depuis le temps que tu pousses ton chariot de douleurs…
Laisse cela au bouvier de l’oubli…
Seule l’ombre à te suivre ;
A danser avec toi sous la lune
Un flacon de vin à la main...
L’autre rive ; c’est elle que je veux atteindre,
Mais ni gué, ni pont pour m’y rendre
Et trop fort le courant pour nager…
C’est sur les ailes de mes pensées que je ferais la traversée, que j’atteindrais la rive opposée…
Alors qu’il questionnait le ciel
(Ayant noté sur un carnet les dites questions)
La pluie s’en vînt et pour toute réponse, effaça les interrogations !...
Ce matin, du givre sur la glace.
Entre nous le vide a fait sa place
Tes lèvres ont perdu leur éclat...
L’hiver est venu au champ des plaisirs…
Les herbes folles garderont-elles le souvenir
de ta fleur de joie ?...
Je chemine sans cesse sur la route…
Vent, neige, pluie, grêle, orage… Qu’importe !
Combien sont les oiseaux qui meurent dans leur cage ?...
Depuis le temps qu’il jette son filet…
Vide toujours, il le remonte
Alors qu’un filet plus grand l’enveloppe de la tête au pied !...
Comment avoir le cœur léger
Quand vides sont les bras et les mains…
Il est vrai qu’hier j’ai vu sur l’arbre la branche ployée sous ses fruits…
Sortant de la taverne
Et cheminant dans la nuit
La lune et moi titubons de concert…
Qu’il était beau et gracieux le collier de tes rires
Le fil s’en est cassé
Restent les perles du souvenir…
Sur ma tombe, je ne veux ni chrysanthème d’or ni marbre froid.
De tombe je n’aurai que la course des nuages et la vague montant au rivage...
La pavillon avec sa lanterne rouge
Des insectes s’y brûlent les ailes
Des rêves aussi !...
La branche du pin où s’est posée la lune…
Sur elle aussi je me suis posé
Tout à côté d’elle…
Écharpes de brume montant du ravin
Je m’achemine vers le col
Afin d’y mettre mes pensées à nue
Et plus blanche que neige…
Poudrée de neige
avec des lèvres rouges-cerise
Pour elle a chanté le merle noir...
Parmi les dix mille bruissements
je porte à ton cœur
la fleur de silence...
Vanité des êtres et des choses
Mieux vaut danser avec les herbes folles
en compagnie du vent...
Parmi les cheveux blancs
et les poireaux d'hiver
résiste le poète !...
De nouveau, il s'est posé
Sur l'herbe des souvenirs.
Jadis, à l'ombre du mûrier....
J'ai bien connu
au quartier du port
le pavillon des hirondelles.
Mais moi, je n'y suis jamais revenu...
Le froid n'est pas en cause
sans cesse j'y retourne...
abus de prunes vertes !...
Je ferais « dix mille li »
pour t'offrir « mille onces d'or »
Mais, ton image n'est plus que vent et nuages...
Un son de cloche
le temple n'est plus loin
Tôt, ce matin, une prière a commencée à gravir la pente...
Je ne sais ce que cache
l'éventail de la lune,
mais je connais déjà ton prénom !...
L'automne est aussi celui de mon âge.
Pourrais-je demain encore gravir les hauteurs
pour la fête du double-neuf ?
(Le 9è jour du 9è mois on monte traditionnellement sur les hauteurs pour mieux participer à l'épanouissement de la nature.)
Cheminement :
...Après la passe des roseaux se sera la forêt des érables, puis le lac des cinq aigrettes et enfin le jardin des poiriers.
Arrivé là, je ferais une pause sur l'herbe menue pour manger des fruits sauvages à l'écoute du cri des singes...
J'aurai cueilli au passage quelques simples, odorante sera ma besace...
Peu-être reverrais-je alors les oies sauvages remonter vers le Nord ?...
Le « Dharmakaya » ; ce n'est pas pour moi, au mieux, je monterais sur la grue jaune par un matin de brume ou de gel...
Tant que le peintre n'a pas mit d’œil au dragon qu'il peint,
je peux encore rire dans le vent !...
(Le Dharmakaya ; c'est le corps vivant du Bouddha)...
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