LA PIERRE DE MEMOIRE (BARDI) BRAN DU 2016 20 07 JUILLET
Dans les landes de Lanvaux (56) (photos Bran du)
La Pierre de Mémoire Bran du Mai 2016
Elle se tenait là, en place, en son assise,
La Pierre d'Origine,
bien avant le brin d'herbe qui l'entoure,
bien avant les plumes et les pelages,
bien avant la chair palpitante et mystérieuse,
bien avant le premier mot et son balbutiement...
Elle était là enclose de fureur,
enceinte de laves, ayant suivi les étoiles naissantes en leurs courses,
les planètes en leur évolution ;
apprenant, de saison en saison,
les rythmes et les cycles,
la grande ordonnance des vibrations...
Elle est la mémoire du sol, celle de ce lieu...
Elle connaît toute l'histoire de celles et de ceux
qui naquirent en ce pays et vécurent de ce qu'ils pouvaient s'offrir
d'espérance et de vie...
Elle fût de leurs rêves et de leurs songes ;
de cela qui use et qui ronge toute forme et toute matière ;
de cela qui s'achève ou se prolonge, animant l'aubier, les pulsions de la chair...
Elle fut témoin des peuples de naguère...
Me voici aujourd'hui devant elle...
Moi, dans mon enveloppe charnelle
et elle défiant l'emprise de l'oubli...
Sa masse sculptée par tous les vents de la terre
me toise de tous ses milliards d'années...
Et je suis, par elle, enflammé ;
J'ai braise et étincelle au foyer de mon esprit...
Ses contours se détachent sur le bleu du ciel
Faisant jaillir des formes insolites
et parfois le rappel d'un visage humain ou d'un animal fabuleux
balafré par les siècles, rongé par les pluies et les feux...
Des mousses, des lichens, des parmélies s'accrochent à ses flancs,
Des ailes y trouvent le repos...
Des aurores s'y lèvent...
Y meurent des crépuscules ...
S'y déversent des eaux en lesquelles quatre lunes se baignent...
Pourquoi cette fascination exercée sur tout mon être
par ces amoncellements de granit ; ce reste de chaos
qui commerce avec les millénaires ?
Comment demeurer « fermé » devant ce Livre ouvert ?
Comment ne pas songer que je peux moi aussi « respirer » comme « respirent » les pierres ?
C'est bien ici que j'ai le sentiment aigu d'avoir plus de quatre milliards d'années !
Il n'est de vague en toute l'Iroise qui n'ait fait son pèlerinage vers ce bout de terre et ce verger de pierres nues...
Pas une vague, pas un flot qui ne soit revenu, poser ses lèvres aux margelles de ces rivages...
Pour cela, aujourd'hui, en cette île, en cet instant, je suis nu ; nu de songe, de mot et de silence....