Les dits du corbeau noir

le Porteur de Paroles 28 02 2013 Bran du

Le Porteur de Paroles…                Bran du          28 02 2013

Je ne fais pas de ma soif la venue d’un déluge…
Je n’attise de feu qui ne soit clair en ses flammes…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

J’épouse les brumes et me couvre de brouillards
Et ma proue traverse les vagues de la nuit…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Barde je suis et tissé de Paroles…
J’ai trame dans le ciel où passe ma navette
Et les dauphins et moi recousons le manteau de la mer…
Neuf sont les flots portant l’Embryon d’or…
J’ai une lune à mon front et couronne de gui

Je suis ce que je sais , je sais ce que je suis l…

J’ai manteau d’étoiles à la voûte des Ages…
Mon char est attelé aux galops des éclairs…

J’ai été noyau dans la gangue de l’univers…
La lave de mes lèvres à durci contre mes dents…
Je suis le feu ancien et la brûlure nouvelle ;
J’éteins, par trois bonnes paroles, le feu des incendies…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Ma lance est passée dans l’oreille du chaudron…
En la nuit de Samain je fais chanter les joncs
Et presse le silence au jus de la question…
L’unisson est-ce lieu où s’assemblent tous les bruits !..

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Barde je suis, harnaché de Paroles
J’ai, de l’oiseau, et le chant et l’envol…
Je suis loutre dans l’étang ; assemblée d’herbes folles…
J’ai rameau d’importance et racines de vie…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Noires sont les voiles au grand mât de l’hiver…
Le gel a scellé la chanson des aurores…
Le vent hennit et mord dans le gras de la terre…

En ce temps là j’avais une pierre dans la bouche…
Nul écume ne battait mes rivages…l’Arbre n’était que souche…
Nulle chose n’avait langage, déserte était ma couche…
Le Chaudron reposait sur le trépied du cri…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Mon arc était sans flèches ; point n’avait de chaînes à ma langue…
Muselées étaient mes eaux, mon lit était à sec…
Mes doigts sur le roseau n’avaient souffle ni sons…
Sans bec fut le printemps pour clamer la jouvence ;
Et les branches pleuraient, sans bourgeons et sans fruits…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

Barde je suis, sans joug et sans licol,
La lumière tarde et le merle s’en désole…
L’ourse ne brille pas et le soleil s’affole…
Le lait ne coule plus, la vache s’est enfuit !…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

La Femme lors est venue, m’ a fait trois brins de tresse…
A la porte du Nord, Mon Arbre en feu se dresse…
Déesse est cette femme qui rallume mon corps…
Barde je deviens, en chevauchant la mort ;
Et braise ardente sous l’assaut de la pluie…


        Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

 

Le poème est la demeure du Roi
Souveraine est la Parole au centre de la Royauté
Solide est le chaudron dans la maison des justes ;
Ni fente, ni lézarde sur le trépied solide…
Et solides, les trois chaînes, qui soutiennent le noble attribut…

Aimables et bien ajustées sont les poutres maîtresses
Qui agencent le poème, l’ordonnent en son toit…

C’est un vaisseau en chênes qui affronte les chevaux de la mer
C’est le héros, le vainqueur du morceau, le favori des rois…

Les mots sont à leur place, os sur os, sur le bout de mes doigts
Et la vision est claire… :  je vois ce que je vois !

Les mots sont comme tenons et mortaises qui charpentent le Verbe puissant…
Les flots rudes n’ébranlent pas le rocher que je suis…

Je suis l’arc-en-ciel qui couronne le front ruisselant des pluies…
Je sais ce que je dis, je dis ce que je fais !

Les sept couleurs sont sur mes lèvres comme le sel mêlé à l’écume
Dans la blancheur des vagues venues aux rivages des hommes…

J’ai tonneau de cervoise servi à ma table et vin de Rome dans la corne aux boissons…
Ma barbe n’est ni broussaille ni buisson, mais les oiseaux du chant nidifient en ses branches…

La Parole est une coupe qui passe de soif en soif…
Les Trois Airs se mêlent dans le cœur de chacun…
Certains en connaîtront le miel et d’autres le poison .
Le Chaudron est notre juge et ne bouillonne que pour les justes et les braves…

Lors, je dirai l’aurore qui transperce le brouillard
La voile d’entendement dressée au mât brillant du jour
Et la Lumière jaillit de la nuit la plus noire ;
Le clair bandeau qui me ceint et me lie…

Je suis la racine et la sève, je suis l’Arbre de vie ;
Je suis le roitelet dans la haie à midi ;
Je suis l’Arbre de Mai et le bouquet du dit…



