DOSSIER SPINOZA A PARTIR DE L'OUVRAGE DE FREDERIC LENOIR 2017 BRAN DU 16 12 DECEMBRE
SPINOZA : Préambule : Bran du décembre 2017
Spinoza développe des concepts qui sont en fortes résonances avec ce que la Tradition celto-druidique nous propose d'entendements ; au moins sur les axes majeurs et les lignes de forces de nos croyances et conceptions fondées également sur notre libre arbitre et notre libre critique...
Ce libre-penseur s'inscrit aussi dans la lignée de John Toland pour lequel ce terme a d'ailleurs été inventé... Il s'agit à chaque fois d'instruire de l'être pour l'Etre... Soit l'apprentissage des mécanismes du fonctionnement humain à partir des outils de connaissance et de raisonnement adéquats ceci en correspondance avec les Lois de Nature...
On ne s'étonnera pas que certains préceptes ou principes, entendements ou conceptions, abordés philosophiquement, fassent écho à ceux enseignés par le Barddas des anciens bardes gallois...
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Le Miracle Spinoza Frédéric Lenoir extraits
Fayard éditeur...
Un auteur qui peut changer une vie...
Une philosophie de la Joie... Une œuvre de lumière qui nous fait regarder l'homme et le monde autrement...
Ce qui implique une totale liberté de penser à partir de sa propre intériorité...
« Ne jugez pas, comprenez et agissez ! » Spinoza
« Car comment cela serait-il possible, si le salut était là, à notre portée et qu'on pût le trouver sans grande peine, qu'il fût négligé par presque tous ? Mais tout ce qui est précieux est aussi difficile que rare.»
Selon F Lenoir : L'oeuvre de Spinoza est une construction intellectuelle aussi profonde que révolutionnaire...
C'est un sage qui illumine notre intelligence et apaise notre cœur ; un sage qui cherche à changer nos regards afin de nous rendre libres et heureux, comme il le fût lui-même ; un sage « épicurien » incarné.......
Il prône l'emploi de la raison comme seule vérité ; la même pour tous les hommes et de tous les temps...
La Raison est au centre de toute cette pensée et au centre de tout. La totalité du réel est régie par des lois immuables qui expliquent tous les phénomènes. « L'homme n'est pas un empire dans une empire ». Il est une partie de la nature et obéit aux lois universelles du vivant. Il n'a aucun privilège qui lui confierait un statut à part dans la création. Ses comportements répondent à des lois de causalité qu'il suffit de connaître pour le comprendre, pour comprendre les mécanismes qui nous déterminent...
Il s'agit pour lui de démontrer, de manière quasi objective, l'intelligence et l'harmonie profonde qui unissent tout le réel....
Partant de Dieu, défini comme la Substance unique de ce qui est, il entend montrer que tout à une cause - de l'ordre cosmique aux désordres des passions - et que tout s'explique par les Lois universelles de la Nature.Tout chaos n'est qu'apparent.
Le hasard (comme les miracles) n'existe pas !...
Spinoza ne croit pas en un dieu créateur et personnel c'est-à-dire celui des religions monothéistes...
C'est une philosophie globale qui appréhende dans un même mouvement l'homme et la nature, l'esprit et le corps, la métaphysique et l'éthique...
La proposition faite consiste en une voie de libération fondée sur une observation minutieuse de nous-mêmes, de nos passions, de nos émotions, de nos désirs, de notre constitution physique ; une voie qui seule nous rendra libre...
Avec une conviction que seul le réel est totalement intelligible (il n'a rien d'irrationnel.)
Pour Spinoza, l'ignorance est la cause de tous les maux. A l'inverse, la connaissance ouvre la voie au changement, à l'action appropriée, à la liberté...
Tout d'abord continuons de prendre connaissance de quelques axes et lignes de force de la pensée du philosophe :
« Ne pas se moquer, ne pas se lamenter, ne pas détester, mais comprendre... Plutôt que de réagir face aux événements avec nos émotions, essayons de les comprendre.
La joie est le passage d'une moindre à une plus grande perfection.
Nous sentons et nous expérimentons que nous sommes éternels.
Il n'y a pas de lumière supérieure à la Nature.
Un individu s'accordera d'autant mieux aux autres qu'il est bien accordé avec lui-même.
C'est à l'intérieur de nous qu'il faut chercher ce qu'il convient de faire.
Le bonheur consiste pour l'homme à pouvoir conserver son être propre.(singulier, unique et spécifique).
Dieu doit être reconnu comme le souverain bien et il doit comme tel être aimé en toute liberté d'âme. En cela seule consiste notre suprême félicité et notre liberté totale.
L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie.
Tout, dans la vie est fonction de bonnes ou de mauvaises rencontres...
