INSULAIRE 3 CARNET DE VOYAGE A BELLE-ILE 2024 BRAN DU 30 05 MAI
BELLE ILE ( PHOTOS BRAN DU)
Insulaire 3 Bran Du Mai 2024
Il a été dit de l'Île d'Ouessant (la « grande sœur » de l'île de Molène assez proche) qu'elle était « l'Île des femmes », les hommes étant la plupart du temps en mer pour trois, six ou neuf mois voir pour une année ou plus...
Le féminin avait lors la charge non seulement de l'habitat et des activités nécessaires à la subsistance quotidienne (animaux, potager, courses, pêches et cueillettes, travaux divers et variés...) mais aussi d'une famille nombreuse (en moyenne plus de cinq enfants voir sept, neuf et parfois au-delà!)...
Bien de ces enfants ne connaissaient enfin leur père qu'à l''âge de deux ou de trois ans....
La solidarité et l'entraide était donc de mise et nul n'aurait dérogé à cela car la survie familiale dépendait grandement d'une mutualisation des taches...
Ces nécessités ne pouvaient donc que forger le caractère de ces femmes habitués à fournir sans cesse de la volonté, de l'obstination, de la ténacité et de l'effort...
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Ce qui pousse certains continentaux à venir s'installer dans une île relève d'un fort désir de « vivre autrement » soit de rompre avec le monde citadin et son urbanisation desséchante et agressive, la coercition imposée, la manipulation généralisée, les formatages médiatiques et la consommation effrénée et absurde, les « oppressions » ressenties...
C'est aussi passer de l'anonymat qui caractérise les cités au fait de connaître ceux et celles qui, insulaires comme vous, partagent les mêmes attentes, ressentis et besoins...
C'est appeler chacun et chacune par leur prénom, se saluer en se croisant, échanger des nouvelles des uns et des autres et en cela et par cela développer le véritable sentiment de faire « communauté »...
Ce véritable sentiment d'appartenance est aussi celui d'une communauté de destin car l'avenir de l'île concerne tous et chacun et pousse les uns et les autres à s'investir dans des réflexions communes et des projets démocratiquement élaborés et partagés...
Les craintes et difficultés les plus souvent exprimées touchent la crise du logement entraînée par un emballement du foncier et la non régulation de celui-ci...
A cela s'ajoute le manque de rotation du transport maritime entre le continent et l'île, l'île et le continent et le coût du dit transport, l'absence de services importants ( médecin, aides ménagères...),
une population peu rajeunie et la crainte d'une trop grande affluence touristique influant sur l'identité des insulaires, leur mode de vie...
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Quelques chiffres pour Belle-Île :
84 Km2 de surface, 60 plages ( plus de 7 km) et criques, 82 km de sentiers douaniers ; 5000 résidents à l'année chiffre multiplié par 8 l'été soit 400 000 visiteurs....(L'île de Bréhat enregistre elle plus de 300 000 visiteurs.)...
L'attraction qu'exerce Belle-île est multiple, toute la partie côtière procure un sentiment d'ensauvagement, la beauté, la splendeur sont partout et on ne peut que se sentir humble face au grandiose qui nous entoure...
Face à cela on ne peut que prendre du recul au regard de la vie que l'on mène et qui, ici, nous mène et nous conduit aux avancées du cœur et de l'esprit...
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L'ici est tout autant l'ailleurs mais cet ailleurs est d'ici....Il est parfaitement identifié, dénommé, reconnaissable par sa familiarité, ses affinités électives, ses expressions et figurations, l'air lui-même procède de cet échange entre ce qui vient du continent et ce qui respire au sein même de l'île et le brassage des allées et venues complète ce dialogue éolien....
La Vie, ce sont les rires qui fusent de la cour d'école laquelle de temps en temps se délocalise et l'enseignement se fait alors dans les sous-bois ou sur les landes et les grèves...
Quelle chance de pouvoir aller à « l'école du Renard » où les leçons de chose transmises par Dame Nature forment durablement le corps, le cœur, le caractère, la personnification, l'identité et l'esprit!....