Je sais ce que je dis, je dis ce que je fais ;

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis !…

 

J’entends et cela me déplait qui embrume le cœur
Je vois la proie sous les ailes du faucon aux serres mensongères
Je vois l’ombre sur la terre qui étend sa noirceur ;
Haines et rancœurs se lèvent aux banquets de mes frères…

Voilà un temps où le ciel lui-même ferme ses paupières…
Voilà un temps où se flétrissent les serments ;
Où la parole se fait poussière…

L’ombre est sur nous, sur nous et sur nos vies,
S’étend, en nos pensées, un brouillard infini…
Plus ne viendra la fleur au mitan des prairies ;
Tarie sera la source, sans eaux seront les puits…

Les chiens noirs mâcheront le cuir de l’orgueil..;
La satire tissera le lin gris des linceuls…
Nous connaîtrons le deuil des saisons sans feuilles et sans fruit…
Que maudit soit le nom de Balor et maudite la fronde de son œil…

Sans nourriture, sans lit, sans boisson et sans accueil
Seront ceux qui piétinent la douce vallée des fleurs…
Comme Bres, jadis, leur renommée perdra ses feuilles ;
L’arbre de cruauté périra rongé de par le cœur…

Le chaudron s’est brisé sous les injustes paroles
Et la terre s’enténèbre et toute vie s’en désole…
Que la lance revienne dans la gorge d’où elle jaillit…
Que le bouton de honte et de laideur perce sur son dit…

J’entendrai les corbeaux crier parmi les cordes
D’une harpe suspendue au clou du mensonge…
Ceux-là auront trahi le soleil et la lune, le ciel et la terre ;
Parjures ils seront au jugement de la Mer et dans le sel qui ronge…

Je verrais cela de mes yeux grands ouverts
Et j’entendrai les cris dans la nuit qui se prolonge…
Je suis borgne il est vrai mais ma vision est claire
Et j’ai flamme en mes songes face au chien noir qui lorgne !…

Je suis ce que je sais, je sais ce que je suis
J’ai lumière en mes nuits et blanche est ma saie !

 

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Porteurs de Paroles             suite et fin    10 03 2013     Bran du

Stériles sont ceux-là et celles-ci dans l’enchevêtrement de leurs os
L’esprit ne les fécondent pas, point de lueurs en leur vie…


Branche morte sur l’Arbre du Dit, Points de sève sous l’écorce…
Nul invité à leur noce
Où l’on célèbre l’alliance du mépris et de la perfidie…


Le noble flot ne les atteint pas, ici l’eau stagne, s’évapore ou pourrit…
Sur leur lèvre s‘étale l‘avanie, nulle marée en leurs voix…


La tourbe remplit leurs oreilles, les vers rongent leur propos…
Ce ne sont que boyaux que les aigreurs harcèlent…

Ce ne sont que sacs de mots stupides et vains ;
Nulle semence, nul grain, nulle emblave pour demain…
Ce ne sont que greniers d’arrogance et d’indigence
Que flatulence d’outrecuidance dans une panse de vilain…


Insignifiante est leur demeure, de courants d’air est leur maison
Sans bière ni hydromel leur chanson… Ce sont hommes sans honneur !…


Rien en eux ne vibre de merveilles et de splendeurs…
Inerte est le tambour de leur peau…
Nul ornement, nul habit, nulle splendeur,
Mais que vêture de laideur, que noirs oripeaux…

Ils ne sont dignes de revêtir, de la poésie le vert manteau…
Rien en eux pour habiller le silence…
Ni herbe qui chante, nulle herbe d’or…
Rien de vrai, de juste, de clair et de beau…
Paroles en haillons, paroles en lambeaux
Paroles usurpées est la leur…
Paroles de confusions des sens et des mots…
Nulle parole hardie, nulle vigueur, nulle ardeur…
Que le bouillon tiédi et fade des imposteurs…


Langue pour les pourceaux, langue de parodie ;
L’inconsistance à trouvé ses serviteurs…

Amorgen je le dis - que sa mémoire en nous fasse sa demeure -
Est Père de Poésie et des mots le tresseur…
Barde, je suis, serveur en féérie et des magies du cœur…
Celtie est mon habit dont l’âme est ma sœur…

Je vois ce que je vois, et ma voix est la voie…
Je vis ce que je vis, je donne et je reçois…
Je sais ce que je sais, je sais ce que je dis…
Sage est ma folie qui fais ce que je suis !…





28/02/2013
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