HOMMAGES A JAN MAI (SUITE 2) 2016 BRAN DU 25 11 NOV
Jan Maï
"Ce n'est jamais le même fleuve..." Héraclite
... et c'est pourtant le même, toujours autre, toujours changeant, naissant à chaque instant, eaux de lumière, eaux profondes, roulant leurs courants mêlés au temps, inlassablement, constant, variant sans cesse, se perdant parmi les sables ou inondant les berges, et plus loin encore détruisant, créant, riche de toute la richesse du monde, de toute sa violence, de son calme sans âge.
... assis parmi les herbes, on écoute le fleuve, et on comprend...
Jan Maï 2010
Hommage Textes : Bran du 26 Nov 2016... A Jan Maï...(1944/2011)
Photos faites par Bran du lors de l'exposition qui a suivi son décès en Juin 2011.
Introduction à cet hommage :
Nous savons les uns et les autres et avec René Char que "le hasard nous donne rendez-vous"...
Nous avons, chacun à notre façon, par des voies différentes, en un temps et un espace spécifique, fait la rencontre de Jan Maï, pour certains, non de l'homme, mais au moins de ses oeuvres...
Celui-ci et celles-ci ont fait "résonance" en nous, nous entretenant d'un "monde", d'un Univers de connivence dont le Poème était déjà, en partie, nôtre et dont la prose s'enrichissait des rencontres qu'il suscitait...
Il en est de certains êtres comme d'un palet bien rond qui ricoche à la surface de l'océan de l'espace et du temps, portant toujours plus loin sur l'infini horizon, le geste, le trait, le mot, le son, qui fusa de leurs lèvres ou de leur main alors que, debout sur le rivage, face aux immenses questions, ils lancèrent, sans aucune hésitation, ce message que l'humain adresse au sacré et au divin afin que s'enrichisse, de part et d'autre, l'intime et profonde compréhension ! ...
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Pour Cela, il ramena du ciel sur la terre, dans le profond de la terre et dans l'humus même de l'homme...
Il mit, dans le ciel, des flammes et des étincelles montées du brasier silencieux de sa joie...
Pour Cela, il mit la pierre sur l'encre de la page et fit de ses toiles un immense rivage pour des flots d'amour, chaque jour déposés...
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La montagne ; nous l'avons vue, nous l'avons reconnue, dans sa hauteur, dans sa forme élevée, dans sa plus noble altitude, dans le couronnement nuageux, éthérique, de son sommet...
Mais, lui, nous a donné à comprendre autant qu'à visualiser, de la montagne, la main, les paumes, le souffle, le "respire", l'Esprit, qui l'avaient ainsi modelée !...
Face à cette montagne merveilleusement peinte, ce qui revenait en écho, ce n'était pas notre voix revenant à sa source, non, c'était un regard ; celui d'une éminence qui dans le grand silence se reflétait en nos yeux...
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De grands aplats qui couvrent la plus grande partie de la toile...
Un seul geste, précis, assuré, pour recouvrir et pour répandre la substance qui épouse l'autre substance, mariant le ton élu, choisi, à celui de la robe des noces...
Assurément, les vagues, elles-mêmes, ne peignent pas autrement !...
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L'arpenteur des sables ; creusant, de ses pas le pentu de la dune, laissant empreintes éphémères dans l'humidité de l'estran...
Sans cesse allant dans la frange du rivage, admirant les broderies d'écume et les facéties du vent soulevant les robes d'infortune...
Celui-là restituait sous le pinceau ou la plume la jouissance plénière d'une femme s'épanchant sur une poitrine aimée après avoir été roulée par les vagues de l'Amour...
Celui-là invitait la pensée à marcher pieds-nus au-devant d'un ciel ému par sa propre beauté se reflétant dans les yeux de celle ou de ceux qui, ouverts et offerts, de toute leur étendue,
recevaient, de cet Amour, les mêmes éclats et les mêmes feux...
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L'essentiel ; cette Essence qui fait le ciel tel qu'il est dans ses innombrables mouvances, est déjà là, immensément présent, en ses latences, avant que le Blanc, tout le Blanc, ne le révèle !...
Par chemins secrets, le chemin, en soi, se crée !..
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Qui n'a jamais été placé à hauteur de brins d'herbe ne saura jamais, du vent, le Verbe et ses saisonnières conjugaisons, ne saura, véritablement, de l'Amour, les frémissements sincères et l'émouvant frisson !..
Si l'herbe a elle seule clame la prairie ; c'est le vent qui en est le chant ; lequel en est l'infinité fleurie...
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Ce jour là ; jour de grand vent, il arborait une magnifique écharpe... Celle-là même que son regard avait dérobé à un nuage...
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Ce sont chemins d'argile, de sable, d'herbe ou de pierre ; chemin d'insectes et de poussière, de brume ou de crachin...
