La navigation existentielle : St Brandan Mael-Duin Bran fils de Febal... Reflexion à partir d'un article de JP BAYARD Bran du
«De St Brandan qui erra 7 ans sur mer et des merveilles qu'il trouva.»...
Source : article de Jean Pierre Bayard dans Historia....
A la recherche de la terre de notre première naissance...
(Christophe Colomb s'aida de ce récit écrit entre le IX et XIIè siècle pour tracer sa navigation et trouver un nouveau monde.)...
(Mille ans donc avant Christophe Colomb, des marins celtes irlandais ont pu parvenir en Amérique et ce 400 ans avant les Vikings.)
La Vie de Brandan :
Il est né en Irlande vers 486, sa mort serait survenue en 574 à l'âge de 88 ans...
Il fût baptisé par l'évêque Erc (druide converti).
Il fait ses études au Pays de Galles puis est envoyé en Bretagne vers 530.
Il séjourne à Alet près de St Servan. En 544, il s'embarque une première fois.
Il fera plusieurs voyages (le plus long durera 2 ans.) Vers 555, il revient au pays natal après avoir fondé divers monastères...
Son voyage en Islande est situé entre les années 515 et 524...
Il s'embarque sur un coracle en cuir de 12 m avec 12 moines, 40 jours de vivre, 8 moutons, du poisson sec, des carottes et des navets...
Ceci a été relaté et commenté dans un ouvrage de Louis Kervan aux éditions Laffont (le Voyage de St Brandan.)
Mais lisons ce que nous en dit Jean Pierre Bayard....
«...C'est un récit fabuleux chargé de mystères et d'embruns...
Brandan s'en remet à Dieu et laisse vents et courants le mener et le conduire selon la volonté divine...
Il part ainsi à la recherche des Îles Fortunée ou dites encore Îles vertes...
C'est l'appel désespéré de l'homme en quête de salut dont la seule arme défensive est la croix...
C'est un récit chargé de symbole. Ce thème bienveillant, innocent et pacifique est celui de l'âme celte avec son idéal que va se sublimer dans le christianisme...
Brandan met le cap à l'Ouest, la patrie des morts où se couche le soleil.
Il est confronté aux tempêtes, à la faim, à la soif, à des êtres et à des animaux fabuleux et ce, avec le signe de la croix pour repousser les
mauvais esprits rencontrés.
C'est le règne de la bonté divine, une volonté d'épuration et de transcendance ; la recherche constante d'une amélioration spirituelle.
Voici un conte celte christianisé qui se situe à la charnière de deux civilisations. Il reflète l'esprit populaire où faits matériels et fantastiques se mêlent à la poésie et au merveilleux.
Les echtrai ou «sorties» intègrent les récits de «navigation» (ou Imrama) aux visions prophétiques...
La religion naissante qui clame sa foi s'intègre dans la littérature druidique.
Cette foi nouvelle montre l'inépuisable fécondité de la nature qui prend soin de ses serviteurs.
«C'est le monde vu à travers le cristal d'une conscience sans tache.» Ernest Renan
Pour arriver au terme du voyage la maîtrise, le calme, la sérénité sont requises. Ainsi les épreuves sont franchies...
(Dont la traversée périlleuse des brumes et brouillard dans une mer où flottent d'immenses blocs de glace !...)
Ce voyage connaîtra bien des péripéties ; Trois mauvais moines s'embarqueront en plus des douze navigateurs et périront du fait de leur attitude et de leur incapacité à «s'améliorer»...
Parmi les rencontres les plus insolites ou merveilleuse ou terrifiante il y aura :
- Celle d'un ermite sur son île qui pendant trente ans et nourrit de poissons apportés par une loutre. Il boit uniquement l'eau d'une fontaine...
- La vision de cierges qui brûlent éternellement sans se consumer... etc...
Brandan et ses compagnons abordent finalement au centre du monde, le paradis suprême où règne un printemps éternel et franchissent le mur d'enceinte (un mur établi en pierres précieuses). C'est pure merveille !
Tout est sublime en ce lieu ; les couleurs sont chatoyantes et féeriques,
les parfums exaltants. C'est un perpétuel concert d'amour ; le lieu des délices où la nourriture est dispensé à profusion...
Toutefois ces hommes «régénérés» n'ont pas encore atteints le stade de l'immortalité et ils doivent regagner Alet leur port d'origine afin de témoigner de la réalité du Paradis.
Au retour il semble que le temps n'a pas eu d'emprise sur eux.
Par sa foi Brendan à triompher des épreuves et a obtenu une vision de ce lieu paradisiaque...
Alors pourquoi ne parviendrons-nous pas à un tel exploit ?
Ce récit est un récit initiatique...
Il fait écho et résonance aux récits oraux plus anciens du voyage de Maël-Duin du VIIIè siècle (où l'on retrouve l'épisode de trois mauvais frères embarqués mais où le prétexte à l'embarquement repose là sur une vengeance à opérer) et à la Navigation de Bran fils de Fébal de la même période à la différence que le séjour d'un an correspond ici à 300 années lors du retour au pays natal !
Brendan le nautonier conduit les siens vers un havre de paix.