Nous flottons, inconscients de notre sort et de notre destinée...
La totalité du réel n'est pas seulement appréhendable par la raison logique....
Il n'y a pas de déterminisme absolu...
Celui qui jouit d'un vrai bonheur ne se sent en rien supérieur aux autres.
Les vraies idées finissent toujours par s'imposer.
Les hommes combattent pour leur servitude comme s'il s'agissait de leur salut.»...
Du Désir :
« «Les hommes ignorent le plus souvent les causes de leurs désirs .»
La proposition de Spinoza consiste à acquérir un discernement personnel sur les causes de nos sentiments afin de grandir en puissance dans la liberté et dans la joie.
« Le désir est l'essence de l'homme. »
La raison et la volonté ne suffisent pas à nous faire changer. Le moteur du changement, c'est le désir.
C'est l'effort que nous faisons pour persévérer et grandir dans notre être. C'est le moteur de toute notre existence qui nous pousse à survivre et à accroître notre « puissance d'exister »...
Cet effort quand il se rapporte à l'Esprit seul s'appelle Volonté.
Le désir selon Spinoza ; c'est « l'appétit accompagné de la conscience de lui-même. »
« L'être humain est fondamentalement un être désirant. »
Ne plus rien désirer, c'est éteindre la flamme de vie (c'est anéantir toute puissance vitale) ; c'est se déshumaniser.
La sagesse ne consiste pas à brimer l'élan vital mais à le soutenir et à le guider.
Elle ne consiste pas à diminuer la force du désir mais à l'orienter.
« La raison ne demande rien contre la Nature ; elle demande donc que chacun s'aime soi-même qu'il cherche l'utile qui est sien (ce qui lui est réellement utile) et qu'il désire tout ce qui conduit réellement l'homme à une plus grande perfection. »
Le désir n'exprime pas un manque mais une puissance. Supprimer ou diminuer le désir, c'est diminuer la puissance vitale de l'être humain, l'un des fondements de son humanité.
Tout désir est la poursuite de la joie, l'augmentation de notre puissance vitale...
Orienter ou réorienter son désir deviennent la clef du bonheur et de l'épanouissement.
C'est le désir qui nous fait apprécier qu'une chose est bonne et non l'inverse...
« Nous appelons bon ce que nous désirons.»
Le rôle de la Raison consiste donc à repérer une chose ou une personne susceptible d'éveiller en nous un sentiment positif plus grand que l'effet négatif qui nous plonge dans la tristesse et donc capable d'éveiller un nouveau désir.
Le désir est donc ce qui exprime notre effort pour préserver sans notre être la joie laquelle permet l'augmentation de notre puissance d'agir alors que la tristesse la diminue...
Tous les affects sont des expressions particulières du désir...
De la passion :
La servitude volontaire ; c'est l'enchaînement aux passions.
La passion produit des joies passives et l'action des joies actives...
La passivité est un état où nous sommes mus par des causes extérieures et des idées inadéquates.
L'activité intervient à partir de notre nature propre à partir du moment où nous intervenons à partir de notre nature nature propre et d'idées adéquates.
L'homme libre est entièrement mû par la raison et des idées adéquates et non par les passions.
De l'homme libre, de la liberté :
« Le libre arbitre est une illusion. »
C'est parce que nous avons aucune conscience des causes qui motivent notre action que nous nous pensons libres.
Nos choix et nos désirs sont en fait orientés, déterminés, par toutes sortes de causes.
La liberté existe, mais il s'agit de la redéfinir en profondeur :
plus nous formons des idées adéquates
Plus nous sommes conscients des causes de notre action
plus nous sommes capables d'agir en fonction de notre nature propre et plus nous serons autonomes...
Etre libre ; c'est être pleinement soi-même...
Etre libre, c'est dominer ses sentiments de tristesse, de peur ou de colère... C'est répondre aux déterminations de sa nature.
La liberté s'oppose à la contrainte ; mais non à la nécessité (nécessité des lois de la nature, de notre nature singulière.)
La connaissance véritable procure la libération, mais mène aussi à la Béatitude (le Bonheur suprême)(Le soleil de l'être humain.)...
De l'Intuition :
Par elle nous pouvons saisir la relation entre une chose finie et une chose infinie, l'adéquation entre notre monde intérieur ordonné par la raison, et la totalité de l'être, entre notre cosmos intime et le cosmos entier, entre nous et Dieu.
Une saisie intuitive nous procure la plus grande félicité, la joie la plus parfaite car elle nous fait entrer en résonance avec l'univers entier. (Une seconde naissance : une sagesse native.)
