DRUIDISME ET CHAMANISME APPROCHES BRANDU 07/JUILLET 2012
DRUIDISME et CHAMANISME Approches Bran du 05 07 2012
Sources : Le chamanisme (collection Gallimard - découverte) Charles Stepanoff et Thierry Zarcone extraits
« Mère chenue souveraine daigne venir ! » Chant chamade Mongols
« Serpent, ma vieille Mère, de la lumière de l’écorce de bouleau en feu, tu me montres le lieu que j’atteindrai… » Song of The Ewenki (Toungouse)
« Il repose à l’orée du gouffre d’or ! Mon Grand-père maternel à barbe blanche avec pour fouet un serpent multicolore… avec pour monture un véritable cerf… Bienfaisants… » Chant chamanique
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Un chaman se voit confier la gestion d’une communauté d’individus et au sein de celle-ci les relations instaurées par elle entre le monde humain et le monde « invisible »…. Il est à la fois devin et thérapeute… Après une traversée de l’Histoire souvent douloureuse les chamans d’aujourd’hui s’adaptent à la modernité de leur société humaine…. On assiste de ce fait à la naissance d’un néo-chamanisme en Occident…
Mircéa Eliade en son temps proposait du chamanisme une interprétation « mystique » laquelle faisait référence en la croyance en un « Etre suprême » habitant des régions célestes impliquant un dialogue concret entre la terre et le ciel…
Michel Harner, contemporain, enseigne un néo-chamanisme qui connaît une diffusion mondiale et qui est très marqué par ses « racines occidentales ». Ce chamanisme occidental se présente comme une « révélation spirituelle » avec des exercices axés sur la découverte de soi ( une aventure intérieure avec des « états modifiés de conscience »…
D’autres groupes modernes apparaissent appelés « cercles de tambour ». La relation avec le dit tambour sert un projet de « développement personnel »…
On considère dans le néochamanisme que tous et chacun peuvent devenir chamanes alors qu’à l’origine cela concernait des « êtres dits d’exception »….
L’idée « d’initiation au chamanisme » connaît un succès certain sur Internet et dans les Médias…
Que restera-t-il des formes dites archaïques du chamanisme, de ses pratiques ancestrales, quand le chamanisme évolue dans le contexte de la modernité et des influences fortes qu’elle exerce sur celui-ci… L’adaptation presque partout est de règle et l’Occident appelle à ces transformations et adaptations avec un engouement inopiné…
Le paradoxe…
Alors que les chamans sibériens conseillent, d’un côté, d’honorer les ancêtres et leur héritage religieux, ils répondent, de l’autre côté, à la demande des occidentaux en quête personnelle et en rupture par rapport à leurs traditions…
Roberte Hamayon, grande spécialiste s’il en est du chamanisme, dans son considérable et fortement documenté ouvrage ( la Chasse à l‘âme… les Passeurs d‘âme…), replace au centre et au cœur du chamanisme les liens ancestraux et majeurs avec les sociétés pastorales où il s’exerçait… La transe et l’extase sont des techniques nettement supplantées par le chant et la danse qui sont les éléments essentiels de la pratique chamanique et de l’efficacité attendue… Cette efficacité de leur fonction par ces pratiques s’exerce dans le cadre public d’un rituel…
Quelques autres informations et précisions :
Le corps du chaman est au centre du rituel… D’où une ouverture corporelle de celui-ci à toutes les forces et substances qui circulent lors d’un rituel…
Au Turkistan, les personnes appelées à devenir chamane accomplissent en simple pèlerin le rituel de circumambulation autour d’un gigantesque chaudron en attendant la manifestation des esprits qui les ont choisies…
Chaque famille traditionnelle avait son « arbre-chamane »…
En Asie Centrale il est une figure mystique particulièrement vénérée qui est celle de Korkout Ata ou Burkut laquelle figure incarne l’homme primordial… Celui-ci se faisait obéir des éléments et en particulier de la pluie… Il conseillait les princes musulmans et accomplissait des voyages célestes pour délivrer les âmes… Il donnait au retour de ses « voyages » des nouvelles du « monde caché »… C’était un musicien accompli jouant de la viole à deux cordes (remise par les esprits) et du luth… En d’autres territoires de l’Asie centrale il est considéré comme un mystique errant et anticonformiste… (Il soigne durant trois jours et trois nuits à partir de son instrument de musique et d’invocations lues.) C’est un « maître des Djinns »… Il est le patron des musiciens et des bardes…
