DOSSIER ILE ET YS (SUITE 1) 2019 BRAN DU 09 04 AVRIL
Submersion Création et photo Bran du
DOSSIER YS (SUITE 1)
Ce que nous en dit Olivier Eudes : Ys et les villes englouties Ed Ouest France :
« Ys est le prototype des cités englouties, omniprésentes et introuvables. »...
« Les dieux et les déesses, c'est bien connu, ne meurent pas. Et l'ancienne déesse païenne de la mer, dont le mythe faisait une princesse retourne à sa vocation première de sirène, vierge des eaux...
La victoire du christianisme sur les anciens cultes celtiques se traduit par l'engloutissement de la citée sous les eaux. La submersion de la ville symbolise la submersion du paganisme sous la marée de la nouvelle religion. La résistance au christianisme est le grand crime, le grand « péché » d'Ys. »...
« On dit que Dahud n'est point morte et qu'elle est devenue une sirène qui hante les baies et les criques. Elle tourne toujours la tête des hommes et ceux qui l'aperçoive ne reviennent jamais. »
Olivier Eudes (Selon le conte d'Emile Souvestre)...
« Trop se pencher sur Ys peut donner le vertige. Et les mythes eux-mêmes nous imprègnent d'une réalité à laquelle nous ne pouvons pas échapper... Le temps mythique se superpose aux temps historiques, s'insinue dans les failles de la réalité pour appeler ses preuves. Vestiges d'une histoire avant l'écriture, les mythes parlent à l'esprit en nous....Ils ont pouvoir sur nous... »
« Pourquoi le mythe d'Ys ne serait-il pas comme un vestige de celui de l'Atlantide ? Ce mythe d'Ys ou des Atlantes fait partie de l'imaginaire collectif de l'humanité... »
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« Redonner vie à la légende d'Ys, sans doute est-ce comprendre qu'en elle se joue quelque chose qui ne relève pas d'une lointaine histoire, mais se conjugue encore au présent de chacun. »
Michel le Bris Ys dans la rumeur de la vague Artus éditeur
«Importe-t-il vraiment qu'Ys ait existé que dans les contes ? Par eux nous revient l'écho d'anciennes croyances, la mémoire des grandes frayeurs, et l'image immortelle de la Morgane. »
Claudine Glot : Spécial Historama sur la Bretagne
« Les eaux : c'est la somme de toutes les virtualités, le réservoir de toutes les possibilités d'existence ! » Mircea Eliade
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Nota : Herzart de la Villemarqué dans le Barzaz Breiz relate la légende d'Ys. Nous ne savons pas la réalité de ce collectage ou si le texte doit son existence et sa saveur au génie littéraire de l'auteur ( idem pour Macpherson et l'épopée d'Ossian)...
Emile Souvestre s'inspirera de ce texte pour le « finaliser » dans son ouvrage : le Foyer Breton ….
On pourrait aussi parler de la légende de Vineta ; un cité « pécheresse » qui en Suède ressurgit des abysses à chaque siècle... NDR
Notes : On pourra comparer le sort de la cité d'Ys avec celui de Babylone, lequel est décrit dans l'Apocalypse :
« Babylone sera précitée avec violence, la grande ville, on ne la retrouvera plus. On n'entendra plus les sons des joueurs de harpe, des musiciens, des joueurs de flûte et de trompettes. »
YS : La légende légèrement revisitée par Bran du :
Affleurant l'onde claire des surfaces se hisse le corail des clochers enrobé de laminaires ondulant comme des longs cheveux ; ceux d'une princesse de jadis, déesse en son Antiquité, fille d'une grande reine au tombeau d'océan...
Gradlon (ou Grallon NDR), que l'on disait grand était son père sur son royaume veillant ; son royaume du bout des terres, de Cornouailles précisément...
Noble roi certes, qui avait poussé la lance et le bouclier, par delà les mers et conquis richesses et trésors « et trouvé femme à son goût» non sans occire par « consentement mutuel » l'époux jadis aimé !...
Dahut ou Dahud (certains l'appellent Ahés) fut le fruit d'une union souveraine survenue lors de la traversée du retour... Malgved, la reine, comme il dit plus haut, ne résista pas à cet enfantement, elle repose lors en l'océan, de nacre et de coraux à tout jamais parée et ce, pour toujours...
Le roi éleva seul sa fille, c'était son printemps dans le très long hiver revenu, c'était le soleil réapparu parmi la tristesse des brumes enténébrées... N'était cette fille, printanière et ensoleillée, rien ne pouvait le réjouir ni le contenter. Le deuil en lui était vêture d'éternité...
Keban, l'ancienne à l’œil de verre, aux cheveux de suie, aux ongles à crochets, celle-là savait plus que l'on ne peut ou doit savoir... Elle avait grande et profonde mémoire, tout le passé dans sa tête tournait comme un manège d'hirondelles...
Elle savait les pierres à minuit allant boire alors que les cloches sonnaient pour l'étranger nouveau-né... Elle allait tôt matin (ou sous couvert de lune) aux arbres et aux fontaines ; offrait verveine, sauge ou rose des chiens aux idoles les plus anciennes...