Dieu :
Le Dieu de Spinoza n'a pas créé le monde ou la nature qui existent de toute éternité. Il ne lui est pas extérieur ; il est donc totalement immanent. Il n'a pas des qualités ou des fonctions qui ressemblent à celles des humains et n'intervient pas dans leurs affaires.
C'est un Dieu cosmique soit la Substance de tout ce qui est...
Spinoza ne se considère pas comme un athée (entendu comme celui qui n'a aucune pensée de Dieu.) ni principes de vie qui en découlent. Il ne croît pas un « Dieu révélé de la Bible », mais il « pense Dieu »...
L'amour que nous avons pour Dieu, l'amour que Dieu a pour les hommes, l'amour que Dieu a pour lui-même... Il n'y a en cela aucune différence. Nous sentons lors que nous sommes éternels, mais non immortels...
Spinoza pense Dieu comme un être infini, principe de raison et modèle de vie bonne ; une pensée qui l'a mis en joie et qui gouverne toute sa vie...
Robert Misrahi, spécialiste de Spinoza, dira de lui que c'est un philosophe qui pratiquait une éthique métaphysique prudente ; un athéisme « poli », une doctrine de sagesse à tendance panthéiste...
« Toutes choses sont en Dieu et dépendent de lui. »...
L'Esprit de Dieu descend dans les profondeurs de la psyché humaine pour revenir à Dieu à travers la libération de la servitude et l'accès à la Béatitude (à force de raison, de désir, de volonté et de joie) par « l'amour intellectuel de Dieu qui est « éternel »...
Le Christ serait comme l'Esprit de Dieu en l'homme, il ne vient pas fonder une nouvelle religion, mais proposer une « Sagesse » et un « Amour », des vérités cosmique et éternel....(des principes éthiques universels.) Il incarne la sagesse divine...
C'est une définition proche du Brahmane hindou ou du Tao chinois soit un divin impersonnel et cosmique qui est la Réalité ultime...
C'est une vision non dualiste et immanente de Dieu proche des grandes sagesses de l'Inde et de la Chine...
« Par Dieu j'entends un être absolument infini. C'est-à-dire une substance consistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie. »
Il existe nécessairement, il est unique. Il agit par la seule nécessité de sa Nature, il est la cause libre de toute chose. Toutes choses sont en Dieu et dépendent de lui de telle sorte que, sans lui, elles ne peuvent ni être ni être conçues et enfin que toutes choses ont été prédestinées par Dieu non certes par la liberté de la volonté autrement dit par son bon plaisir absolu, mais par la Nature absolue de Dieu, autrement dit par sa puissance infinie. »
Dieu et/est Nature :
Il y a la Nature naturante (L'Essence divine éternelle et infinie, activité autonome et productrice)
La Nature naturée (soit tout le réel déterminé pour cette activité), des qualités simples, divines, qui constituent l'Essence de la Substance et nous permettant de la connaître soit la Pensée (ou esprit) et l'Etendue ou matière.)...
Ou encore comme la Matière (attribut de l'Etendue) et l'Esprit (attribut de la Pensée.)...
Dieu est le monde (vision moniste du monde)
(la Nature, le Cosmos) et cela ne fait qu'Un...
Dieu est la cause libre et productrice soit la Nature naturante, mais aussi comme « contenant de tout le réel) la nature naturée
« La connaissance naturelle n'a besoin d'aucun signe (d'aucune prophétie, mais enveloppe de sa nature la certitude...
« Par gouvernement de Dieu j'entends l'ordre fixe, immuable de la Nature autrement dit l'enchaînement des choses naturelles. »...
« Les lois universelles de la Nature suivant lesquelles tout se produit et tout est déterminé, ne sont pas autre chose que des décrets éternels de Dieu ; une loi divine « inscrite en notre coeur » qui propose une conduite juste et bonne.»...
La véritable loi divine pour Spinoza est la poursuite du souverain bien, la Béatitude qui nous vient de la connaissance et de l'amour de Dieu...
« L'entendement est la meilleure partie de notre être, notre souverain bien et notre plus grande félicité. Cela se tient dans le perfectionnement de notre esprit, dans la perfection réalisée...
« C'est en la connaissance et en l'amour de Dieu que consistent, résident, notre souverain Bien et notre Béatitude. »...
La loi divine inscrite en notre esprit et dans notre cœur consiste à aimer Dieu non par crainte d'une châtiment, mais parce que cette connaissance et cet amour constituent la « fin ultime et le but de toute action humaine. »
C'est à travers la connaissance de la Nature et de ses lois que le philosophe accède à cette connaissance et à cet amour de Dieu...
C'est une loi divine innée à l'âme et comme inscrite en elle qui conduit à la libération...
De la réincarnation :
Il n'y a pas pour Spinoza de « réincarnation »...