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En noyant son regard dans le ciel changeant on pourrait se sentir comme une plume enfouie dans les rémiges d'un fulmar boréal ( un cousin de l'albatros), c'est donc un regard qui donne des ailes à nos songes, à nos rêves et à nos pensées...
Une île est propice aux envolées et en premier lieu celles de l'Esprit....
Finis Terrae soit la Fin ultime des Terres ( qui a donné le mot Finistère) celles en l’occurrence du « bout de l'Europe » mais aussi le promontoire et le tremplin qui nous permettent de relier la Terre au Ciel et donc de nous apparenter à un arbre, à un « Arbre de Vie » puisant dans le monde souterrain mais hissant son houppier jusqu'aux nuages, jusqu'aux planètes, jusqu'aux étoiles...
Cette arborescence humaine conjoint la racine à l'arc-en-ciel...
C'est un ballet incessant avec les cormorans qui volent au raz des flots et le cri perçant des huitriers-pies (ou pies de mer) qui sillonnent les forts courants de la mer et du ciel....
La nuit, l’œil rayonnant d'un cyclope de lumière balaie toute l'étendue terrestre et marine de ses faisceaux...
Il n'existe pas de « définition » pour l'insularité qui n'est que mouvement permanent dans le grand mouvement changeant de la Vie...
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Îles, en mer d'Iroise, les yeux du cœur face au Ponant et les pieds arpentant l'estran affouillé de laisses de mer...
Un vocabulaire particulier, peu ordinaire, adapté à un milieu, à une ambiance, à un territoire de terre et de mer...
Il y a donc un langage insulaire spécifique et particulièrement présent et bien plus qu'ailleurs car ici tout est langage, tout parle, exprime, signifie, inspire, enveloppe, manifeste.... Et le temps nous est donné de le vivre, d'en être imprégné et pénétré...
La gouvernance de ces îles et confrontée à leur fort accroissement de populations surtout pendant la période estivale (Jusqu'à 5000 visiteurs dans une journée pour Bréhat, qui envisage de limiter les débarquements à un quota journalier imposé, et une centaine seulement à Molène.)
La densité de population sur l'ensemble des îles bretonnes est estimée à une variation qui irait (en moyenne) en période de forte fréquentation de 400 à 4000 personnes...
Il y a un « équilibre » difficile à trouver pour satisfaire à la fois les insulaires et les visiteurs jugés parfois envahissants mais sans lesquels l'activité économique dégringolerait et mettrait en péril bien des professions...
Ce phénomène de forte urbanisation est aussi une difficulté certaine.
L'île de Bréhat ne concède que 2% de son territoire à l'activité agricole...
Les résidences secondaires peuvent atteindre 70 % de l'habitat...
Le côté positif, c'est que cela alimente les métiers du bâtiment et ceux relatifs aux entretiens des jardins...
Pour certains commerçants, l'argent fait pendant la saison permet de rester ouvert toute l'année...
« Visiteur d'un jour, habitant pour toujours »...
Ce dicton se vérifie parfois mais est loin d'une généralisation....
Bien des maires se triturent le cerveau pour mettre en œuvre, via le plan local d'urbanisme, un développement maîtrisé qui n'impacte pas trop les finances, bénéficie de subventions voire des aides de l'Europe, qui attire de nouveaux résidents à l'année et si possible assez jeunes lesquels sont producteurs de nouvelles idées, qui se préoccupe de l'avenir de la pêche et de l'agriculture et de l'élevage, qui imagine de nouvelles activités notamment en terme d'artisanat, de transport et de service etc...
Il est question d'une valorisation des paysages mais aussi d'une « éducation » à la Nature, à la connaissance et au respect de Celle-ci afin d'instaurer des rapports « en symbiose » qui font grandement défaut...
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Les naufrages font partis de la vie insulaire et bien des îles ont connu ces catastrophes marines comme Ouessant notamment, bien des îliens au cours des derniers siècles ont porté secours aux malheureux.... A l'entour des cailloux bien des navires se sont trouvés en perdition et bien des équipages ont pu être sauvés grâce au courage des sauveteurs...
