Les dits du corbeau noir

MYRDHIN LES GRANDES DAMES DE LA LEGENDE FREHEL ET LA MORT DES FEES 2020 16 01 JANVIER

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 Photo Bran du

 

 

 

 

MYRDHIN « Les Grandes Dames de Légende »

 



Fréhel et la mort des Fées...

Publié dans les Serviteurs de l'Awen et Armor-magazine

 



Eul lagad lemm, eun dornig fresk

eur c'horfig mistr evel ar pesk

E Bro Frehel oa he zi boemerezh

Nemet gand eun darn vel aret

ar stoubinenn oe diskennet

e dour lenn evel er mor glas

d'ar c'hoari gand ar pesket bras.... (*)



(*) « Un œil vif, une petite main fraîche, un petit corps frétillant comme un poisson, au pays de Frehel était sa maison enchantée et quelques-uns disaient que la fille était descendue comme une sirène dans lamer bleue pour jouer avec les grands poissons. »



Au fond de la grotte aux Fées, siruée à l'entrée ouest de la baie de la Fresnaye sur les Côtes d'Armor, se voit encore un gallinacé qu'on ne peut entendre « chanter » qu'à minuit. Près de lui, une sorte de nain est assis sur un trépied de chêne entre un brasier ardent et un mégalithe qui visiblement ferme l'entrée d'une galerie.

Là serait caché le trésor des fées, c'est-à-dire des sirènes très nombreuses qui peuplaient les rivages découpés de la Côte d'émeraude jusqu'au milieu du siècle dernier. Plusieurs personnes du Pays de Fréhel assuraient encore, il y a un siècle, avoir vu ce petit homme sortir la nuit non loin du pont de la Ville-Hesry pour distribuer des écus d'or à des femmes inconnues. S'agissait-il de Sébastien, filleul de la Dame de Poulifée, celui qui, après avoir posé les bonnes questions, serait devenu l'héritier de leur secret et le gardien de leur trésor ?

 

 

 

 

 

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Les grottes des Côtes d'Armor sont fabuleuses. Je suis souvent descendu moi-même au Pays de Fréhel dans les houles de Crémus, du jas, ou de Château-Serein. Leurs parois sont tapissées de fucus et de mousse, de lichens et de goémons et, comme disait Théophile Briant, « de toutes les toisons humides, de toutes les moisissures somnolentes qui engendrent le mouvement et la vie. »



Aucune n'est plus impressionnante que celle de Poulifée et l'on assure dans les landes voisines que personne n'a encore pu atteindre le fond de cette « goule ».

J'ai cependant rencontré un pêcheur – était-il bravache ? - qui dit y avoir vécu. Cherchait-il sous les eaux une terre plus hospitalière ? Peut-on le croire quand il nous dit y avoir dormi dans une chambre parfaitement meublée ? Certes,il précise que les bancs, les tables et l'escalier rampé étaient de gré rose...



Au temps où la fée maîtresse de Fréhel y faisait sa demeure, elle en sortait pour se promener, et maintes fois, les pêcheurs l'ont vu danser avec ses consœurs la ronde au clair de lune sur les bruyères du cap. Elles sont toujours en nombre impair si bien qu'il y en a toujours une qui « reste au Hâle » comme on dit ici, à moins que ne surgisse un petit homme des plus laids, lequel demanderait à entrer dans la danse. Cela peut arriver mais, qu'à une seule condition : que la lune soit en même temps montante et croissante, et ceci dans un signe d'air et double...



Elle prenait plaisir à rendre service aux gens du pays et de nombreuses histoires en témoignent. Les jeunes filles oui femmes qui allaient faire paître leurs moutons sur la lande descendaient les dangereux sentiers de la falaise et déposaient à l'entrée de la houle leurs quenouilles chargées de filasse ; quand elles y repassaient au crépuscule, leur quenouille était des mieux filées. Les cultivateurs de Vâlé, vieux et fatigués, voyaient leur croc et leur bêche labourer tout seuls s'ils acceptaient que leurs outils n'aillent pas trop profondément dans la terre. Les bergères quant à elles, avaient parfois la bonne surprise de voir sécher sur la lande de fines lingeries. Il fallait alors les atteindre sans papillonner des paupières, sinon, tout le beau linge blanc disparaissait en un instant. Certaines familles étaient ainsi favorisées par ces enchantements venus des profondeurs.