« L'idée de l'incarnation dans un corps humain est absurde. »...
L'Esprit humain :
L'Esprit humain ne peut être détruit avec le corps, mais il en subsiste quelque chose qui est éternel.
La part de l'Esprit qui subsiste à la mort du corps ; c'est la part active (celle de l'entendement qui a formé des idées adéquates.)
(C'est la vraie satisfaction de l'âme.)
Notre Esprit continuera de vivre en Dieu qui n'a ni commencement ni fin comme une partie de lui-même...
(Ceci proche des conceptions de la philosophie indienne.)
(L'atman, la part divine en nous, rejoint le Brahman ; le divin cosmique universel.)
La sagesse, ce n'est pas éviter toute rencontre, c'est apprendre à sélectionner pour favoriser les bonnes et éviter les mauvaises.
C'est discerner et désirer ce qui est bon pour nous, ce qui nous apporte les plus belles joies. (Ne pas s'attacher à des personnes qui nous dominent au lieu de nous élever.)
Nous subissons notre affectivité, alors même qu'il faudrait l'instaurer.
L'amour est une joie qu'accompagne l'idée d'une cause extérieure.
Nous voyons le meilleur et nous faisons le pire. (Spinoza, mais aussi Ovide)
Raison et sentiments :
La raison a besoin de sentiments pour nous conduire à la sagesse.
Raison et volonté ne mobilisent que notre esprit, pas la totalité de notre être.
Pensées et sentiments sont intimement liés. Il s'agit de mettre en cohérence ses pensées et ses actes.
La pensée des grands philosophes est marquée du sceau de leur sensibilité corporelle...
On ne supprime pas une haine ou un chagrin ou une peur simplement en se raisonnant, mais en faisant surgir un amour, une joie, un espoir...
Ce qu'ils en disent :
« Il y a plusieurs demeures dans la maison du philosophe et celle de Spinoza reste à mes yeux la plus belle, la plus haute, la plus vaste. Tant pis si nous ne sommes pas capables de l'habiter absolument. »
André Comte-Sponville
« Chez Spinoza, il y a un Dieu identifié à la Nature. »
« L'itinéraire de la sagesse ne sera donc pas une ascension vers le ciel ou l'au-delà indicible, mais un approfondissement de l'existence elle-même dans notre monde unique ; la Nature. »
Robert Mishari (Spinoza)
« Spinoza identifie dieu à la Nature, soit le cosmos tout entier dans toutes ses dimensions visibles et invisibles, matérielles et spirituelles...
Il n'y a pas de Dieu anthropomorphique créateur du monde.
La Nature est entièrement réglée par des lois immuables (les « décrets de dieu » pour Spinoza)...
Il existe un déterminisme cosmique. Toutes choses sont déterminées par la nécessité de la nature divine d'exister et à produire un effet d'une certaine façon. …///...
Il y a le déploiement d'une causalité première à travers l'ensemble du cosmos. »
Spinoza prône la liberté de croyance et d'expression, un pacte social démocratique, l'égalité de tous les citoyens devant la loi et leur « éducation », l'apprentissage du vivre ensemble, le développement de la raison, le discernement de ce qui est bon ou non (le proprement utile), la séparation des pouvoirs.
Il s'agit de faire des citoyens « utiles » aux autres en étant des citoyens libres et responsables.
Son ouvrage majeur ( l'Ethique) se veut être un guide de transformation de soi afin de nous conduire vers la sagesse et le bonheur ultime et ce sont être inféodés aux passions tristes, aux affects et émotions.
Il est le père de notre modernité politique. Il dit : « Les pratiques ferventes et religieuses devront se mettre en accord avec l'intérêt public. »
mais aussi ; « Le manque de rationalité des individus qui étaient encore esclaves de leurs passions suivront la loi plus par peur de la punition que par adhésion profonde. »
Peurs et colères sont les ferments de la dictature...
F Lenoir
Parmi les commentaires accompagnant la lecture et l'analyse de
F Lenoir :
« La joie la plus pure vient quand nous avons appris à accorder notre nature avec la Nature, à nous mettre au diapason - grâce à la raison – de la symphonie cosmique. »
(Einstein croyait au Dieu cosmique de Spinoza, lequel se révèle dans l'harmonie de tout ce qui existe et non dans le Dieu de la Bible qui se préoccuperait du destin et des actes des humains.)...
La sagesse pour Spinoza n'est pas un devoir ; c'est une proposition offerte à ceux qui souhaitent augmenter la puissance de leur vitalité corporelle et spirituelle et vivre de plus en plus dans la joie.
Spinoza ne dit jamais ; c'est bien ou c'est mal, mais plutôt c'est vrai ou c'est faux, cela te fait grandir ou cela te diminue ?...