En Mongolie, on faisait passer entre deux feux les objets à purifier…
A partir d’une riche panoplie d’objets et de mouvements, le vrai chamane possédant la « racine chamanique » fait percevoir visuellement pour tous la présence des Esprits…
Saman (étymologiquement) signifie celui qui danse, bondit, s’agite…
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Le chamanisme de nos jours est imaginé par l’Occident comme une « spiritualité » plongeant ses racines dans les origines de l’humanité. Il est porteur d’une sagesse écologique exemplaire… le chamanisme constituerait une théologie primitive délivrant à chaque homme un message sur le monde… cette perception mystique occidentale oublie le rôle central du corps même du chamane et les relations intimes qu’il tisse avec ses instruments rituels…
Les chamanes ne proposent ni ne produisent pas de doctrine destinée à être exportée…
Leurs pratiques, focalisées sur les différences de pouvoir entre les êtres, dessinent une religion de la singularité plutôt que de l’universel…
Selon le modèle dominant on ne devient pas chamane, on naît chamane…(Habituellement par « héritage »)
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Les neuf encoches du chant Bardi Bran du 05 07 2012
Trois petits sauts ; Un pour toi, Grand Père,
Un pour toi, la Vieille du bout du monde,
Un pour toi, mon cheval-tambour à la grande oreille…
Les Filles-Esprits dansent sur la voûte de l’arc-en-ciel ;
Leurs cheveux s’enroulent à ma libre crinière….
Blanche est leur parfaite cheville au bracelet d’or…
J’appelle la brebis égarée dans la prairie du ciel :
- Viens petite, viens… Suit ma piste de sel…
Je suis ton bélier, je charge les démons !….
Je suis racine de la Racine,
J’ai l’arbre planté au cœur…
Le vent se frotte à mon écorce…
Ceux-là sont de mon sang,
Celles-là, de ma lignée….
Ce sont eux qui m’ont offert la canne en bois de sagesse….
Le serpent se love autour de mes tempes
Et se repose sur la pierre blanche de mes pensées…
Mon Chant, jadis, se couvrait de ses écailles….
Je chevauche le cerf majestueux,
Je m’accroche à la force de ses ramures…
Mon Chant est un fouet de douces et vives paroles…
La Vieille guide mes pas, me porte sur ses ailes,
M’entraîne dans les rapides,
Me fait veiller en sa caverne profonde…
Je reviendrai du monde caché,
Du feu dans une main, une gourde d’eau dans l’autre…
Vos yeux n’auront plus soif, sans ombre seront la joie et les rires sur vos visages…
COMMENTAIRES Bran du
Le Dalaï-Lama lors de son voyage en Europe avait mis l’accent sur la nécessité pour les occidentaux de retrouver leurs propres racines ancestrales et originelles, de replonger dans leur mémoire et de réinvestir leur ancienne sagesse….
Un écrivain poète D H Lawrence en avait appelé de même dans son ouvrage les 7 Piliers de la sagesse et Victor Segalen s’apprêtait, avant de décéder tragiquement en sa forêt d’Huelgoad, à écrire les « Immémoriaux bretons » pour restituer au(x) Monde(s) Celte(s) l’héritage premier….
D’autres déclarations en provenance de hauts responsables religieux du bouddhisme ont attiré l’attention de l’Occident sur sa tendance à pervertir les enseignements majeurs en les adaptant à des conceptions opposées à celles des Grands Initiateurs… (Il en est ainsi entre autres enseignements de la réincarnation comprise trop souvent comme but de l’existence !….)
La question est donc d’actualité en ce qui concerne l’engouement du dit Occident pour des sagesses, philosophies, spiritualités importées qui, si elles sont porteuses en leurs lignes de forces d’entendement et de compréhension de nature universelle, ne sont pas nécessairement et automatiquement adaptées à des « formes-pensées » qui n’ont pas de racines dans le terreau occidental et dont les sèves principielles ne sont pas toujours aptes à assurer croissance et épanouissement… (La question se pose donc en terme d’adaptabilité, de correspondance et de résonnance intime et profonde, d‘ajustement, de cohérence, d‘accordage, d‘affinité, de sensibilité, de spécificité et de singularité…)
Il y a en effet aussi en Europe une vague porteuse d’attraction, de séduction, d’aimantation pour ce qui ressort du chamanisme et de la compréhension qui en est (faussement) donnée par les vecteurs médiatiques (le plus souvent)…
On peut, aujourd’hui, ici et maintenant, et selon quelques apprentissages auprès de chamans, devenir soi-même un « passeur d’âmes » !!!!
