Michel CAPMAL Passeur de rêves et de lumière
Michel Capmal L’Etoile dans la crypte Une lumière dans l'échancrure du temps...
Redevenir oiseau
Envol vers les îles, vers l’océan. Envol !
Oublier cette nuit bruissante de sortilèges.
Partir avec le vent…
L’aurore…
Son reflet, son étreinte.
Un doigt de lumière sur le plumage.
Surgit une paupière de sang sur le poitrail
Et l’œil unique ouvert sur l’azur des lointains.
Sang répandu sur l’eau
Dans l’écume sa transmutation en cristal d’écarlate.
L’envol !
Malgré tout… (Pari tenu ou parole donnée)
L’envol !
Maintenant !
Chaque matin
Les paupières mi-closes et dès le premier respir
Saluer toute l’étendue offerte
Que pas à pas jusqu’au soir
Nous nous donnerons pour tâche de franchir
Au risque des précipices creusés entre chacun
De nos gestes de sincérité désemparée
Et à même nos paroles de bienvenue
D’un seul souffle atteindre les crêtes de ces montagnes
D’azur, de sel, de cristal
Et qui surgissent soudain au plus prés de nos épaules
Alors seront frappées de stupeur les machines à détruire l’amour
Ces machines à semblance humaine qui se démultiplient dans une ténébreuse éternité
Elles établissent en tous lieux un désert de cendre, un envers de la vie
Dans nos nuits, ces montagnes resplendissent, se rapprochent à chaque intense battement de cœur
Dans les doux et fertiles replis de nos organes
Dans les remuements stellaires de nos songes
Nous dévoilant quelques nouveaux arpents de la vastitude
Du territoire contigu et obstinément ignoré
Montagne de quel arrière-pays ? Le pays d’avant, le pays d’après
D’où l’on n’est jamais parti et où l’on ne cesse d’arriver
On dit que ces montagnes sont aussi des cerfs volants rouge et or
Capturés par des enfants fugueurs qui auraient fait alliance avec les nuages venus de loin
Ils replient, souvent s’y reposent leurs ailes et se nourrissent des minuscules tourbillons du vent
Qui les emporte vers de longues et secrètes migrations
Cela se passe juste au bord de la nuit, au bord du jour, au bord du ciel
Lors de ce bref instant où apparaissent les hautes terres aux yeux de ceux et de celles qui ont voulu leur vie insoumise et dont le cœur connaît d’emblée le chemin de la caverne du dragon
En filigrane, la crypte
Descente spiralée, feutrée, aveuglée
Lèvres blanches dans l’attente du souffle
Qui portera la lettre initiale du nom perdu
La chimère impossible que l’on croit découvrir derrière la porte de son tombeau
Est un enfant qui dort lové dans son rêve contre un jeune chat blanc et noir
Et tour près de lui un lézard rouge et or aux doux yeux mélancoliques
Petit dragon aux ailes repliées sur ses écailles de verre captif d’attaches secrètes
Cet enfant qui dort à été un enfant mort
Il a attendu des milliers d’années pour respirer à nouveau
Après la dévoration d’un autre lui-même dont plus tard il retrouvera le regard et le sourire
Lors de l’irruption de cette lumière sombre, écarlate
Porteuse de la présence de ceux et de celles qui n’ont pu grandir ni vieillir
Alors… Inexorablement, la nuit très lentement, très vite, le visage de la foudre
Et son double comme un feu de forêt.
Il est un autre versant de la nuit où se taire revient à s’accorder avec la présence
De ce qui nous lie à son secret.
Il est un autre versant de la nuit où le silence est une manière de savoir-vivre.
Le temps aurait-il ses raisons de nous égarer dans ses rouleaux d’enluminures
Nous invitant à chercher l’ivresse dans une fleur spasmodique
Qui ne charrie que sang et boue, cadavres et arbres foudroyés ?