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Du corps :
« ...L'esprit ne peut penser ou imaginer sans le corps et le corps ne peut se mouvoir ou agir sans l'esprit...
Toute connaissance de soi et de son esprit est une connaissance à travers le corps. Nous pensons à partir de notre corps.
Un corps, pour Spinoza, qui n'est pas uniquement le corps physique mais aussi la corporéité dans toutes ses dimensions : physiques, sensorielles, émotionnelles, affectives...
Il faut contenter le corps ; l'entretenir et augmenter sa puissance vitale à travers toutes les dimensions...
« User des choses et y prendre plaisir autant qu'il se peut, est d'un homme sage. »
L'esprit et le corps sont une seule et même chose, conçue tantôt sous l'attribut de la Pensée (Esprit), tantôt sous l'attribut de l'Etendue (Matière)...
Il est donc absurde de brimer ou de dévaloriser le corps. Le corps à la même dignité que l'esprit.. Il est essentiel à la croissance de l'esprit comme l'esprit est essentiel à la préservation et à la croissance du corps...
On ne peut ni les opposer ni les séparer.
Ils ne sont que deux faces d'une même réalité.
L'esprit est l'expression intellectuelle du corps lequel est l'expression étendue de l'esprit...
Pour Spinoza corps et esprit ne sont pas deux substances différentes s'exprimant selon deux modèles différents...
Critique de la religion révélée ou du « livre » :
« La superstition (qui prend souvent le visage de la religion) est le meilleur moyen de gouverner les masses. »
Spinoza considère que les clercs, les théologiens et les autorités religieuses qui utilisent et interprètent les Ecritures le font afin de consolider leurs pouvoirs et étendre leur domination sur les hommes...
Des hommes qui se vantent de professer la religion chrétienne, c'est-à-dire l'amour, la joie, la paix, la loyauté en toutes circonstances, se combattent avec la plus incroyable malveillance et se témoignent quotidiennement la haine la plus vive.
La religion est un état infantile de l'humanité...
« Ce sont là des vestiges d'un asservissement antique de l'esprit. »
Spinoza propose le dépassement de toutes les religions par une sagesse philosophique qui conduit à un « amour intellectuel» de Dieu, source de véritable Béatitude.
Sa religion est une spiritualité toute personnelle qui se construit par les seules forces de la raison...
Il n'a aucune inclinaison pour tout autre religion...
Il fût, au périple de sa vie, un homme libre de toute croyance et de toute appartenance religieuse...
(Frédéric Lenoir précise que la religion permet de créer des « communions humaines » selon le terme utilisé par Régis Debray.)(Un sentiment aussi d'appartenance à partir de liens affectifs. Des individus reliés par une ferveur traditionnel.)...
Cependant : « Celui qui porte des fruits tels que l'amour, la joie, la paix, l'égalité d'âme, la bonté, la bonne foi, la douceur, l'innocence, la maîtrise de soi (…///...) qu'il ait été instruit par la seule Raison ou par la seule Ecriture, est bien réellement instruit par Dieu et possède la Béatitude. »...
Mais : la parole de Dieu (écrite par les clercs ou théologiens) est fausse, mutilée, déformée...
« La parole éternelle de Dieu, son pacte et la vrai religion sont divinement écrits dans le cœur de l'homme.»
Tandis que la Raison naturelle et donc la philosophie nous permettent d'y souscrire par notre libre consentement et notre plein entendement, la foi nous invite à les respecter par obéissance...
La pratique de la justice et de la charité fonde une vie sociale harmonieuse...
A noter que : « L'ancien et le nouveau testament, comment ne pas voir que l'un et l'autre se sont fixés pour objectif d'obtenir une soumission volontaire ?»...
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La rencontre amoureuse :
« L'amour est une joie qui accompagne l'idée d'une cause extérieure. »
« Toute notre félicité et notre misère dépendent de la seule qualité de l'objet auquel nous sommes attachés par amour. »
Nous sommes attirés par une personne pour des raisons inconscientes (parfois le rappel d'un modèle parental)...
Dans le cadre d'une rencontre amoureuse, la cause extérieure ; c'est la personne aimée. La joie ne vient pas directement de cette personne, mais de l'idée qu'on en a. Cette idée peut être faussée, partielle, imaginative donc inadéquate ou au contraire vraie et sincère et complète fondée sur la raison et donc adéquate...
Sortie de l'illusion et connaissant l'autre véritablement, la joie deviendra lors tristesse voire haine.
La plupart des relations amoureuses commencent par se nouer sur des illusions, sur une connaissance davantage fondée sur l'imagination que sur la raison.