Mais c'est à un plus gigantesque naufrage que je pense aujourd'hui, celui de notre monde moderne, de notre société en général...
Qui, en effet, sera en mesure de porter secours et de quelle manière à cette grandiose perdition ? Le bateau social comporte de nombreuses avaries mais les capitaines obstinées poursuivent une avancée suicidaire sans tenir compte de l'équipage humain et non humain qui leur sont tributaires !...
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L'autonomie ou l'auto-suffisance, c'est ce à quoi conduit une saine réflexion quand on est insulaire et que l'on cherche à améliorer le quotidien de l'existence sans nuire à quoi que ce soit. Tourner le dos au superflu et à l'illusoire et faire efficacement face à l'indispensable, à l'élémentaire et au primordial...
Cela fait des îles un laboratoire expérimental en terme de changement, de transformation, d'évolution, d'expérimentation, un modèle possible pour un nouveau paradigme sociétal....
Apprendre à se contenter de peu mais privilégier l'essentiel....
Les îles ont connu en moins d'un siècle des périodes de fortes désertifications, les études démographiques démontrent des diminutions notoires en terme de population et ceci a impacté les paysages îliens en générant des friches conséquentes du fait de l'abandon de l'exploitation des terres faute de main d’œuvre...
On constate aujourd'hui des courbes de nouveau ascendantes mais encore très réduites... Les jeunes partis tôt sur le continent reviennent parfois s'installer dans leur paysage d'enfance mais ce sont les « néo-îliens » qui forment le quota le plus important et qui font l'objet de démarchage des autorités locales qui favorisent leur installation surtout quand celle-ci est apporteuse d'activités...
Parmi les motivations et les stimulations de ces nouveaux arrivants figure un désir de nouvelle vie, un changement total avec le vécu d'avant, un fort besoin de désurbanisation, une nécessité de refaire vie avec soi-même et les autres reconnus comme plus conviviaux, plus accueillants, plus à l'écoute, plus solidaires, plus disponibles...
La décision finale et sans retour se fonde sur ce qui est conçu comme capital, crucial, prédominant dans ce que l'on veut vivre, échanger, rencontrer, découvrir, partager, mettre en œuvre...
Pour cela il n'est pas utile ni nécessaire d'être « propriétaire » mais simplement, modestement et joyeusement de se savoir et d'être dépositaire de tout le Vivant et gardien et protecteur de celui-ci...
Le sentiment de ne rien « posséder » peut conduire à celui de la plénitude d'une vie allégrement comblée...
L'île, l'insularité, permettent de faire cesser la « surcharge » et de remplacer celle-ci par « l'allégement »...
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Parlant de Belle Île l'écrivain Yann Queffelec, chantre de toutes les Bretagnes, évoque « des lumières insensées, des ciels de cathédrale où se marient tous les contraires et contrastes. »...
Belle île dont un habitant nous dit : « non ce n'est pas le paysage qui nous habite mais un état d'esprit en conjonction, complicité, affinité, entendements majeurs avec lui... »
Une îlienne ajoute : « ici je me sens et je suis en confiance à 180 % » « Ici, on peut encore vivre au rythme du soleil. »
Quoi qu'il en soit du climat, des intempéries, des colères du vent, l’ensoleillement persiste et demeure dans le coeur des Îliens et des Îliennes nés sur le « caillou »....
Il existe en terre îlienne des sentes, des sentiers, des chemins qui ont été tracé à pas d'hommes et de femmes ; ce sont les voies de la Mémoire, d'une forme de permanence incluse au sein des changements...
Ce sont celles-là et ceux-ci que je vous invite à emprunter en ajoutant votre légère empreinte à celles déposées ici dans les siècles passés....
La mélodie qui se fait aussi symphonie s'égraine sur les touches blanches, bleues, grises, rouges, jaunes, oranges, roses et noires d'un ciel aux mouvances permanentes et nous voici pris dans le tourbillon du temps et le manège des ailes qui s'y déploie...
Bran Du Mai 2024
Méduse
Immortelle des dunes
