Les dits du corbeau noir

DOSSIER GEOPOETIQUE : KENNETH WHITE ECOSSE OU LE PAYS DERRIERE LES NOMS... ESTRAITS ET COMMENTAIRES SUR LA CELTITUDE (AOÛT 2015)

 

Kenneth WHITE Ecosse Le Pays derrière les noms (Extraits)

(Terre de Brume éditeur)

 

«Au fond, je suis peut-être celtaoïste....»

«Il s'agit de voir. Ca, c'est la jouissance de l'esprit.»  K W

 

De la «Celtitude»

 

«… Il y a la petite «celtitude» soit la recherche d'identité ; le nationalisme borné ; la théorie du terroir (Enfermement, réclusion, exclusion, frontière... NDR) et la «grande celtitude» qui est une «poétique du monde»...

C'est un espace mouvant où l'on évolue loin des querelles de chapelle et de la confusion mentale, si pittoresque et si sympathique soit-elle, qui caractérise communément la «vie celtique»...

 

Pour Yeats, il vaut mieux «marcher nu et seul.»...

 

L'origine de la «grande celtitude» (une vastitude donc NDR) ce n'est ni l'Irlande, ni l'Ecosse, ni le Pays de Galles, ni la Bretagne, c'est le Caucase, la Scythie, l'Asie centrale...

Il existe de curieuses similitudes entre la culture des steppes Scythes

et celle des îles de l'Ouest...

(On sera étonné des similitudes qui existent entre les tombes des princes Celtes en Gaule et celles découvertes dans les plaines de Mongolie ! NDR)

 

En suivant dans une âme et un corps, les chemins du désir et les sentiers de l'intuition, c'est le grand espace eurasiatique qu'il faudrait rouvrir...

 

Ernest Renan, en son temps, décrit une poésie de l'âme celte solitaire, retranchée du monde, sans communication avec le dehors, s'alimentant de sa propre substance... «Elle a tout tiré d'elle-même et n'a vécu que de son propre fond enfermée dans le cercle de la famille ou du clan, s'usant dans des oppositions stériles, triste, plaintive, résignée»...

On notera beaucoup de carences dans cette étude de Renan...

 

L’intérêt réside dans un jeu d'énergies multiples, dans l'exploration d'un espace et beaucoup moins dans des descriptions que dans des «surgissements»...

Ce n'est pas, en premier lieu, la possibilité ou le passé qui me concernent, mais la potentialité, la possibilité...

 

L'érudition continuera à faire le portrait du «Celte» et à définir de plus en plus la carte de la culture celtique. En attendant, c'est à des individus qui ont tout cela dans la moelle de leur os et dont les énergies sont demeurées intactes de continuer le cheminement du «perfevidum ingénium» celtique en avançant dans l'inconnu...

 

Il s'agit d'une celtitude à l'état diffus, centrifuge et erratique...

 

Avancer, progresser et évoluer...

«… Avec les choses les plus frêles, avec les choses les plus vaines, la simple chose, la simple chose que voilà, la simple chose d'être là, dans l'écoulement du jour. » St John Perse

«Tête nue et pieds nus dans la fraîcheur du monde, qu'avons-nous donc à rire, mais qu'avons-nous à rire ?» (Idem) (Dans Anabase)

 

D'Ossian

«On peut se moquer d'Ossian - surtout si on ignore tout de la magnifique tradition de Finn le Blanc qui remonte peut-être à des Magdaléniens qui, à la fonte des glaces, ont suivi les rennes vers le Nord – On peut hocher la tête savamment devant les traductions de Macpherson, il n'empêche que ce même Ossian, même sous traduit et sentimentalisé, à servi à «océaniser» la littérature européenne"...

 

Commentaires Bran du   DE LA CELTITUDE....

 

Il ne peut en effet s'agir d'enfermer, d'enclore, d'enceindre, de restreindre et de confiner donc, la «celtitude» dans un territoire limité et cloisonné, mais bien de de lui offrir, des promontoires pour ses envols, pour le large déploiement de ses rémiges audacieuses, des sources pour ses jaillissements, des sommets pour la danse de ses étincelles et de ses flammes, des landes pour y dresser de nouvelles pierres de foi et d'espérance, des coracles pour sillonner toutes les mers, tous les océans, des chevaux d'écume et de flamme pour investir en leurs courses toutes les terres, tous les continents...