Tant que durent la passion et a force du désir lié à l'illusion, la joie est là mais, dès que nous connaissons mieux l'autre, l'imagination cède progressivement la place à la réalité. Plus nous percevons l'autre de façon adéquate, plus la joie passive peut se transformer en joie active et la passion en amour profond et durable.
Cela implique aussi :
de comprendre les sentiments qui nous gouvernent...
d'apprendre à discerner ce qui est bon ou mauvais pour nous...
Une rencontre heureuse harmonieuse qui convient à notre nature augmente notre puissance d'être et d'action et procure des sentiments positifs (joie, confiance, amour...) et une rencontre malheureuse, inappropriée, dévalorisante, nuisible, diminue notre puissance d'être et d'agir et nous plonge dans des affects négatifs (tristesse, peur, culpabilité, haine...)
Tout notre bonheur et tout notre malheur proviennent des choses, des êtres et des idées qui vont nous affecter, pour le meilleur ou pour le pire.
Chaque fois qu'une rencontre avec une idée ou un corps extérieur s'accorde avec notre nature, elle augmente notre « puissance » (de joie); chaque fois, au contraire, qu'elle n'est pas en harmonie, elle diminue cette « puissance » vitale (ce qui entraîne la tristesse...)...
L'opinion que l'on se fait d'une chose est liée à la représentation imaginative que l'on s'en fait...
Le Bonheur :
La recherche du bien véritable est l'essence même de la quête de sagesse. Le bonheur profond et durable que l'on peut obtenir en devenant en quelques sortes indifférents aux événements extérieurs, qu'ils soient agréables ou désagréables, mais en transformant son esprit pour qu'il trouve à l'intérieur de lui-même un bonheur permanent.
Et le bonheur suprême prend le visage de la joie...
L'éthique de Spinoza :
Cette éthique est fondée sur une métaphysique, une conception de Dieu et du monde...
L'objectif consiste à organiser sa vie grâce à la raison pour diminuer la tristesse et augmenter la joie jusqu'à la béatitude...
Rechercher l'augmentation de notre puissance vitale, de notre puissance d'agir et donc de la joie qui en découle est naturel et universel... La progression sa fait par la raison qui donne une connaissance « adéquate » des choses...
Il s'agit de prendre sa vie en main, de devenir plus lucide sur nous-mêmes et sur les autres.
D'acquérir une meilleure connaissance des lois universelles de la vie et de notre nature singulière...
Acquérir ainsi par le fruit de l'expérience et de la raison cette connaissance nous permet de savoir ce qui est bon ou mauvais pour nous, ce qui s'accorde ou ne s'accorde pas à notre nature, ce qui augmente ou diminué notre puissance de vie et notre joie...
En m'adonnant entièrement à ma réflexion, je laissais des maux certains pour un bien certain.
(Il n'avait pas d'autre choix nous dit F Lenoir pour « sauver sa peau ».) Spinoza dit lui-même : « Je me voyais dans un péril extrême. »
« Voilà donc la fin vers laquelle je tends :
acquérir cette nature supérieure et tenter que d'autres l'acquièrent avec moi, car cela fait partie de mon bonheur de donner des soins à ce que beaucoup d'autres comprennent comme moi, de sorte que leur entendement et leurs désirs s'accordent avec mon entendement et mes désirs. »
Etre et Nature :
L'être humain est partie intégrante de la Nature « ce qui signifie que les lois et les règles de la Nature suivant lesquelles toutes choses est produite, passe d'une forme à une autre, sont partout et toujours les mêmes et par conséquent il ne peut exister qu'un seul et même moyen de comprendre la nature des choses, qu'elles qu'elle soient, par les lois et les règles universelles de la Nature...
Comprendre ce qui meut les actions des hommes (les causes profondes), prendre l'être humain tel qu'il est, dans sa nature à la fois singulière et plurielle, ne juger de ses actions qu'en fonction des raisons et causes profondes qui les ont motivées est bien souvent impossible....
L'homme reste une énigme pour lui-même...
« Tout ce qui se fait se fait selon un ordre éternel et des lois déterminées de la Nature. »
« Le souverain bien : c'est la Connaissance de l'union de l'esprit avec la Nature totale. »
De L'éthologie :
L'éthologie considère avant tout comment chaque être (animal ou humain) à un pouvoir d'affecter ou d'être affecté et les sentiments, émotions (affects donc) qui en résultent... C'est une science récente qui étudie le comportement des êtres vivants.
Les mécanismes d'identification et des similitudes sont essentiels dans la compréhension des affects nous dit Spinoza.
De la dualité :
La dualité existe, mais entre la joie et la tristesse et non ailleurs.
Descartes la cantonnait au rapport entre le corps (essence matérielle) et l'âme (essence divine)...