On peut avec quelques notions de maîtrise du rythme sur un tambour s’appuyer sur cette pratique pour développer sa personnalité, procurer des soins à soi-même, aux autres, à tout le vivant….
Mais n’est-ce pas vider tout cela de son Essence, de sa primordialité de fonction et de mission ?
Projections et interprétations se percutent ici pour revêtir un manteau que l’on veut sur mesure sans pour autant s’être véritablement mis à nu, sans s’être exposé et offert dans toute son humilité aimante !
Nous sommes là en pleine confusion préjudiciable avec des transpositions qui malheureusement perdent contact avec le Principe sacré et divin ou qui n’assurent pas ou plus la transcendance et l’étroite et juste coordination avec la verticalité spirituelle….
Quel rapport avons nous ( hors des religions révélées et de leurs propres turbulences, homicides et obscurités) avec la dimension divine et sacrée de l’existence et de l’au-delà de celle-ci ? Quel rapport avec le culte des ancêtres, avec la notion d’immortalité de l’âme ? Quelle véritable communauté de destin autour du chaman moderne occidental ? Quelles valeurs accorder spirituellement et philosophiquement à des pratiques, à des « revendications de légitimité » qui reposent sur des doctrines occidentalement élaborées ? ( Le chamanisme d’origine n’a pas élaboré de doctrine à « exporter » et ne souhaite pas en élaborer une…)
Que peuvent susciter, en tant que correspondances vibratoires efficientes, des usages et pratiques intellectualisés, mentalisés quand leurs émanations premières et fondamentales se devraient de mettre en avant le corps et une savante, intuitive ou instinctive gestuelle de celui-ci… Le rapport au corps a été en Occident l’objet d’une véritable et durable « castration » par le pouvoir religieux dominant et souffre grandement des dogmes imposées, de leur formatage et de leur conditionnement dans différentes strates de la société…
Le chamanisme des origines est-il véritablement une pratique dirigée et orientée vers une dimension « universelle » ou s’adresse-t-il à des communautés réduites et à des individus relevant d’une appartenance clanique très localisée ?…
Quel « héritage » peut valablement revendiquer un chaman occidental qui ne peut justifier d’une « filiation » dans l’exercice de sa fonction et des racines dans lesquelles celle-ci se plonge et s’abreuve ?…
La tendance à l’origine de cet « engouement » s’appuie en grande partie sur un sentiment « écologique » et sur la recherche d’un bien-être et d’un mieux-être, sur celle d’une correspondance plus appropriée entre soi, l’autre et le monde, sur la nécessité de restaurer, en connaissance de cause et en plein conscience d’effet, un dialogue fécond et gratifiant entre le monde profane et le monde sacré… Ce sont les carences et absences cumulées devenues de plus en plus « évidentes » et « interpellatives » qui sont à l’origine de ces nouveaux élans vers un autre « possible », vers une autre forme de vie…
Aussi légitimes que soient ces « impulsions » vitales, ces « nobles et dignes aspirations, elles ne sont pas sans véhiculer dans leurs attraits et mouvances des zones obscures qui s’apparentent à de la récupération d’angoisse et à l’exploitation de l’ignorance quand ce n’est pas de la naïveté… Le véritable danger provient du fait que l’on pense, par ces pratiques, s’octroyer des « pouvoirs », obtenir une « ascendance » sur les autres et les « diriger », régler ainsi ses problèmes matériels et financiers, affectifs et émotionnels pour ne pas dire parfois « sexuels »…
En absence de connaissance, de sapience véritable et authentique, d’éthique, d’exigence, de discernement et d’honnêteté intellectuelle et morale, de libre arbitre et de libre critique, de telles sagesses s’exposent grandement à toutes les perversités, à tous les détournements, à toutes les « défigurations »…
Les candidats à « l’empaillement » ou les futurs « apprentis sorciers » sont nombreux à postuler pour l’asservissement ou pour l’optention « certifiée »de la charge chamanique !…
Cette attirance pour le chamanisme importé ou implanté suit l’accroissement notable d’occidentaux montrant un intérêt louable pour la philosophie et la spiritualité celtique ; une démarche qui repose aussi sur l’impact positif du sentiment écologique ou de « naturalité », sur le rejet de tout dogme et de tout diktat religieux, sur le besoin de recélébrer, de concélébrer, le vivant sous toutes ses formes et de retrouver ainsi la dimension sacrée inhérente à l’être humain depuis ses origines… Les ambassades de cette « celticité » sont puissantes ; l’art des Celtes étant de plus en plus connu et apprécié à travers de multiples formes d’expression où l’imaginaire, le novateur, le créatif et l’évolutif ont des places de choix…
