DU BARDE DOSSIER PARTIE 6 : TALIESIN 2018 BRAN DU 21 01 JANVIER
Du Barde Partie 6
Bran du 21 01 2018
TALIESIN...
« Le Chant de louange – ma langue le récitera »... Taliésin
Le barde irlandais, breton ou gallois est traditionnellement au service d'une cour royale ou princière dont il dépend en grande partie ; il a donc tout intérêt à servir de son mieux le roi ou le prince qui le rétribue de diverses manières selon la qualité de son service et surtout de ses « louanges » et zèle à son égard...
Cela crée une ambiguïté éthique dans la fonction bardique totalement subordonnée dans son service à l'agrément du roi ou du prince qui la sollicite à sa cour pour renforcer son « prestige » en quelque sorte...
Vanter les exploits du dit roi ou prince est l'un des attributs bardiques qui requière non seulement un talent véritable, mais aussi un art « diplomatique » et des « réserves » amenant à pondération d'un côté et exaltation de l'autre !...
Taliésin ne fait pas exception à la règle, lui ; le Prince des bardes, des poètes, se doit de se soumettre aux règles en usage sauf à « transcender » celles-ci par un Verbe plus haut englobant toute pensée et toute forme ici bas !...
Si le barde peut-être par ailleurs un conseiller avisé, la « mémoire vivante des lignées royales et du passé glorieux des ancêtres et héros du pays, s'il peut user de son sens de la diplomatie lors de certaines rencontres d'importance, apaiser les armées affrontées si nécessaire, conter les grands récits (courtises, razzias, navigations...), jouter avec ses semblables pour concourir au bon passage de l'an ou maintenir le bon ordre et le bon agencement lors des périodes « sensibles » de l'année, il se doit surtout semble-t-il de vanter les mérites de son protecteur et « rétributeur » royal ou princier.
Tenu par ce « service de la louange » on pourrait suspecter le barde de se compromettre avec la « Vérité », mais ce serait gravement oublier que la « Vérité » fait le barde et sa fonction elle-même et que le mensonge « défait », usurpe, trahi le porteur de Parole faisant pousser sur son visage les « boutons de honte, d'indignité et de blâme! »...
Détenteur, gardien et responsable au même titre que le Druide, (Druide qu'il est aussi parfois) de l'instauration, du maintien et du renforcement des équilibres et des harmonies, le Barde ne peut se nier lui-même en usurpant son titre et sa charge sans être alors foudroyer par le feu de sa propre parole !...
Taliésin comme Merlin ne manqueront pas de fustiger les « traîtres » et les « usurpateurs » qui ne manquent pas dans l'entourage de la souveraineté !
A l'étude des œuvres prêtées à Taliésin (qui serait d'ailleurs plus un mythe qu'un personnage réel et historiquement attesté) nous allons retrouver les idées précitées :
Nous savons selon les récits (à l'origine relevant de la Tradition orale bardique) portés par écrit par les moines irlandais, lesquels n'ont pas hésité à modifier les versions d'origine en leur attribuant une orientation chrétienne chaque fois que cela leur a été possible)
que le barde ne saurait en aucun cas :
« user ses dons et ses chants en vaine gloire »...
« Un chef mal avisé peut-il mépriser un fils de Don* ? »
(*Don est une entité spirituelle galloise et bretonne qui maîtrise comme Lug (Llew)(Lugos) tous les arts, elle est à la fois la Mère et le Père des poètes ou des bardes.)
Qu'un bon « prince » ou un excellent roi, rend les plaines fertiles, répand l'abondance, distribue et répartie équitablement les « richesses » (les nourritures, les boissons, le bétail, les parures somptueuses, les domaines...).
La bonté, la générosité, l'abondance, la noblesse, la dignité, la vaillance, le courage, la bravoure, l'ardeur, l'équité, le bon jugement, la juste répartition, l'exemplarité, le dispensateur de vin, de bière et d'hydromel, l'organisateur des somptueux banquets et festins, sont les marques d'une régence excellente qui vaudront au roi ou au prince toutes les éloges méritées de son barde attitré...
Un roi ou un prince qui « rassasie et honore les bardes du monde ; ses invités » ne peut que bénéficier des talents d'un barde reconnaissant car il est « une mer de richesses .»
Les éloges composées à ce titre entrerons dans la mémoire des clans et du pays et seront chantées et transmises pour la postérité...
Un roi ou un prince ne peut espérer mieux des résultantes de son règne avisé...
Le barde accentuera sa louange à partir des exploits guerriers fort prisés par tout auditoire...
Ainsi se justifie la longue composition du chant d'Uryen dédié à celui qui a « le coeur ardent au combat ; Uryen au noble front, celui qui se souvient de ses amis jusqu'à la fin du monde, le bouclier du pays breton face aux terribles envahisseurs que sont les Angles et Saxons, le prince aux œuvres profitables, qui procure l'abondance des butins après ses victoires. C'est celui qui porte le feu sur les terres ennemies, qui disperse ou brise l'essaim des lances qui montent vers lui, la lumière aveiglante qui éblouie les agresseurs...
Rois et princes Celtes incarnent et manifestent bien avant le Moyen-Age des valeurs appelées par la suite « chevalereques » de défense et de protection des iniquités, des opprimés et des plus faibles. NDR
Uryen, «... C'est le meilleur des princes que j'ai chanté .»