Spinoza fera plutôt révérence à l'Esprit (Mens) qu'à l'Âme (Anima)...
« Corps et esprit ne sont pas deux réalités séparées. »
Spinoza est ainsi proche de l'Advaïta-Vedanta (la voie de la non dualité des hindous) fondée sur certaines Upanishads anciennes (VIIIè siècle avant notre ère) : le divin ipersonnel (le Brahman) et l'âme individuelle (l'Âthman) ne font qu'un sur le chemin de la sagesse. Chaque individu est une partie du monde cosmique...
Il y a unité entre Dieu et le monde...
Faire cesser la dualité ; c'est la réalisation de l'être...
La loi de la Vie :
Chaque chose selon sa puissance d'être s'efforce de persévérer dans son être ; cet effort est la loi universelle de la vie.
Esclaves, Tyrans et prêtres partagent un ressentiment contre la vie...
Il y a dans la vie une fulgurance du vrai, du beau et du juste...
« L'organisme vivant est construit de telle sorte qu'il préserve la cohérence de ses structures et de ses fonctions contre les nombreux aléas menaçant de la vie. »
Antonio Damasio auteur de Spinoza avait raison. Joie et tristesse. le Cerveau des émotions. Odile Jacob éditeur.
Religion première :
(Rappel de Frédéric Lenoir)
« Les humains sont à la recherche constante du pourquoi des êtres et des choses, à la recherche d'un sens à donner au monde, aux phénomènes naturels et à leur existence. L'explication par une cause finale apaise l'humain. Exemple : les choses existent d'une certaine manière pour arriver à tel but...
La religion première et universelle de l'humanité est une sorte d'animisme. L'Homo Sapiens considérait que la Nature entière était habitée par des forces et des esprits. Le chaman était chargé de la relation avec ceux-ci et celles-ci en vue de conciliation (à l'aide d'un état de conscience modifié.)
A la sédentarisation, les dieux de la citée prennent le pas ; le sacrifice s'installe pour la protection et la fécondité (principe du Don et du contre-Don)...
Il y a eu les croyances polythéistes (de nombreux dieux qui se valent avec des fonctions diverses.)
Puis, des croyances hénothéistes (un dieu supérieur aux autres)...
Puis des croyances monothéistes (un seul et unique dieu lequel veille sur l'homme et répond à ses besoins pour peu qu'on lui rendent un culte et qu'on observe ses commandements.....
C'est un principe finaliste : tout est fait dans la nature pour le bien de l'homme et aussi utilitariste d'où le don et le contre-don attendu... Ceci fonctionne sur des affects de craintes et d'espoirs. »
La Liberté dont celle de penser :
La liberté de penser est tout aussi utile à la vraie foi qu'au maintien de la paix publique.Elle se doit d'être protégée...
Pas de liberté en l'homme qui est en réalité soumis au pouvoir de son imagination, de ses désir, de ses pulsions et émotions.
Il s'agit d'aller de la servitude vers la liberté, de la tristesse vers la joie... Il ne s'agit pas de combattre ces tendances, mais de les réorienter à partir d'un désir allié à une raison...
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Le Vocabulaire employé chez Spinoza et les Thématiques centrales :
(En condensé, synthèse et résumé non exhaustifs) :
Une éthique et philosophie de la Vie (illuminer l'intelligence et apaiser le cœur)...(Incluant les notions de justice et de charité, bonté.)...La recherche du « Bien véritable » est l'essence même » de la quête...
Apprendre, enseigner cela ; c'est donner soin aux autres...
L'entendement est la meilleure partie de notre être...
Raison et volonté ( sont les moteurs du changement)...
Causes profondes (toujours à rechercher)...
Sagesse (à acquérir sans cesse laquelle demande discernement, connaissance et maîtrise.)...
Joie, un but suprême avec la félicité et la béatitude...
Le bonheur c'est conserver son être propre (spécifique)...
La tristesse, les mécanismes qui y conduisent sont inverses à ceux qui mènent à la joie...
Le désir : à maîtriser et orienter. Supprimer le désir ; c'est se déshumaniser car le désir adjoint à la volonté est une puissance vitale indispensable...
Choix et désirs sont orientés, déterminés. Le libre arbitre est une illusion...
Adéquation ou inadéquation sont affaire aussi de discernement préalable...
La Nature naturante (l'Essence divine éternelle autonome et productrice) et la Nature naturée (tout le réel déterminé par cette production et activité.)
Il s'agit d'accorder notre nature singulière et individuelle avec la Nature et ses lois...
L'être humain est partie intégrante de la Nature.