Aucun de nous ne déchiffrera l’ultime hiéroglyphe,
N’arrachera ni ne verra le masque sur lequel il est inscrit
C’est une divinité sans nom et sans visage qui le porte
Cette bouche absente parle avec la voix d’un démon et nous dit : « voilà ! »
« Il y aura toujours pour vous obscurité et horreur, lumière et feu,
Sous les étoiles qui s’éloignent et disparaîtront de votre ciel
Vous vous obstinerez à vous noyer dans le maelström du temps.
Avec le fol désir de remonter vers la source oubliée où de vous perdre dans un estuaire
Comblé par des sables mouvants. »
Dans cette rue déserte ou sur le chemin de campagne.
Juste derrière la porte.
Des pas se rapprochent puis s’éloignent.
On a murmuré quelques mots
Des mots qu’on ne prononce qu’à la fin de la plus nocturne des nuits.
Pour que l’aurore, croit-on, n’en retienne que l’impossible
Et qu’une déchirure s’inscrive dans le ciel dès que les oiseaux chantent.
Pourtant personne encore n’a parlé.
Dans cette crypte, il n’y a que toi et moi.
Toi qui a voulu mourir.
Et moi qui rêve éveillé et te regarde tourner la tête de mon côté ouvrant les yeux pour me dire :
« Le temps s’est endormi mais peut-être a-t-il fait un détour ?
Juste pour un instant. On ne saura jamais pourquoi.
Mais cet instant sera tout notre temps,
Puisque notre enfant ne peut naître que dans la cinquième saison.
Ce n’est pas céder à la mélancolie que se retourner, à peine l’instant d’un sourire
Et paupières closes, vers des interrogations vouées à rester béantes, toujours.
Pourquoi furent-ils soudain interrompus ces apprêts sur la margelle ?
Et ce long détour par les gouffres ?
Dans leur labyrinthe, à tout moment, on peut rencontrer le point vélique.
Il s’est éloigné du centre car un tel centre n’était qu’une polarité dégradée
Il erre redoutablement.
Le face à face est imminent avec ce quelque chose d’aveuglant et d’obscur qui est de l’innommable à peine dénoué comme une antique parole enchâssée vive`en un bloc de ténèbres.
Pourtant cela n’est plus rien, qu’un ancien vertige.
A propos de : L’Etoile dans la Crypte de Michel Capmal (Bran du déc 2009)
Un texte « visionnaire », prophétique pour tout dire…
C’est un texte luisant à la surface des ondes et partageant son bain d’encre avec le plein dénudé de la lune en son quartier de femme… Je me suis autorisé à y tremper aussi mes songes !…
« …Ceux-là qui ont bu au feu du cinabre, ceux-là seuls chevauchent les nuages, leur pensée se fait neige, rosée, givre ou pluie en terre des poètes…
L’île, ils la connaissent, drapée d’ailes blanches et noires…
Tout n’est pas à dire, le jongleur de mots ne nous livre qu’un fragment, mais par le fragment certains pourront remonter le fil tendu qui oscille et balance entre l’inconnu et l’immensité…
Toute matière rêve d’envol, de transmutation, d’éclats de gangue ou de gousse… De délivrance du Noyau…
Le chant sait, il sait combien les lèvres sont tremplins pour l’Oiseau de la Parole, mais le silence aussi à ses rémiges !…
Il n’est pas une seule montagne qui n’est ses passes, ses failles, ses cols d’hermine ensanglantés d’aubes et d’aurores… Nous marchons d’un pas enspiralé vers ces anfractuosités où s’engouffrent les siècles…
L’île, ils l’ont toujours connue, elle bat comme leur cœur au sein de leur poitrine…
Ils savent peu, sachant peu, ils savent beaucoup, ce qu’il faut pour prendre la barre de ces grandes traversées qui affouillent l’océan mystérieux que bordent les nuits et les jours…
Leurs ailes qu’ils ont grandes enveloppent le nid de la question, l’œuf de la connaissance…
Lors, ils ne pensent plus, ils couvent !
