Impression au soleil levant
Impressions au soleil levant
Hiver 2011
Bran du
…Des nuages pressent le sein de la montagne…
Les lumières célestes sont tranchantes comme la lame d’un sabre de Samurai…
Le pin racontera ce soir son dernier songe à la lune…
Du pavillon proche j’entends le son de la flûte ; celle-ci dit les larmes qui coulent sur les joues de la jeune fille…
Le ruisseau à ses lèvres cousues par la glace…
Mon pinceau déverse un flot d’encre de nuit sur la plaine enneigé du parchemin…
Héron ou grue je ne sais encore…
Ma pensée aussi se pose avec les oies sauvages…
Je jette quelques poignées d’écorces et de brindilles dans le feu qui s’étouffe à veiller sur mon inspiration…
J’ai versé le saké dans la coupe de mémoire et l’encens brûle sur l’étagère des ancêtres…
Je sais l’ermite sur son île, le temple autour duquel tournent les carpes… Le vieil homme enveloppé du blanc serviteur fait brûler quelques herbes de montagne sur l’autel de ses songes…
La fonte des neiges aide dit-on au recouvrement de soi !…
Des traces laissées là sur le chemin poudreux…. Des rêves se perdent et pas seulement à suivre la route des nuages !…
Tant de renards aux carrefours….Un rien de leur part vous égare !…
Je vois la haie et je me souviens des chatons du saule et des mésanges faisant manège de jaune et de bleu, des pies faisant leur nid dans l’enclos des bourgeons, du ruisseau bondissant comme un chamois de huit jours….
C’était printemps aussi pour les amours !…
Quand le vin est capiteux, il échauffe mes sens…
J’entrevois encore, plus ou moins clairement, sous le tissu entrouvert, le bouton rosissant d’une joueuse de shamisen !
Est-il troublé comme moi le Sage qui chaque matin monte les étages du ciel quand la solitude déploie son large éventail ?…
Ma coupe de nouveau est vide,
mais c’est à ce vide que je bois !…
Rien ne peut remplir cela même pas le long et voluptueux glissement d’un kimono rouge comme le feu du désir et de la joie…
J’ai posé min rinceau, fermé la pierre d’encre…
Dehors les chrysanthèmes blancs n’en finissent pas de mourir….
Il m’en vient à rire, et il est bon de rire dans ces instants là, de faire ressortir le soleil de sa grotte*
Enveloppé dans une douceur de soie, dans l’extrême confort de l’étoffe, je songe à ce tissu que je suis, aux trames, aux fils, à tout cela qui me conçoit….
Tout est dans le cocon dit le déroulé de la question !….
Je n’irai pas à la Maison verte où résident les belles endormies…
L’une d’elle sommeille suffisamment en moi !….
(Et je sais cette nuque évasée comme une vallée fleurie !)…
Pas de cloches, pas de grelots pour appeler les Kami, ceux-ci s’enivrent en ma compagnie et font tourner le bol…
Demain est vraiment sans importance, le monde dans ma tête danse avec ses dragons et ses couronnes de fleurs…
Je m’endors dans la cire brûlante d’une journée bien consumée !…
* Ceci évoque au Japon le mythe d’Amaterasu : « la Princesse Soleil », qui refusait de ressortir au jour… Les dieux durent mettre en scène des situations grotesques afin de rire en chœur ce qui émoussa la curiosité de la déesse qui se décida alors à « venir voir »….