 

Il s'agit de lui faire don de hauts lieux, d'immensité et de vastitude, d'espaces ensauvagés, rudes, quasi désertiques, de contrées battues par les vents, de grèves écumantes dans l'amplitude des marées, de rocs incendiés d'aubes et de crépuscules, de marais embrumés, de forêts aux arbres encapuchonnés de lichens, de mousses et de fougères, de clairières découvrant leur nudité sous le drapé des feuilles...

 

La «celtitude» ne serait être un état émanant d'une certitude infinie et absolue, mais une façon singulière et plurielle d'animer en conscience et connaissance une vibrante et émouvante «Présence aux mondes» et d'instruire, en l'incarnant de tous ses sens, de toute sa pensée vive et fertile, des relations fécondent avec tous les mystères qui sous tendent une Création et des Univers visibles et invisibles...

 

Vivre cet Etat ; c'est approcher les mondes inconnus qui lors se dévoilent à nos yeux et à nos capacité perceptives et qui nous invitent à concélébrer les rites, les cycles et les rythmes qui donnent une pulsation nourricière et jouissive à tout le vivant, à tous les règnes, à tous les songes et les sangs...

 

Ce sont la des dimensions qui transcendent nos limites humaines et qui procèdent alchimiquement et géopoétiquement à nos transformations et métamorphoses essentielles, élémentaires et fondamentales... En cela et par cela, nous pouvons nous connecter et nous conjoindre à cela qui constitue le Principe et l'Essence de tout «Anima»....

 

La celtitude, pour autant que l'on puisse ou veuille définir un état somme toute assez indéfinissable, relève d'une «respiration» ; elle réside toute entière dans un Souffle non fortement dénoué d'inspiration !...

 

Nous sommes «au cœur de vie» et de façon première et primitive dans un même battement de tambour qui fait écho et résonance avec tout ce qui émane de l'Univers et de ses confins....

 

Point de «nostalgie» (laquelle nostalgie était considérée comme une «maladie languissante» par les anciens Celte) en cet instant rayonnant d'éternité où une pensée s'anime, prends eau et feu, souche et source, sel et écume...

 

La celtitude fait demeure et séjour de ce qui fût, est et sera, immensément et incommensurablement !

 

La celtitude est avant tout une façon de penser, d'investir l'inconnu, de concevoir le possible, de dégager des potentialités d'entendements et de compréhensions et d'établir des correspondances, des connivences, des complicités on ne peut plus «jubilatoires» - qui se veulent pervibrer avec les flux, les fluides, les ondes, les sèves et les songes qui sillonnent les territoires du passé, du présent et du devenir...

 

La celtitude ne fait l'économie d'aucun de nos deux encéphales, mais associe les deux parties de notre cerveau afin que l'analytique concoure aux facultés du sensitif et de l'émotionnel et inversement...

 

La celtitude est donc pour partie incertaine et ne fait pas l'économie du doute ou de l'interpellation, bien au contraire, car c'est dans une confrontation intellectuelle et sensitive honnête et franche qu'elle se remet en question pour affiner encore et encore ses réponses afin de les incarner et de leur donner véritablement et authentiquement chair et songe...

 

La celtitude n'a pas de « corset» qui l'étrique ou la formate pour satisfaire des idéologies de très courtes vues, oiseuses, illusoires ou fumantes qui l'enfermeraient dans dans une peau de chagrin...

Elle aspire au large, à l'ouvert, à la « vastitude » à tout ce qui est de nature à prolonger l'horizon au-delà du perceptible et à affouiller en tous ses recoins le territoire immense d'un imaginaire qui ne se donne aucune limite et ne s'impose aucune censure...

 

La celtitude ne soustrait pas, ne retranche rien de ce qui la constitue, mais additionne et multiplie ses potentialités de découverte et d'accroissement...

 

C'est une percée, un rai de discernement dans l'opacité de notre siècle...

Ce n'est ni un confinement ni un retranchement, c'est une flèche décochée vers l'immense ; vers d'impossibles étoiles nous renvoyant à celle qui brille, de sens et d'intelligence, dans les nuits de notre propre cœur....

