MONTS D'ARREE TEXTE BRAN DU 2024 09 09 2024
Les Monts d'Arrée
Monts d'Arrée... Bran Du Septembre 2024
La terre nue, la pierre nue, pour la plupart un champ de désolation et pour quelques rares individus une épure et une recouvrance...
Vivre lors « élémentairement », buter sur les cailloux du chemin et renverser les pensées encore accrochées aux antiques et illusoires conforts des jours précédents...
Ici et là quelques triangles d'épicéas tous pointés vers le ciel en attente d'une possible fécondation d'étoiles...
Vaste territoire balafré par les vents du Nord où la bruyère est reine et où les sentiers se tordent le cou en perdition de ciel...
Herbes rases, chiffonnées par un perpétuel automne, mousses et sphaignes dopées par des incendies récidivistes...
Ajoncs noircis baignant dans les cendres des flammes de l'enfer et cependant, et pourtant, quelque part, le rire ironique d'un paradis que l'on ne sait plus voir ni entendre...
Eaux stagnantes en cuvette noire qui tentent nocturnement d'arracher à la lune quelques lambeaux de sa robe d'argent...
Quelques digitales ambassadrices d'un vert jadis rayonnant et conquérant...
Marcher est pourvoyeur d'un déséquilibre presque permanent qui toutefois vous met de la stabilité dans la tête, de l'emprise et de l'assise dans le cœur... !
Il n'est ici qu'un but : se perdre en attendant de fêter les retrouvailles originelles et primordiales avec soi-même...
D'où l'absence repères et la non nécessité d'une orientation précise...
Il ne s'agit donc que de déambuler dans le dénivelé d'un monde antinomique avec celui qui définit votre vie pour mieux en faire la vivisection...
Aller, allonger le pas entre ombre et lumière, godiller dans l'étendue ouverte comme un océan de crachins et de brumes, suspendre son souffle aux patères des monts et collines, respirer la tourbe et l'humus et sentir combien cela est compatible avec notre chair, notre sang, nos nerfs et nos muscles...
Âpre et rude est le paysage et tout ce qui le constitue, le regard ondule et oscille d'une motte à l'autre au risque de tanguer jusqu'à chavirer dans l'agonie des fougères...
La caillasse est partout et la sente est ravinée par d'incessantes intempéries, on progresse de creux en creux, de flaques en flaques, comme on peut et d'une démarche d'ivrogne dont l'ivresse résulte du paysage lui-même...
Le schiste acéré parfois comme une aiguille lacère les saisons, déchire les nuages, fracture le temps lui-même...
Etrange sensation de solitude alors que tout l'entoure vous peuple jusqu'à l'os...
Oui, ici le Roi est nu, mais quel royaume ! Les vents sont ses vassaux et les tourbières, la table de ses noces et des banquets d'alliances plus solides que le roc, plus flexibles qu'un genêt, plus fidèles qu'un lichen, plus entêtées qu'un prunellier sauvage....
Lors se font entendre les voix du silence, les mouvements des ondes, le chant des flux et des fluides, le murmure de sourdes blessures qui ne trouvent pas leur onguent...
Et cela circule comme sang dans vos veines, comme souffle sur vos lèvres, comme une envolée d'oiseaux dans le ciel pur de vos songes...
Des cloches sonnent du côté de Commana comme pour signifier que quelques humains o combien téméraires ont trouvé ici sources et racines, berceau au pendant de la tombe, étoile dans l'obscurité de leurs nuits, chants féconds répondant à l'avortement des cris et terre noire pour blanchir leur âge...
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