Les Ecritures du Rivage Partie 3 Bran du 24 02 2015
Les Ecritures du Rivage Partie 3 :
"Le littoral est cette bande incertaine où la terre et la mer se rencontrent et se mêlent .../...
Le présent ne serait-il pas le littoral du temps ?
Photographie et littoral appartiennent à la même civilisation ; celle de l'éphémère...
L'amour aussi est un littoral, un espace précaire où deux êtres se trouvent et se donnent...
Il s'agit bien de noces entre deux règnes...
Regardons, réapprenons à regarder...
Le regard est le premier ami des réalités fragiles."
Erik orsenna
"Peut-être que ce qui compte .../... C'est le jeu d'ombre et de lumière sur un corps vivant, l'harmonie des choses insignifiantes rassemblées d'une façon unique et inimitable ?" Vladimir Nabokov
"Qui peut se dire, en l'état des félicités actuelles, autrement
qu'effleuré ?
C'est une illusion que de se prétendre étreint." René Char
"Seule la marche permet cette perception aigüe des choses, ce mélange de détachement et d'attention qui ouvre à toutes les sensations et à un sentiment profond de nature..."
"Je commence à oser."
Gérard Depardon à la Pointe du Van (Finistère)
...///...
Pensées du rivage (en forme de haiku) 24 02 2015 Bran du
L'horizon à tiré un trait rouge ;
Un trait d'union et non de séparation...
Cela l'homme l'ignore encore !...
Est-ce l'absence de toute verticalité
qui fait que, face à l'océan,
l'homme se tienne enfin véritablement debout ?...
Quand l'homme est en rupture ;
divorcé de lui-même,
les vagues recousent sa pensée....
Le miroir se tient là,
plus immense que jamais...
mais nous ne le voyons pas !...
Si long le baiser
des lèvres qui se retirent
l'une après l'autre...
C'est peut être là
où dans la cathédrale de feuilles
que l'homme acquière un peu de consistance....
Seule
face à la mer
L'âme se baigne, nue enfin....
Tant de dunes,
de mamelons de sable,
que la main du vent caresse...
Je partage
avec l'oiseau
le reposoir du temps...
Les saisons
ne sont-elles pas
les quatre marées de la terre ?...
...///...
Les marées sont à la fois un recouvrement, un effacement, une réécriture, une recomposition et ceci en permanence...
Elles connaissent les mortes-eaux, mais aussi les amplitudes...
Demeurent des seuils au-delà desquels elles ne se retirent pas...
Cela ne les empêchent pas, par ailleurs, de grignoter bon an mal an quelques mètres carrées de terre arrachés à un sol, à un promontoire, au rivage lui-même....
Quoi qu'il en soit la grève est toujours la grève, mais sa surface ne cesse d'être "peinte" et "repeinte", transformant en oeuvre nouvelle l'étendue de la toile ou,tout au moins, amenant des variations plus ou moins importantes dans le paysage quotidien des roches et des laisses de mer...
Autant de tableaux changeants qui conservent cependant une structure et une "architexture" initiale, des lignes de force et des axes majeurs globalement constants....
Autant d'oeuvres picturales, de traits, de gravures, qui expriment tout à la fois le changement et la continuité...
L'écriture fluctue, mais la page demeure la même que chaque vague tourne de ses doigts afin d'y laisser l'empreinte de ses razzias marines, de ses fougues amoureuses, de ses attouchements subtiles, de ses fureurs et de ses rages...
.../...
Le terme de recouvrement à un autre sens que celui évoquant une submersion ; il s'agit d'une autre notion qui tend elle vers la restitution d'une faculté qui avait disparu...
On peut, par exemple, "recouvrir la vue"....
Et cette recouvrance là m'interpelle plus particulièrement....
L'homme est encore à un pré stade de recouvrance !...
La contemplation d'une marée montante ou descendante, du montant ou du baissant, n'amènerait-elle pas à l'idée que chaque vague nous apporte, nous "restitue" une part des origines, de nos origines, puis se retire nous laissant le soin de ramasser ou non ce précieux dépôt fait de vie et de mort avec les questions que l'une et l'autre nous posent en terme de conscience et d'existence ?...