 

La Celtitude est une pensée fertile et féconde, prodigue, flamboyante et ruisselante qui dépose son limon de mémoire aux berges de nos entendements profonds et intimes. C'est l'humus de notre croissance verticale et le terreau de nos visions cardinales...  Elle nous fait naître et passer de l'Homme ou de la Femme à l'ETRE...

 

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Kenneth White est surtout préoccupé par un paysage de l'esprit...

«Le vrai pays est ailleurs»...

 

L'oeuvre de Tchouang-Tseu n'est comparable qu'au paysage dénudé du Nord de l'Ecosse... Il est le plus grand voyageur ; celui qui sait allier le mouvement physique et le mouvement de l'esprit...

(Danser allégrement dans la chaos, déambuler dans le vide...)

«La grande parole est éclatante, la petite parole est verbeuse

Tchouang-Tseu

 

Il s'agit de traduire la parole de la pierre, de l'eau et des brumes...

C'est un langage originel, plus rapide, plus profond, plus aigu...

Il s'agit de Celtes porteurs d'une poésie cosmologique ; une écriture qui soit atlanto-celte soit souplesse et inventivité...

 

Ce qui m'apparaît beaucoup plus essentiel que de parler la langue culturelle d'un pays, c'est d'essayer de rentrer en contact avec le pays même, avec le paysage même et de voir quel langage, quelle logique surgirait de ce contact...

 

Recherche d'une poésie universelle pénétrant si profondément dans les choses et, derrière les choses, dans les forces qui animent les choses, qu'elle serait comprise dans le monde entier...

«Chercher un plus grand que soi-même.»

 

(Une force errante ; «erraticus» ; vix erratica selon Ovide)...

 

Fréquenter un paysage fondamental et approfondir toujours plus son rapport à lui...

 

Un «Territoire des Hautes Terres» où le silence est rempli d'attente. Une marche en ces lieux fait entrer dans une austérité croissante (et dans une haute jouissance.)

Il s'agit de «s'incorporer le paysage»...

 

«Chanter d'une manière authentiquement originelle.» Hölderlin

 

Développer une conscience de l'interaction universelle... C'est au bout d'une multitude d'étapes extatiques que«l'univers apparaît comme une tempête de beauté infinie.»

Le poète erratique est toujours à la recherche d'une plus grande harmonie, d'un langage universel...

 

Citations extraites de l'ouvrage de Kenneth White :

 

«Ce que l'on ne conçoit pas sans l'avoir vu, c'est ce qu'il y a de solennel et de terrible dans l'aspect d'un désert où rien n'existe que les forces de la création... A ce paysage physique doit correspondre un autre paysage mental.» Charles Nodier

 

«Quelqu'un d'autre sait-il aujourd'hui ce qu'est la véritable inspiration ?» Nietzsche

 

«La désolation et la solitude sont les choses les plus éternelles.»

«Dans le génie celtique git la réconciliation entre l'Occident et l'Orient.» Thomas Carlyle

(Lequel exprimait un désir de société où la passion dominante du peuple est la conquête d'une conscience supérieure.)...

 

«Les hommes aiment trop les bornes.» Georges Dumézil

 

«Le champ ; c'est le monde.» Hume

 

«Tout le long de ma vie, j'ai aimé de plus en plus les lieux sauvages, les choses sauvages... Il faut laisser le temps de l'exploitation et aller vers l'expérience,

John Muir

(Lequel fut le plus grand défenseur de la Wilderness (sauvegarde de la terre sauvage), le porte parole même de la nature.)

 

Lancer les bases d'une langue universelle «pour tous les esprits fertiles et ingénieux.» Sir Thomas Urquart

 

«La terre bouge et est sujette aux transformations, aux métamorphoses. Des forces d'érosion étaient en jeu perpétuel suivies d'apports nouveaux émergeant de l'intérieur de la terre ; selon un processus de composition, de dissolution et de restauration...

Un monde dynamique et fluctuant.»... James Hutton

 

«La blancheur n'est pas plus parfaite si elle demeure une année que si elle demeure un jour.» Duns Scot



27/08/2015