...Le roi que je célèbre conformément à la coutume des rois bretons ; un roi digne de respect dans son pays. Donner ne lui cause aucune peine. C'est le prince qui ne refuse jamais (ses dons).»(Qu'on ne cherche pas d'égale au prince resplendissant.)
Il s'avère par ailleurs que le barde ne se contente pas de relater les faits, mais y participe avec bravoure et courage en se jetant lui aussi dans le mêlée...
Rois, princes, guerriers et bardes dignes de ce nom méprisent la « couardise »...
Quand le barde nous dit « mon inspiration est une lance de frêne », nous comprendrons qu'il évoqua à la fois sa vaillance au combat mais aussi analogiquement que sa parole est un jet précis ; fort, flexible, performant, qui atteint toujours sa cible en pourfendant ce qui s'oppose à la fois à la vérité, à l'injustice, au mensonge, au parjure, a l'équilibre et à l'harmonie...
Nous apprendrons par ailleurs dans le texte que le barde est non seulement poète, chanteur et musicien, mais également conteur...
Il maîtrise donc l'art de toute parole..
Il est le chantre des vibrations de l'Univers et membre du choeur cosmique !...
Le poète use d'une métrique appelée antistrophe kymrique (Cymeriad Synhwirol). Il y a répétition du même mot ; ou de mots de sonorités ou de sens voisin à la fin d'un vers et au début du vers suivant. Exemple :
« Ils sont habituels auprès de moi,
le tumulte des sabots,
les sabots du tumulte... »...
On pardonnera « l'immodestie » de Taliésin quand il affirme que son talent ne peut pas s'exercer dans la facilité :
« Ma gloire requière des « sujets » difficiles. »
Il ne lésine pas sur son talent :
« ...Habile est le barde dès le commencement de son ode »...
Il sera donc faire état « habilement » des « choses désirables et des chose haïes. » et des distinctions et oppositions qui en résultent après l'emploi d'un juste et pertinent discernement...
Le barde lors aura bien mérité que l'on remplisse sa coupe d'une bière rousse et moussue !
….....
Taliésin peut légitimement affirmer :
« Ils ne sont pas nés du vide ceux qui m'ont visité. ».. car il fait référence au sages antérieurs, aux hommes et druides primordiaux, aux dépositaires des premiers chants, peut-être à Menw le vieux qui vit le premier les « trois traits lumineux et sonores » (le Tribann) quand jaillirent du ciel diurne la Parole et la Vie...
On peut aussi le croire quand il affirme :
« ...Ma robe et ma coupe,
je l'affirme ne sont pas supercherie. »...
Mais écoutons une partie du récit du Kat Godeu ou Combat des Arbrisseaux...
(Traduction de CH J Guyonvarc'h et de Skene « Book of Taliésin ».)
« J'ai été sous d'innombrables formes
avant de revêtir une forme pensante... »
…///...
« J'ai été mot parmi les lettres,
j'ai été livre au commencement...»
…///...
« J'ai été un chemin ...»
…///...
« J'ai été une corde d'une harpe...»
…///...
« J'ai été coracle sur les eaux ...»
…///...
« J'ai été la flamme d'une lanterne ... »
« J'ai été plongé dans le feu... »
…///... »
... « Ni de père, ni de mère,
je n'ai été créé.
Mon créateur m'a fait de neuf éléments.
Du fruit des fruits
du fruit, du dieu originel,
des primevères, des fleurs des collines,
de la fleur des arbres et des arbrisseaux,
de l'argile de la terre,
de l'eau de la neuvième vague... »
Taliésin est un enfant cosmique, un fils de l'Univers, un fils de la Nature dans toutes ses formes et expressions...
Il a fait l'expérience progressive de la Création, il a « fusionné » avec l'esprit des éléments et des règnes, il s'est « imprégné » et s'est « alchimisé » à leur contact...
Il a fait ses preuves et sa preuve en fait un être NEUF et accompli !...
Il a été « arbre », bourgeon et fleur sur l'arbre puis fruit de l'arbre puis semence du fruit de la fleur et du bourgeon de l'arbre...
Il sait que ses propres semences sont celle héritées de la Semence première, de la Graine matricielle, issues toutes deux de l'Arbre du Monde, de l'Arbre de Vie...
Son parcours, ses cheminements, ceux, antérieurs, précurseurs, de ses frères bardes, ses voyages et navigations, sont les pourvoyeurs de son enchantement sans cesse renouvelé, élargi, approfondi...
Le Principe et l'Essence, le Chaudron et la Matrice, la Poésie et la Science, le Maître de toute Force, Energie et Lumière, la Toute Puissance de Cela qui fût, Est et Sera, l'ont fait naître, en plénitude de conscience et d'entendement, à lui-même... Il est passé, étape par étape, pas à pas, du « non-être » à l'Etre réalisé...
Ayant reçu tant de dons et d'offrandes, tout l'offert provenant de « l'Innomé », il ne peut que retransmettre à son tour, enrichi des apports de son Awen ( l'Inspiration spécifique et singulière) et des apports prodigués par la « Flaith » ; la Toute Puissance Créatrice...
Il est en tant que porteur d'eau et de feu (et le célébrant de leurs noces et alliances) celui qui dit le commencement et la fin à tous ceux et à toutes celles qui aspirent à une sincère et authentique « renaissance »....
Puissions-nous entendre, écouter, comprendre, ce Verbe immense et en devenir la conjugaison !