Les dits du corbeau noir

BELLE ILE : Le VEILLEUR et GARDIEN

INSULAIRE... Bran Du Mai 2024

INSULAIRE ! Jadis, ici, cela rimait avec contrebandier et corsaire, aujourd'hui et pour certains ce serait écumeur de vie, colporteur de rêves, troubadour de la joie, homme aux semelles de vent, capitaine de bateau-ivre, vagabond de l'esprit, artisan du Vivre...

Entourée d'eaux mouvantes et émouvantes ainsi se caractérise une île. C'est en superficie le deuxième île en Bretagne avec la roche ancienne et tourmentée au Nord et au Sud, à l'Est et à l'Ouest, des cyprès importés de Californie et des perdrix et faisans importés du continent...

Son pourtour est jalonné de plages, de cryptes, de vallées et de vallons à partir desquels l'eau douce rencontre l'eau salée...

L'eau douce, o combien précieuse pour tous les navigateurs des siècles passés, c'est elle qui fit la célébrité de l'Île Belle, c'est elle pour laquelle Vauban construisit un écrin tapissé de lumière...

Armoricaines sont la faune et la flore mais, de serpent, il n'est que de couleuvre à collier. La bruyère s'y distingue par une variété assez rare pour être mentionnée comme « vagabonde ». Quand au gros gibier il n'existe qu'un soi-disant sanglier aussi vieux et mystérieux que les mythes et légendes des temps passés...

Incarner l'insularité implique un état d'être bien différent que d'habiter le continent pourtant à quelques encablures seulement...

Etre « insulaire » et en avoir la pure et claire conscience relève d'un état second qui vous conjoint à un état premier non sans passer par une case trinitaire dite de synthèse que l'on peut appeler la transcendance....

Les sables, soit la mémoire des pierres fracassées par les siècles et l’œuvre également de la grande paume des marées aux doigts d'algues plus ou moins nonchalantes...

Les Carnets Nature de Belle-Île en Mer rédigés par quatre bénévoles compétents en diverses matières dont la Géologie nous apprennent que Belle-Île résulte d'un volcan avant que de devenir une île et ce après bien des vicissitudes....

Plusieurs cahiers sont dédiés à la lithologie soit l'étude des matériaux composant les roches...

Pour ceux et celles qui s’intéressent au « paysage » dans sa « profondeur » et la constitution des roches qui le composent, l'île est une source conséquente d'apprentissages et de découvertes dont celles relatives à la formation des plis et fractures, des affleurements, des altérations, des chevauchements, des diaclases, des tufs, des lapillis...

Mais c'est également un florilèges de formes plus ou moins entrelacées et imbriquées, de couleurs brutes ou vernissées, de grottes quasiment utérines, de failles, de roches percées, de lignées de quartz ...

Fascination pour cette féerie minérale et l'art quelle prodigue si « naturellement » à partir d'architectures complexes et parfois savantes et fruit d'une alchimie prodigieuse datée d'au moins 350 millions d'années .... (On estime la présence des chasseurs, cueilleurs, pêcheurs à environ 35 000 ans.)

On trouve aussi la trace d'habitats du Néolithique (et trois menhirs rescapés d'une longue lignée qui traversait toute l'île) ainsi qu'un tumulus et un éperon barré....

Parois sèches ou humides où la beauté s'expose dans sa troublante nudité, dans son humidité marine, dans ses glacis salés, dans ses altérations semblables à de l'ocre jaune, blanc, vert, rouge, orange, rouille ou rose, dans ses interstices ferrugineux, dans une grande variation de tons et de minéraux...

Il serait fort dommage de visiter l'île en méconnaissant de tels trésors et les ravissements qu'ils procurent à ceux et celles qui savent encore voir avec les yeux du cœur et les perceptions sensibles et intelligentes de l'esprit....

(CPIE Belle Ile en Mer Maison de la Nature Participer pour préserver. 02 97 31 40 15 accueil@belle-ile-nature.org

Reflets dans la grotte dite de l'Etoile

La Grotte dite de l'Etoile

A partir du village de Vazen, un chemin nous conduit à la Grotte dite de l'Etoile et rejoint le sentier de randonnées (jadis fréquenté par les douaniers) ; ce chemin cahoteux est bordé d'immenses prairies où paissent un troupeau de vaches et des veaux de quelques semaines...

Aux grands tapis verts mouvementés par les vents du Nordé succède un lopin couvert de « boutons d'or »...

Après une marche d'environ un kilomètre nous arrivons sur le haut des falaises qui dominent le vallon de Port Coton.

C'est ici le royaume des ajoncs nains et des bruyères recouvertes parfois par une plaque de cuscude du thym ; une plante qui puise sa croissance au détriment de l'hôte sur laquelle elle se pose ; une plante qui ne peut fabriquer de photosynthèse et dont la croissance est fonction de son parasitage en quelque sorte...

Après une descente quelque peu périlleuse nous atteignons l'entrée de la Grotte de l'Etoile lors de la marée basse et pouvons lors pénétrer plus avant...

Impossible de ne pas offrir à cette antre marine une ode et en l’occurrence un chant qui se répercute sur la voûte et qui s'amplifie étonnamment...

La grève est parsemée de galets de quartz blanc façonnés par des millénaires de polissages permanents...

Le ressac ici émet un bruit sourd amplifié par la rotondité de la grotte et le clapotis des vaguelettes complète l’arythmie de cet ensemble sonore...