La forêt était sa caverne et son antre.... D'une clairière de chênes, elle s'était fait une île en l'océan des feuilles... A bien des maux, elle avait remèdes ; corps et cœur y trouvaient leur comptant...
Gueux et princes qu'importe, nulle distinction, de chacun elle prenait soin de bon filtres et onguents...
Mais, depuis peu, elle connaissait l'emprise des tourments ; un homme qu'on disait saint, (ermite de renom), s'était installé au creux d'un vallon et faisait des miracles, des « vrais » disait-on...
C'était un homme de la nouvelle religion et qui voulait en découdre avec les païens, ces démons !...
La « guerre » s'installa parmi les frondaisons de la Mère forêt de Nevet. De toute sa magie la « sourcière » usa, mais lui, de sa croix, repoussait les sortilèges... Nul sort, nul « piège » n'en venait à bout...
La vieille avait fille jeunette qui un matin, soudainement, trépassa... Aussitôt, elle s'en alla voir le Roi pour compter son malheur et le moine, (en fait St Renan), d'un ton de colère, de ce méfait, accusa...
Le roi lors n'avait oreille chrétienne et l'ermite, en sa demeure, pour jugement, convoqua... Celui-ci donc s'en vient en la citée de Kemper (du Confluent) et devant roi, juges et mère ressuscita la fille... Mais, ce haut fait n'ébranla pas pour autant les convictions du souverain ni sa païenne foi...
Un autre soir le roi s'étant égaré avec sa « chasse » demande asile et nourriture à l'ermite lequel avec la moitié d'un petit poison nourrit toute la troupe. Le roi s'inclina devant ce nouveau miracle et invita l'ermite pieu à venir en sa ville pour la gouverner selon la loi du « nouveau dieu »...
Lors, là où paraît-il régnaient, l'impudeur, le mensonge, la débauche, la grossièreté... s'épanchèrent les belles vertus chrétiennes qui changèrent du tout au tout le pervers des anciennes mœurs...
Mais Dahud, princesse de son état (car fille de roi) ne l'entendait pas ainsi, car là, en ce pieux et vertueux état, n'était plus la Vie et toute les lumières de ses éclats...
Elle demande à son père de lui bâtir une cité « toute entourée de mer » avec murailles et écluses de surcroît...
Ys sera son nom et, en ses murs, ni monastère ni tonsure, des clochers et des cloches certes, mais non pour appeler à la prière, mais bien pour rappeler à la vie, et à la joie...
Ainsi fut bâtie la haute cité de Vie et ce ne fut que fêtes, banquets et festins, réjouissances pour tous et chacun. Lors accoururent les artisans, les bardes et musiciens certains venus de fort loin pour mener toute la cité à la beauté, à l'esprit et à la danse...
Devant un tel affront le clergé fit réunion et à l'unanimité décida de livrer, à ce démon femelle, un apocalyptique combat...
On fit courir la rumeur qu'en Ys régnaient la terreur et l'abomination et que le courroux divin allait, sous peu, y mettre fin...
La trop fière cité serait livrée à la fureur des flots ; Dahud et ses anges déchus seront précipités dans les remous furieux des eaux...
Malédiction et damnation sur la nouvelle Sodome, sur l'orgueilleuse Gomorrhe, qu'Ys en subisse le même sort, la même disparition...
On dit, mais est-ce fable, que Dieu, pour mener à bien son plan divin, passa un contrat avec le Diable, (contrat dont nul ne sut l’enjeu.)
Ce dernier se changea en beau jeune homme et se rendit à la cour de la princesse afin de lui faire celle-ci...
En bel habit et fort de ses charmes, le « singe de dieu »* déploya auprès d'elle tout ce qui séduit les dames... A ceux-ci Dahud ne résista pas ; elle s'ouvrit à ce séducteur comme fleur en la rosée de mai. Elle lui promit les clefs de la royale demeure que le galant aussitôt réclama...
C'est en la nuit même que la belle, au cou du roi, ces clefs déroba... Lors l'amant retrouva sa prime forme et aux écluses se porta, ouvrant les grandes portes ; un flot énorme sur la ville avec fureur se déversa noyant toute la population, sauf la princesse et le roi et Guénolé qui était venu prévenir le souverain de l'arrivée d'un terrible destin et du divin fléau....
L'homme que l'on dit saint, n'ayant pas souhaité sauver la « catin », n'avait que deux chevaux en sa main. Le roi sans aucune hésitation et malgré, du saint, l'interdit, fit monter en croupe sa fille chérie et s'élança vers la grève brillant au loin....
St Gwénolé, car c'était lui, couvrait le roi d'injonctions, lui ordonnait de jeter à bas celle qui se cramponnait à son père...
Sous le double poids, le cheval du roi s'enfonçait peu à peu dans la mer... C'est alors que de sa crosse le prêtre attrapa l'épaule de Dahud et la précipita dans l'abysse des enfers...
