Le Secret de la Vie/Tuan Mac Cairill. l'Herbe de Mémoire Bran du
Les Métamorphoses de TUAN MAC CAIRILL Bran du 1996
Tuan Mac Cairill
C’est là mon nom…
De cerf à aiglon
D’aigle à saumon
Je suis la mémoire de l’Ile…
J’ai connu les cinq âges *
Des Fils et Filles du Flot…
Moi seul entre le feu et l’eau
Ai souvenance du Passage…
Au temps de Partholon *
Premier peuple d’Irlande
Je fus cerf sur la lande,
Mais point n’avait de nom…
Le vent sait la chanson
Et l’écume le voyage…
Un matin s’en vint au rivage
Ce qui façonna mon nom…
J’ai connu bien des lunes
Et la ronde des saisons…
Comme le fer sur l’enclume,
Le temps a forgé mon nom…
Je fus cerf aux bois de vie
Et sanglier je m’en souviens
Et puis aiglon d’un blanc divin ;
Vautour aussi à l’œil de nuit…
Saumon alors je devins,
Mangé par une reine au bel appétit…
Passé neuf mois en son giron
Je fus humain et reçus nom…
* Tuan Mac Cairill est le seul survivant de la race de Partholon le premier peuple « mythique » à con quérir l’Irlande. Il connaîtra les cinq âges ( les cinq peuplements de la verte Eirin ) en se métamorphosant à chaque fois jusqu’à ce qu’il soit avalé en tant qua saumon par la reine Cairill qui l’enfantera… Il aura conservé en lui la mémoire et le savoir des origines ; devenu humain, il transmet alors ses connaissances… Il est le saumon d’immortalité…
LE SECRET DE LA VIE Bran du 1995
Merle moqueur, merle siffleur
Sais-tu mon bel oiseau
Le secret de la vie ?…
Je n’en sais que partie
Mais mon ami le cerf
En sait plus qu’il n’en dit…
Seigneur cerf, maître des forêts
Selon vous quel serait
Le secret de la vie ?
Je n’en sais que partie
Demande au vieil hibou
La lumière de ses nuits…
Daignez, sage sur la branche,
Eclairez ma conscience
Du secret de la vie…
Je n’en sais que partie
Demandez au roi du ciel
L‘Etoile dans le fruit !…
Aigle des mers, maître des vents
Direz-vous à ce passant
Le secret de la vie ?
Je n’en sais que partie
Le saumon bondissant
En connaît tout le prix…
Beau saumon des fontaines
Faites que mémoire me revienne
Du secret de la vie…
Le merle à dit sa partie
Et le grand cerf aussi
De même l’aigle et le hibou
Lors, je dirai le tout :
Enfant des terres franches
Retrouve les forêts de ta naissance
Retrouve la source et le puits
Et pour tout l’or infini
Baigne ton cœur en ce lac d’évidence !…
L’Herbe de Mémoire Bran du conte de Samain Miz Du 1996
…Ils ont enfermé ceux-là dans l’île. Ni arbre, ni bête, ni eau ; herbe rase et granite seulement… Trois jours de nourriture avec eux ils ont mais leur faim et leur soif sont ailleurs, là où nulle lance ne saurait les atteindre, là où nul javelot ne saurait percer le secret de leur cœur…
Neuf nuits sont passées. Ils sont debouts sous les étoiles… Le plus vieux chante encore, agite l’aubépine des songes sur le feu de ses pensées… La « fumée », poussée par la main du Nord, s’en va vers le continent avec la force et tout le poids de son vœu…
Seize nuits maintenant. Les étoiles ont bougé à peine. Le feu est éteint, le sang ne circule plus dans les veines…
La vieille Keban a vu, de ses yeux vus, neuf corbeaux s’envoler à la pointe de l’île ; neuf corbeaux sur la vieille route du Nord, volant bat sur l’eau ; neuf corbeaux chargés d’un lourd fardeau… Neuf corbeaux, elle a dit, au vol lourd sous le ciel…
L’herbe s’est refermé sur la terre où des lambeaux de saies flottent au vent, là où les os blanchissent entre sel et soleil…
Ils ont dit à la ville que l’empereur était mort là-bas, à Rome, sous les couteaux de ses pairs, là où le fils assassine son père…
Sur l‘île, un pommier a grandi qui donne pomme jusqu’en hiver…
L’enfant de Keban est descendu sur la grève et a bravé l’interdit… Par une nuit sans lune, il a nagé jusqu’à l’îlot. Il a lancé son cœur sur les flots pour tordre le cou à l’oubli…
C’était au début des mois noirs. Il s’est installé sous le pommier aux neuf pommes, il a porté l’une d’elle à ses lèvres… Lors, un corbeau est venu se poser près de lui… Une étoile à jailli dans la caverne du ciel…
L’enfant n’est jamais revenu au rivage. Nul ne sait ce qu’il est devenu…
La vieille Keban a ramassé les vêtements de l’enfant demeurés sur la plage…
Parfois, certains soirs, l’océan brasse un mystérieux breuvage où l’embrun se mêle aux souffles des vivants, où les flots, à pleines dents, mâchent, sans fin, l’Herbe de Mémoire !…