Il est vrai que druidisme et chamanisme font à la femme, au féminin, une place honorable et souvent égale à celle de l’homme… Celle-ci à accès au sacerdoce et aux pratiques et peut apporter, en sa polarité spécifique, sensible, visionnaire, inspiratrice et initiatrice, de précieux et indispensables « compléments » au sein de la fonction et des missions associées à celle-ci… La femme se trouve reconnue, respectée, considérée, valorisée et gratifiée et peut librement et généreusement épanouir ses dons et talents… Elle n’est plus à l’écart du sacré mais anime celui-ci… (D’où une forte présence féminine dans ces mouvances qui participent aussi de l’idée que la « femme peut être l’avenir de l’homme », et plus spécifiquement pour le monde celtique que la royauté masculine ne s‘exercera que par adoubement d‘une souveraineté féminine…)…
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Il y a eu en Europe et de façon indéniable une présence « chamanique » et diverses formes de pratiques relevant de cette « anima »… Certaines sculptures s’apparentent à des « traits chamaniques » et la pratique de rites magiques est attestée….
Le Monde Celte a hérité de croyances et de pratiques antérieures à la diffusion de ses concepts de pensées, de doctrines et de croyance… Il n’a pas « évacué » ces relations et ces pratiques qui ont pu perdurer ( comme le rapport à la Déesse Mère par exemple ). Celles-ci ont été intégrées dans les nouveaux usages et comportements religieux tout en évoluant au sein des nouvelles conceptions plus théologiques et doctrinales…
Les druides ont été des facteurs et vecteurs conséquents d’évolution orientant la société humaine vers tel idéal, telle espérance, telle légitime aspiration, régulant, maîtrisant, harmonisant tout ce qui pouvait l’être et se devait de l’être….
Les druides sont-ils pour autant d’anciens chamans ? Chamanisme et celtisme sont-ils d’une même « recouvrance » ? Quels fondements, quelle fondation philosophique et spirituelle ancrée dans le sol occidental partagent-ils ?
Bien des questions et observations qui se posent pour le chamanisme interpellent aussi la fonction druidique…
Quelle place aujourd’hui en ce monde pour l’un et l’autre ou pour l’un en l’autre ?…
Les divergences ou singularité s’expriment essentiellement dans les formes de représentations et de fonctions, dans les origines certaines ou supposées, dans l’éthique et la déontologie qui se doivent d’encadrer toute fonction qui se dit « sacerdotale » ou « sacrée », dans l’adaptabilité et la résonnance réelles à la mémoire et au souvenir (inconscient et collectif) (résurgent, restituer et restaurer) des peuples et individus vivant et mourant sur un sol, un territoire où vécurent leurs ancêtres…
Des divergences de formes existent et cohabitent plus ou moins sans aucun doute mais la question se doit d’être essentiellement posée sur le Fond, sur l’Essence et le Principe, sur l’Anima qui guide, conseille, oriente, instruit et induit….
Qu’attend notre civilisation moderne d’un néodruide ou d’un néochaman ? Quelle juste place souhaite occuper l’un et l’autre en ce vingt et unième siècle et pour quelle fonction et mission qui soient un apport véritable et efficace pour aider aux mutations et aux changements indispensables, pour soutenir et inspirer les métamorphoses salutaires ?(Celles qui favorisent et accompagnent le « service de l’Etre et de tout le Vivant » )…
Il ne s’agit pas de « définir » le chaman ou le druide, mais bien de réfléchir tous ensemble, de faire réfléchir l’un et l’autre, sur la nécessité viable et fiable de leur « présence en ce monde »… L’amour à sa place, la poésie la sienne… Ils nous restent à leur associer sagesse et spiritualité, connaissance, conscience , exigence, responsabilité, solidarité et liberté…
Il s’agit une fois de plus de rechercher les points d’équilibre et d’harmonie, de concilier, de réconcilier l’apparence des contraires, de trouver la transcendance féconde et fertile, la symbiose et l’osmose que des dénominateurs « comme Un » seront à même d’activer intelligemment et sensuellement, amoureusement et géopoétiquement, en ce monde… Pour le plus grand « bien » de celui-ci et de tout ce qui le compose…