Ce sont chemins de crépuscule ou d'aurore qui, dans la pensée comme dans le corps, serpentent entre voûte stellaire et étoile du matin, entre obscurité et lumière...
Ce sont chemins serpentaires, ruissellements de rivières,
que ces ondulations sinuant entre le ciel et la terre...
Ce sont chemins de femmes et d'hommes qui ont veines de sang et de rêves éphémères...
Ce sont chemins, routes, sentiers, sans cesse, vagabondant,
qui mènent au « Vivant » et qui se perdent en l'Univers !...
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La pratique de l'estompe est un art qui dévoile plus qu'il ne voile sans pour autant nuire à cette transparence qui donne au relief une intimidé troublante qui réside dans le « caché » soudain « entraperçu. »... Lors, possible, il devient, d'imaginer le « nu » ; qui, sous les formes, dissimulé, se tient ; l'imaginer seulement... Mais, quelle belle jouissance en effet que celle qui consiste à deviner !...
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Ce tableau ; c'est difficile de le décrire selon l'arsenal d'un vocabulaire critique spécialisé...
Il n'aurait pas d'ailleurs aimé cela...
Le poète, lui, a su voir puis dire que ce qu'il y avait là, épandu en tâches légères : c'étaient des gouttes de pluie ou bien de rosée s'épanchant d'une feuille ou de la branche d'un homme...
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En forme d'épitaphe :
Le carnet là, sur la table, des plus simples, mais des plus précieux...
Le carnet fait main avec son vélin et son carton et le fil cousu qui fait lien et réunion....
Deux ou trois brins de raphia l'entourent et le ceinturent...
Le carnet laissé là, comme un ultime testament, pour des légataires qui voudront bien, le prendre en leurs mains, comme plume de geai ou œuf éclot de pigeon...
Le carnet qui, pourtant, ne comprend que du blanc ; rien d'autre, non, rien, mais, la totalité cependant de tout ce qui a été écrit, de tout ce qui a été dit et de tout ce qui a été peint !...
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Quelques couvertures de livrets uniques...(Créations du peintre écrivain ) :
Bran du "Hommage" Novembre 2016 (suite)
Cela qui nous regarde de ses lunettes cerclées fait cercles de notre vie afin de lui apprendre à danser aux sons d'une flûte traversière....
Pourquoi un "hommage" ?
Parce qu'il y a en cet homme un "mage" qui, à l'enfant nouveau-né que nous sommes, a fait trois présents :
la beauté, la nudité et l'amour....
"Parce que ce n'est jamais le même fleuve" (Héraclite)
que ce temps qui, infiniment, ruisselle dans l'espace,
Il a pris plume, rinceau et pinceau et flûte de roseau
pour en saisir les éphémères et émouvants instants,
pour suivre la vie à la trace, donner visage à cette "face"
et en faire son "Oeuvre"...
Rien de clinquant, rien de ""flamboyant",
Point de fauves couleurs aux feux dévorants...
Mais, la simple lueur qui fait de l'hiver un printemps et de l'obscurité une aurore...
Un être en noir et blanc
mais, portant au coeur,
bouquet de couleurs
offert aux passants...
Parce qu'il n'y avait plus d'arbres et, par conséquence plus de feuilles, il tendit la main et incurva sa paume afin que s'y déposa la perle de rosée qui du ciel chuta en ce matin des hommes.... Puisant dans l'aube son ocre légère, qu'à l'eau il mélangea, sur le gris du jour il traça, du bout du doigt, une forme circulaire...... C'était alliance que cela !
Non pas, au-delà, par-delà ou en deçà ; mais, au-dessus, non plus ; ni même autour ou alentour... Non !...
Entre, toujours "entre", fût son Amour !...
L’embrasure, l'interstice, la faille... Voilà le passage ; l'étroit couloir, l'estran serpentaire, par lequel il nous menait d'une grève à l'autre, d'une cime à l'autre, d'une vallée à l'autre, d'une lumière à l'autre, d'un souffle à l'autre, sans jamais nous lâcher, du coeur, la main...
Ce n'est pas que "peinture" que cela, ce n'est pas seulement formes et couleurs...
C'est un coeur qui bat du même pouls que celui de l'Univers !...
Autres oeuvres exposées :
SEPTEMBER SONG
Chanson de septembre, alors que l'été prend fin, que la lumière change, ouvrant les portes d'or et d'ambre du secret. Marcher dans le désordre harmonieux du sensible. Dans les allées du jardin, jouer avec branches et feuilles comme un enfant dans l'enchantement de l'enfance. Laisser couler à travers soi la changeante et inépuisable rivière. Habiter les lieux pour un fragile instant éphémère et léger, dans la mouvance de l'automne qui s'approche et peut-être ici et là laisser fleurir dans sa simplicité le pur bonheur d'être. La vie toute entière est un art.
Jan Maï