Où en sommes-nous de nos "recouvrances" fondamentales, de cette "restitution" d'une identité initiale sur laquelle le nom d'homme ou de femme fut apposé et recouvert d'un sceau d'argile ou de marne ?
Qu'en est-il en effet après des milliers d'années d'usurpation, de falsification, de cette image première qui n'était que feu et lumière
se reflétant dans l'eau ?...
Combien nous faudra-t-il encore nous mettre davantage à nu pour recouvrir enfin la vêture qui sied à notre présence au monde ?...
Et nous débarrasser de ces haillons d'orgueil et de mensonge dont se parent nos arrogances et nos outrages envers une Vie qui n'aspire qu'à la beauté... (Non l'esthétique beauté conventionnelle, mais celle dont l'éthique réside dans sa puissance, sa force brute et vive, de vérité !...)
...///...
La nature semble vouloir nous enseigner la pérennité d'un Fond tout en faisant évoluer les formes qui le manifestent...
C'est "l'immobile en mouvement" !... C'est aussi la pensée en action ; celle qui garde toujours un centre dans les fluctuations de ses périphéries...
Les pierres des Grands Anciens nous disent aussi cela en leur assemblées de lune et de soleil....
Il y aurait, si on en doute, un aspect "immuable" en toute chose et une succession de changements induits par un noyau central, un moyeu, un mitan, un milieu, régisseur de tous les agencements engendrés par lui-même...
La question se pose en effet et nous en ferons longtemps le tour, si nous ne faisons pas le point à son sujet et si nous ne plaçons pas ce point au coeur même et central de la sphère interrogative !...
Qu'est-ce qui, en nous, est de nature "immuable" ou "éphémère" et qu'est-ce qui ordonnance nos mises en formes ?...
Les mouvements de l'océan ne sont pas sans réponse à cela pour autant que nous apprenions à naviguer sur nos eaux intérieures
et à plonger en elles !...
...///...
La mer méconnait la "fixation", l'ancrage, la mise à demeure, et se méfie même des "définitions" !....
Le jour où l'écume me viendra aux lèvres, il ne me sera plus de "terres inconnues" !...
Voilà un élément qui ne sait ce que le mot exil signifie...
La mer est partout chez elle et tous les continents font partis de son territoire...
Elle habite, en fait, toute la terre...
Son voyage est incessant et les courants sont des vaisseaux qui la transporte d'une rive à l'autre d'un pays qui est, pour elle,"planétaire"...
Elle n'a pas besoin pour affirmer ses conquêtes
d'hymnes ou de drapeaux !...
Avons-nous l'âme aussi libre que les lames qui déferlent sur le rivage du quotidien ?...
N'y aurait-il que les poètes et les aimants pour chevaucher les "chevaux de la mer" ?...
...///...
Elle borde chaque pays côtier comme une mère le ferait d'un enfant avant son endormissement...
Elle connaît la plus ancienne berceuse qui soit venue au monde...
Le soleil est son parrain et la lune sa marraine...
Il n'est aucune étoile qui en en son sein, la nuit, ne se baigne...
Qui nous dit que chaque galet empilé sur la plage ne médite pas sur le tour qu'il prendra lorsque la vague le serrera dans ses bras ?
De quoi sommes-nous faits (outre le sang, les chairs et les songes) pour que, les yeux plongés dans le fluctuant creuset, nous ne soyons en rien fondamentalement transformés ?...
Qu'est-ce qui, en nous, se refuse à la métamorphose ?
Il nous arrive bien, parfois, de laisser l'amour modeler notre âme...
Alors ?...
Est-il un plus grand amour que celui qui embrasse toute la terre, tout le "vivant" et nous avec ?...
Quel moine copiste
N'aurait-il pas rêvé
d'un tel écritoire ?
L'oiseau et moi
respirons le temps imparti
au bonheur d'être là !....
...............///////................