Rêverie ? Imagination créatrice ? Réalité ?...
Les bardes bretons chantent le royaume du soleil couchant où l'astre paraît mourir alors qu'il reprend vie à l'Orient.
Toutes les navigations cherchent à atteindre ce lieu privilégié où l'on meurt pour renaître.
Mais c'est aussi un voyage réel refait en 1975 par Tim Séverim sur un coracle reconstitué à l'identique qui effectuera ce voyage d'Irlande aux Amériques avec succès...
Brandan recherche ce qui est éternel et il nous montre qu'il faut avoir confiance dans l'absolu en sachant lier le sacré au profane. Cet état d'errance, ce long labyrinthe jalonné de repères initiatiques, continuent de vivre en nous par cet imaginaire qui est acte créateur, par la puissance du celtisme christianisé.
Nous pouvons encore nous émerveiller car toujours resurgira, à un moment donné, le rêve d'une Île verte, lieu de béatitude et de la Loi d'Amour.
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La recherche de l'insula initium (L'île des «commencements»)
Notes Bran du sept 2015
Jean Pierre Bayard, à qui on doit cet article, transpose et actualise le contenu de ce récit merveilleux en rappelant la quête essentielle qui réside au cœur de l'homme et de l'humanité ; une quête plus ou moins oubliée ou submergée, mais qui perdure en son fondement et ses potentialité d'éveil...
Cette île de l'éternelle jeunesse, c'est aussi la ville d'Ys qui réside en nos profondeurs recouverte par les marées du temps et l’opprobre jetée sur elle par un christianisme pourfendeur de paganisme...
Ahès ou Dahut personnifie un monde païen voué à la disparition et à l'engloutissement du fait de ses mœurs dissolus où les corps et les sens se livrent à la licence ; une licence hautement condamnable par le clergé chrétien qui assimile cette «Terre du Vivant», cette «Plaine des plaisirs» à une nouvelle Sodome...
Cette libre «concélébration de la vie dans tous ses principes fécondants» qui exaltent l'expression de tous les sens représente un danger vis-à-vis d'un dogme qui prêche des attitudes et des comportements chastes ou strictement limités à l'acte de procréation vis-à-vis de la chair....
Le Féminin est l'expression même de ce «danger» que l'Eglise s'efforce de contrôler voir d'éradiquer dans sa sensualité naturelle et païenne...
L'île est de nature et d'essence «féminine» et les Celtes anciens magnifiaient cette «présence» dans leurs îles d'espérances....
La «Terre des Femmes» réunit le cœur de celles-ci dans un choeur qui chante la Vie elle-même et tout ce qu'elle fait fleurir dans le jardin des êtres et des corps...
La «Ville d'Is» est en nous prête à resurgir et à offrir à ceux ou à celles qui se sont lancés à sa recherche une vision et conception «androgyne» alliant et conjuguant les polarités féminines et masculines dans une commune célébration du vivant...
Les navigations Celtes (Imrama) sont les prototypes expérimentaux qui serviront de modèle à la navigation de St Brandan ; version christianisée d'un thème récurrent et fondamental de la pensée celtique : la quête solaire de la connaissance de soi-même, le dépassement de ses peurs et craintes, l'héroïcité obtenue à travers les épreuves traversées et l'audace, la bravoure, déployées pour cela ainsi que l'honneur et la dignité qui en résultent...
La Navigation de Bran fils de Febal ou celle de Mael-Duin relatent cette quête qui est à la fois un parcours initiatique assez redoutable et, pour Mael-Duin une, une transcendance d'une motivation s'appuyant à l'origine sur une vengeance et se transformant peu à peu, dans l'alchimie de cette «traversée» houleuse, en pacification de l'être qui fait ainsi connaissance de ses fondamentaux et de son essentialité existentielle...
Ces récits relatent en fait le passage du «non-être» à l'Etre accompli, visionnaire, consacré....
Le navigateur celte et païen navigue au sein du Cercle de la Vie et de ce continent que constitue l'Etre, toujours à découvrir ou à redécouvrir.
Il s'oriente par rapport à la carte du ciel, prend boussole sur un Nord magnétique, mais surtout mythique et archétypal et privilégie un cap axé sur le «couchant» solaire pénétrant cette obscurité qui est le berceau de toute lumière !...
Ce périple océanique à rendez-vous avec l'au-delà ; l'au-delà d'une humanité limitée corporellement dans son échéance mortelle, mais ouverte et élargie à tout l'univers, à l'infini et à l'absolu de celui-ci.... C'est aussi une quête d'immortalité !...
Vivre, pour le Celte, c'est lancer sur l'océan du possible, de l'inconnu, du mystère, son coracle et oser franchir la «neuvième vague» qui détermine la frontière entre le désir allié à la volonté et le renoncement et l'abandon... (Le chiffre neuf est lié à la notion de «preuve» ; ici c'est la preuve que l'on accepte, consciemment et lucidement, librement et volontairement, l'épreuve comme facteur et vecteur de «réalisation» de soi.)
Nous sommes des nautoniers, des argonautes, sur l'océan du devenir et d'une présence au monde qui soit Anima et Essence d'Etre...