Quand l’athanor nocturne a achevé son œuvre, la réponse est un cristal venu au monde dans la taille parfaite d’un diamant…
Le ciel peut faire glisser son suaire enténébré… Les nudités s’étreignent….L’enfant est d’azur !…
Escarpées sont les sentes taillées à flanc de roche, mais le vertige est bien plus profond qui assaille le penseur…
Des aigles planent, jouent dans les courants ascendants… Leur ombre parfois recouvre les brûlures du soleil…
La progression est lente, chacun s’est encordé à ses souvenirs, à ses espérances…
Bleu est le lac dans la paume minérale, mais qui le sonde trouve la lave ancienne, les premiers jaillissements, les premières convulsions, la fournaise, la compression, le magma des origines…
Le souffle se fait rare, le précieux souffle !…
Hier gît dans la plaine, là, en dessous, cerné de briques et de ciments, de pierres montées à sec…
Que cela paraît loin, que ces vaines agitations paraissent dérisoires… Tout ce sang qui va et vient
entre la vie et la mort… Univers si tièdement, si misérablement, si artificiellement réduit aux petitesses des hommes…
Des roches roulent vers l’abîme, d’autres dans le précipité des torrents…
Pour l’être libéré des pesanteurs héritées, ses rêves ne sont que cascades, que bondissements, qu’éclaboussures, tout cela que les vagues prendront dans leurs bras aux grandes marées de la Vie…
Ceci est sans limites… La peur depuis longtemps a renoncé à s’accrocher aux basques de ceux-là qui cheminent le front face à l’immense…
Ce sont des pérégrins de l’absolu, des migrateurs obstinés qui, d’une saison à l’autre, pèsent sur des routes élues leur poids de songe et de réalité…
Ils savent, ils ont toujours su, la peau frémissante et nue des Hautes Terres, ces Territoires haletants que l’Esprit enlève dans ses serres…
Ils boivent aux sources pures, se lavent dans le crépuscule des dieux, font des offrandes de sel et de sauge…
Ils ont des autels dressés vers l’horizon, des autels de chairs et de sang, qui lâchent leurs colombes quand leurs mains s’élèvent puis s’ouvrent…
Ils savent ce qui est « entre », l’interstice est leur passage, leur défilé, leur aspiration traversière…
Ils se glissent, se moulent, épousent…
Leur peau rugueuse et tannée ne craint pas de se frotter à l’épiderme des millénaires…
Ils ont enterré la mort, là-bas, dans un passé submergé d’avenir…
Ils lui ont fait un tombeau de galets, d ‘algues et de bois de naufrage…
Les rouleaux du flot lui font une litanie d’équinoxes et de solstices…
Jamais, ils n’en porteront le deuil !…
Initiés ils sont, aux arcanes majeurs…
Ils ont reçu la braise, le mot incandescent…
Ils ont dépendu la chose et son contraire !…
Ils ne tracent plus de cercles car ils sont le Cercle en mouvement…
Ils savent l’échancrure, les flux qui s’y déversent, la sève, par eux, conquise…
Il n’est pas d’enfantements qui ne portent leur sceau, de cire rouge et blanche…
Ils gîtent dans les forêts, sur l’humus, sur le terreau qui recomposent les formes vives au printemps de l’amour…
Ils ont parfois des feuilles au bout des bras, un fruit mûr ployant en leurs branches d’automne…
Leur pelage brille sous le baudrier d’Orion, se mue en écaille quand mugie la Grande Ourse !…
On en saurait en dire davantage et c’est déjà bien trop !…
Vide est la coquille
Dans le reflux du temps
Fou, celui qui prétend enfermé le Poème…
La gemme est dans la crypte veillée par tant d’étoiles
Que la terre se surprend à ressembler au ciel !… »
Alan 17 12 2009 23 H 31