Pour compléter l'offrande initiale, nous constituons autour d'une roche isolée un nid de galets veinés de quartz censé représenter symboliquement le nid d'un œuf de serpent marin...

Offrande

Cette ouvre éphémère s'inscrit dans ce que l'on appelle le land art mais que je nomme l'Art Nature...

Grotte de l'Etoile ( Photo Muriel)

Un autre jour, nous nous rendons en contrebas du sémaphore pour admirer un ensemble de roches assez déchiquetées et morcelées par l'érosion et les embruns appelé le Rollu...

 Le Rollu 

Instant de méditation au Rollu (Photo Muriel)

Il y a la une panoplie de couleurs due à l'altération de cristaux de pyrite et renforcée par la présence de soufre...

La palette est multicolore avec des blancs, des jaunes, des rouges, des verts, des ocres qui se superposent comme dans un mille-feuille...

Notre vagabondage champêtre et maritime nous amènera à rencontrer sur notre passage (entre autres plantes « sauvages »  :

La sauge fausse verveine, diverses mauves, le géranium sanguin, la vipérine, la giroflée ds dunes, le rosier des chiens, l'orpin des anglais, le plantain caréné (rare et protégé) , la silène, l'armérie maritime, le cinéraire, le liseron des sables, le chardon bleu, la centaurée, l'obione, la criste-marine, le fenouil, la berce, l'oénanthe safranée (toxique), la massette, le compagnon blanc, l'iris des marais, l'orchis à fleurs lâches, le chardon penché, la salicaire des marais...

Vipérines, Queues de lièvre et Armérie maritime

 Geranium sanguin

Nous aurons aussi l'occasion de croiser des graves à bec rouge et le choucas des tours, l'azuré du trèfle, d'entrevoir le vol des grands corbeaux (corvus corax), d'entendre le coucou (lequel nous suit depuis notre séjour en Brocéliande), de bénéficier d'un concert gratuit de grenouilles amoureuses, de nous émerveiller du vol planant, précis et gracieux du fulmar boréal, d'écorcher nos oreilles avec le cri des faisans plus ou moins domestiqués.... Tout cela en une semaine de séjour....

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Parler d'Amour ! La « Chose » me paraît incongrue car la « Chose » ne se parle pas, ne se décrit pas, ne se définit pas, ne s'enrobe pas de verbes ou d'adjectifs, ne s'illustre pas, ne se dépeint pas, ne se modèle pas, mais se vit, s'anime, s'incarne, souffle et respire « naturellement » et « essentiellement »....

Aussi n'est-elle concevable qu'en termes approximatifs de Force, d'Energie, de Lumière, de Vibration, d'Onde, de Fluide, de Flux, de Substance, d'Essence, d'Emanation, d'Irradiation, de Magnétisme, d'Aimantation...

Une comparaison avec les processus alchimiques et les pratiques magiques est possible en ayant recours à l'analogie...

Ainsi les éléments comme le Feu et l'Eau et leurs symboles associés peuvent permettre une « introduction », une voie pénétrante dans le « Coeur du coeur »...

L'expression poétique, la danse, le chant, la musique ont leurs entrées au sein de ce Grand Mystère aux voies impénétrables si l'on n'est pas pleinement acteur ou actrice du Vivant de la Vie...

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Sept jours sur le « Caillou » ainsi aimablement et affectueusement nommé par les îliens et îliennes..

Sept jours de Terre, d'Air et de Mer.

Sept jours à humer les odeurs et senteurs émanant du milieu marin, des marais, des prairies, des gouffres, des fontaines plus ou moins envasées... Sept jours dans l'embaumement des sureaux et des fusains...

Sept jours et sept soins généreusement dispensés au physique et au psychique, tous deux bénéficiaires d'une subtile médication...

Sept jours à « wuider »* et à « bouiner »* à notre aise, à notre guise, tout en tenant compte des caprices d'un vent peu généreux en chaleur...

Une grande partie de l'île appelée Vindilis lors de la conquête romaine est classée « NATURA 2000 » soit plus de 17 000 hectares dont 25 % de partie terrestre côtière et 75 % de mer....

Diverses mesures de protection s'appliquent sur le littoral mais également à l'intérieur des terres...(Notamment pour certaines plantes rares.)

Les biotopes sont contrastés entre bosquets de pins, de frênes, d'ormes, de chênes-liège, d'aulnes, les prairies humides, les landes rases et les terres cultivées....

Nombreux et élevés sont les talus, les ravines où se penchent les asphodèles et les digitales...

Milieux o combien favorables à de nombreuses découvertes, au ravissement et à l'enchantement...

Arpenter ces territoires du « Vivant » implique une grande disponibilité de cœur, de corps et d'esprit en sachant que la partie la plus subtile et substantielle qui en émane est aussi de l'élixir pour l'Âme...

Tout ici est un revêtement pour la nudité de l'Être, pour celui ou celle qui se dévêt du superflu, de l'illusoire, du factice et du paraître....

L'opportunité offerte de se restituer à soi-même sa vêture d'essentialité...

P.S. : Tout ceci ne saurait être ressenti et perçu puis exprimé en ce qui me concerne que par la grâce d'accompagnement de Muriel rompant avec moi-même le pain des jours et des nuits.  Il n'est lors, en conclusion, que merci et gratitude....

* * Deux termes gallos : Wuider ( marcher sans but précis) et Bouiner ( s'occuper à ne rien faire)....

 Muriel

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