Le roi, sauvé, mais meurtri dans toute sa chair, dans tout son corps, se retira en l'abbaye de Landévenec et finit ce qui lui restait de vie en ce monastère ou nul silence ne saurait faire taire au cœur le bruit sourd et lancinant que font les regrets et les remords...
C'est cela que l'on conte encore aujourd'hui, là-bas en la fin des terres, face à l'Iroise verte et bleue comme les yeux de la princesse... marquée, en son âme, du fer rouge de son amoureux !
* Le « singe de dieu » est le nom donné par les bretons au diable... NDR
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Etude / Réflexion / Commentaires Bran du
Retenons de cela des similitudes troublantes entre Dahud et Ahes et ce qui précède.... Nous sommes de toute façon et indiscutablement dans le domaine et royaume du « divin »... Il me semble (et cela a été avancé par d'autres chercheurs) que l'on doit considérer Dahut/Ahes ou Dahud/Ahes comme une « déesse » au même titre que celles citées ci-dessus... et non pas à une « fille de joie » se livrant en permanence à la débauche ?...
Elle apparaît tout au contraire comme une figure « résiliente », rebelle et révoltée, face à la montée de l'emprise du monde chrétien dont elle perçoit le caractère et la volonté d'aseptisation et de « pasteurisation » des valeurs jouissives et jubilatoires de l'existence quand elles se donnent pour éthique, celles des lignes ; axes et forces de vie ; soit celles de la Nature elle-même et en fait de tout l'Univers...
Toute cette « légende » ou « conte » peut avoir pour origine des événements « naturels » dont nous avons quelques traces en Bretagne laquelle ne manque pas d'engloutissements dues à la fluctuation de la croûte terrestre agitée par son magma ou de submersions, par l'eau ou le sable, (submersions aussi bien de cités « entre 7 et 12 », de hameaux que de sanctuaires mégalithiques (On pense à l'îlot d'Er Lannic dans le Morbihan et à son cromlech en partie sous les eaux, par exemple.)...(On peut penser aux nombreuses vallées armoricaines « ennoyées » et appelée Abers.)
On se souviendra aussi que Quiberon et que le Croisic sont deux cités bâtis sur d'anciennes îles et que l'ancien bourg breton appelé Escoublac (près de la Baule) a été « dévoré » par les sables !...
On peut aussi évoquer la mystérieuse forêt de Scissy disparue vers 709 de notre ère ; laquelle s'étendait dit-on entre la côte normande et bretonne...
Cette « Déesse » Dahud à grandement a voir avec les eaux... Elle en est peut-être bien le « ruissellement » même , la source ou fontaine et on comprendra d'autant plus et mieux l'acharnement du monde chrétien à faire disparaître cette haute figure païenne en jetant sur elle tous les discrédits et toutes les défigurations possibles !...
(Ce fut pour les représentants de la chrétienté une entreprise de grande envergure, intelligemment pensée et mise subtilement en œuvre. celle-ci consista à détourner de « sens et d'Essence » tous les lieux de culte païens existants, de réorienter les dits cultes vers la nouvelle religion, d'édifier des monuments chrétiens sur les lieux des dits cultes et d'inverser toutes les anciennes valeurs et conceptions druidiques (y compris le bestiaire celtique.)...
La « submersion » rappelle aussi le déluge et elle est synonyme dans l'esprit chrétien de punition et de péché (soi-disant la chute originelle de l'humanité !?)
L'arsenal des peurs déployées dans le récit s’appuie fortement et essentiellement sur ce sentiment (parmi les plus redoutables et hélas efficients) pour imposer une idéologie qui devient vite un diktat puis un dogme favorisant o combien toute soumission et tout asservissement...
C'est l'arme privilégiée du monde Chrétien pour précipiter dans l'abîme et le néant, et à tout jamais ; ce « dragon » païen lequel représenta, représente et représentera toujours un sérieux et très interpellatif « danger » car il est en « mesure » de remettre totalement en cause cette théogonie et théologie de la peur et de la domination « religieuse » (on ne peut pas parler ici de « spiritualité » !)....
Mais, dites-moi comment, sous quelle forme, de quelle façon, une déesse des eaux serait noyée par l'élément sur lequel elle règne (en compagnie sûrement de Manannan, le « Fils de l'Océan » ?)...
N'oublions pas que nous sommes là dans le registre du « mythe » et qu'un mythe ne saurait mourir !....
Ys est en nous entourée par l'océan de l'oubli, cernée par les flots de l'ignorance, de la peur, de l'indifférence, de la méconnaissance et de l'inconscience...
Nous savons, en l'enclos meurtri de nos chairs, cette « pommeraie » avalonienne et, parfois, la vie, de bien étranges façons, nous révèle le goût innommable et indescriptible de ses pommes...
Suivons de nouveau, voulez-vous, la chaussée géante, aux pierres luisantes et couronnées d'algues ; la chausse qui mène sur la grève de nos attentes et enfonçons-nous sous les eaux comme cette allée pavées « abysallement » de mythes et de légendes...
Cette allée ; c'est Hent-Ys (le Chemin d'Ys)...
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