Connaître et respecter les Lois et règles universelles de celles-ci
Comprendre et non juger... connaître les causes, circonstances, état de faits et de situation l'intention ou l'absence d'intention etc
Economiser le recours aux affects qui « affectent » la compréhension !...
Puissance d'être, d'agir, vitale. Agir selon notre nature spécifique.
Augmenter sa puissance vitale corporelle et spirituelle...
Joie passive ou active ; la passivité, c'est quand nous sommes mus par des causes extérieures et des idées inadéquates. L'inverse c'est l'activité...
La passion ; elle implique une maîtrise...
Affect, sentiments et émotions. Il est souhaitable de contenter le corps lequel ne saurait être brimé ou dévalorisé car il a la même dignité que l'Esprit. Il est essentiel à la croissance de l'Esprit et l'esprit est essentiel à la préservation de la croissance du corps...
Corps et esprit ne sont pas deux réalités séparées...
Liberté et Libre pensée... Une liberté de croyance et d'expression....
La connaissance véritable apporte la libération...(l'autonomie) et la Béatitude. La liberté compose avec la nécessité, mais non avec la contrainte...
Pas de déterminisme absolu, mais il existe un déterminisme cosmique. Il y a le déploiement d'une causalité première à travers l'ensemble du cosmos.
Dieu : Dieu cosmique. Il n'a pas créé le monde. Un Dieu « Substance » de tout ce qui est... Un être infini, principe de raison et modèle de vie... Dieu ; l'ordre fixe, immuable de la Nature (l'enchaînement des causes naturelles.) Une loi divine qui propose une conduite juste et bonne... La connaissance et l'amour de Dieu constituent la fin ultime et le but de toute action humaine...
Il y a unité entre Dieu et le monde...
Approche de la perfection en l'être...
Faire cesser la dualité ; c'est là la réalisation de l'être...
Préconisations :
Privilégier « la démarche intérieure »
Rechercher le « divin bien », la félicité... « l'empuissancement » individuel » (la puissance d'exister et de s'épanouir dans la conscience de soi-même.)...Ce qui est vraiment utile à soi et aux autres.)...
Distinguer la bonne ou la mauvaise rencontre...Ce qui est bon ou mauvais pour nous...
Faire acte de discernement...
Mettre en cohérence pensées et actes... (Pensées et sentiments sont intimement liés.)...
Faite choix entre servitude et salut...
L'intuition nous permet d'entrer en résonance avec l'Univers entier...
Vision non dualiste (idem tao chinois ou pensée hindoue)...
La réincarnation est une absurdité...
L'Esprit humain. Il continuera de vivre en Dieu après notre mort...
Un pacte social démocratique, égalitaire. L'éducation citoyenne...
le libre entendement et le libre consentement...
La superstition est un asservissement mental antique de l'Esprit...(comme la religion...) La religion doit être une spiritualité toute personnelle qui se construit par les seules forces de la raison...
Manque à l'étude de Spinoza
Le rapport au féminin et aux animaux...
Pour le féminin celui-ci est vu sous l'angle de la misogynie occidentale des sociétés patriarcales qui ne voit en la femme qu'un « être naturellement faible » !...
Ajout du 23 12 :
Pour Frederic Lenoir (France Culture le 22 12 2017)
Spinoza (décédé à 44 ans) propose une philosophie du désir et de la joie.
Une métaphysique bienveillante et bienfaisante...
C'est le « Mozart » de la pensée...
Il nous aide à mieux voir, à voir « autrement »...
Il ne considère pas Spinoza comme un athée car Spinoza « pense » Dieu et donc ne l'ignore pas, mais comme un panthéiste...
« Dieu ; c'est la Nature au sens profond du terme. »
Corps et âme sont tous deux unis...
Corps et esprit collaborent pour acheminer l'être de la tristesse (passion triste et passive) à la joie (passion joyeuse) qui augmente notre « puissance vitale »......
Il n'y a pas de dualité entre le corps et l'esprit mais entre la tristesse et la joie...
Il s'agit de ne pas, de ne plus, être déterminé par des causes extérieures...
La loi fondamentale du vivant ; c'est l'effort de notre être pour agir et progresser vers la joie...
Dans la relation aimante ce qui est important c'est de comprendre que c'est la « réalité » de l'autre qui me met en joie...
La « réalité » telle qu'elle est non telle qu'on l'imagine, telle que l'on aimerait qu'elle soit...
Spinoza est un être révolutionnaire qui ensemence des idées liées à la démocratie impliquant la liberté de conscience et de croyance, la responsabilisation de l'être, l'importance de l'éducation citoyenne pour tous et pour toutes...
Il récuse toutes les « passions tristes »...
Il dénonce la religion de la crainte et de la peur utilisée pour asseoir et conforter des « pouvoirs » institutionnels...