ECOPSYCOLOGIE ET SPIRITUALITE 2018 BERNARD BOISSON S'ACCORDER, NON POINT S'ADAPTER ... 10 08 AOUT
BERNARD BOISSON S'accorder, non point s'adapter :
(Avec son aimable et fraternelle autorisation.)
Texte publié dans le numéro le N° 128 de juin 2018 de la revue 3e Millénaire...
Revue3emillenaire.com
L'être humain devient pleinement Humain n'ont pas quand il s'adapte à un progrès, aux lois du marché ou à d'autres être humains, mais quand il s'accorde à l'Humain profond enfoui en nous tous, quand il s'accorde au Soi universel de l'humanité, quand il s'accorde à la Terre et au Cosmos, à l'Infiniment grand comme à l'Infiniment petit.
L'art qui aspire à témoigner de la sensibilité et de l'intelligence de cette dimension humaine est voué et dévoué à annoncer l'humanité de demain à laquelle nous accorder.
C'est-là une proposition anticrise à laquelle aucune innovation technologique, aucun accroissement aveugle du PNB n'auront d'aptitudes à suppléer.
Cet art appelle à nous émanciper de nos somnambulismes de consommateurs-producteurs pour déployer des arts de vivre au-delà de ce que nous appelons "le progrès".
De tous temps, la compétitivité des marchés, l'innovation technologique nous ont imposé sans cesse de nous adapter.
La vocation fondamentale de l'art ne peut pas, et ne pourra jamais se soumettre aux exigences de l'adaptation sans perdre contact avec l'essence profonde qui l'anime.
L'art est fait pour accorder l'humain à plus vaste que lui.
Le futur n'est pas dans l'extrapolation de notre présent et du passé qu'il perdure. Il est dans notre mue.
Et la mue nous appelle à nous accorder, non point à nous adapter. Aussi quand l'art nait du renouvellement de soi dans l'accord, il devient l'instigateur d'arts de vivre.
Si les machines induisent le chômage de toutes les professions machinales, n'est-ce pas pour ouvrir l'avenir de l'humanité aux arts de vivre, aux facultés de sensibilité et d'intelligence, qu'aucunes machines ne pourront développer en substitut des êtres humains ?
Mais pourquoi les élus et les entrepreneurs font-ils l'impasse sur ceux qui développent cet avenir ?
Une civilisation qui perd son art et ses arts de vivre est comme le bois mort sur lequel viennent les parasites.
A l'inverse, une civilisation qui vit son art en synergie avec les arts de vivre restaure son pouvoir de rêver et de se réaliser. Ainsi a-t-elle davantage pouvoir de résorber sa corruption, son terrorisme et toutes les autres noirceurs du temps.
Winston Churchill l'avait compris quand on lui demanda de couper dans le budget des arts pour l'effort de guerre et qu'il répondit : "Alors pourquoi nous battons-nous ?"
Nous nous adaptons à des intérêts. Nous ne nous adaptons pas à une éthique.
Il n'y a pas d'éthique compétitive. Une compétition d'éthique ne peut qu'ouvrir un jeu fallacieux.
Tout au plus pouvons-nous nous accorder à une éthique comme chaque musicien règle son instrument à la justesse de tous les sons en préalable à tout concert.
S'accorder dans le sens le plus profond de ce qui peut s'entendre revient à nous accorder à l'unisson de l'Infini dans chaque geste de notre vie pouvant concomitamment nous relier aux autres. Là réside le vivant de l'intimité où chacun est appelé à s'inventer et se risquer.
Ainsi en ira-t-il des actes en chacun de nous comme de chaque musicien dont toutes les notes deviennent accordées dans la symphonie.
L'adaptation nous implique dans une certaine forme de relation à l'altérité au risque de nous diviser intérieurement.
S'accorder nous unit dans l'indivisible qui n'appartient à personne et qui nous inclut tous.
L'économie la plus riche est l'économie la plus immature si elle contraint ses sujets à une adaptation à sens unique.
Aussi touche-telle ses limites devant ceux qui s'entreprennent au même jeu qu'elle.
S'instaure dans l'adaptabilité le rapport de forces induisant au mieux un compromis.
A l'inverse de cette inflexion, s'accorder ne pose pas un rapport de forces, mais un rapport de maturations.
Il n'ouvre pas au compromis entre les êtres, mais à la quintessence.
Le rapport de maturation ne se déploie pas selon telle ou telle supériorité, mais selon la profondeur en tous. Ce n'est pas un rapport de puissances, mais un rapport de présences. Ce rapport de présences creuse les âmes dans la synergie du recevoir, du don et de l'advenir.
La paix n'est pas réductible à une période sans conflits exprimés.
Elle est plutôt le temps où les vulnérabilités fleurissent, le temps où le printemps des âmes est l'automne de leurs épines.
Il n'est pas de paix réelle dans le compromis.
Le compromis est seulement un statu quo dans un rapport de forces, un statu quo qui cherche à figer ses frontières dans l'espace et le temps.
En réalité, par le compromis, toute supériorité cherche à entériner les acquis de sa suprématie.
La vraie paix est celle de la quintessence, celle où tous les avoirs se sont dissouts dans le continuum de l'Être dans tous les êtres.
Ce désamorçage de perspectives ouvre l'espace commun à la complétude.
Il est une autre paix dans la quintessence, une paix dans la paix, celle de ne pas être seulement identifié et réduit à la fonction que l'on représente ou que l'on exerce, mais celle d'être accueilli pour ce qui nous relie tous dans l'inconditionné.
La quintessence est la conjonction du temps et de l'éternité dans l'entrelacs de toutes nos maturations accordées.
Ce n'est pas un état permanent, ni un état vers lequel revenir par nostalgie.
Cela ressemble plutôt à une exhalaison de la conscience dans le cycle de maturation de toute vitalité collective ; une vitalité qui, sans cesse, se perd et revient tel le mouvement des marées, tel un cycle respiratoire.
Bernard Boisson
www.natureprimordiale.org