 

 

 

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Myrdhin

 

 

 



Un jour de juillet, la grande fée parraina le fils d'un homme de Trécelin. Fort et beau, il reçut d'elle beaucoup de dons, mais une des fées de Château-Serein, rivale et jalouse de la marraine de Sébastien, résolut de faire mourir le garçon quand il atteindrait ses dix-huit ans. La fileuse de Poulifée qui veillait sur le garçon eût vent de ces vilenies et creusa dans la falaise la houle de Crémus où elle cacha son protégé jusqu'à ses vingt ans.Ce fut le temps de l'initiation ; Sébastien se sentit retourner au néant . Ne fallait-il pas mourir trois fois pour connaître la terre de l'éternelle jeunesse, Tîr Na nOg ? Il dût affronter les terribles dangers que l'on imagine et que l'on imagine pas. Cet abîme, on l'appelait le « terfond » ou encore « le fond de la grande marmite » et le proverbe que l'on a bel et bien oublié en nos jours superficiels disait :

« La mer connaît seule la profondeur de la mer. »



La première épreuve fût la rencontre du Juru-Du, le méchant esprit-poisson, celui qui décore les corps des noyés. La seconde fût d'échapper à Laez-Hent-Tan, celui qui fait bouillir le fond de la mer comme un pot ; puis il y eut le combat avec le serpent Mitgard, il dût aussi passer une rivière de sable, vaincre le géant Meur-Tel et aller chercher le fou de Bassan qui se trouve dans un nid d'or au sommet d'une « cheminée » naturelle ; un pic à la pointe du cap dont il reste encore un beau vestige aujourd'hui.



Il atteignit enfin la grotte harmonieuse dont le nom est An-Na-Vine. On la nomme ainsi car les chants de la mer et du vent mêlés produisent des effets merveilleux..Ce sont les harpes éoliennes des ombres merliniennes disent les Bretons qui rattachent l'idée de Merlin à tout ce qui leur paraît surnaturel. Trois galeries partaient de cette grotte ; la première s'étendait bien avant sous les terres peut-être jusqu'à l'église de Plévenon. Elle le mena à l'épée de lumière. La seconde galerie cachait un dragon que Sébastien conduisit par un licou. Au fond de l'excavation une ânesse harpait. Elle finit son lai et offrit sa harpe de saule au jeune homme.

 

 

 

 

 

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Après bien des aventures et des rencontres merveilleuses, Sébastien traversa la troisième galerie et parvint à la chambre au Chaudron gardée par la reine des Fées. Il coucha avec elle et aux aurores la Reine l'invita à rester pour garder sa jeunesse.

Durant ce temps d'engloutissement, il fut initié et devint aussi habile que sa marraine. C'est lui qui m'a livré le portrait de sa Dame de la Houle.



« ...Quand elle prenait place sur une pierre d'émeraude, je la comparais au croissant sans tache dans le ciel pur de l'été. Elle était une fête pour mes yeux ; une incarnation de l'aptitude du créateur innommable à produire des merveilles. Elle était aussi gaie qu'une hermine jouissant du coucher du soleil. En la voyant s'approcher de moi, tous les poils de mon corps se hérissaient comme si le dieu à l'arc de fleurs m'avait entièrement couvert de flèches. Ses deux seins étaient les calices qui répandent l'eau du sacre pour le couronnement de l'Amour. Les trois plis qui s'enroulaient autour de son ventre n'étaient que les vagues de l'océan, son père ; ses regards faisaient éclore des ajoncs d'or partout où ils se posaient et ses pas faisaient surgir sur le sol des bouquets d'asphodèles. Elle était, avec le lever de la lune et la cinquième note de la harpe, le plus dense de mes enchantements. Comprenez que les yeux de ceux qui ne l'ont pas vue n'ont servi à rien.... »



Sébastien me confia plus tard que sa marraine ne rêvait que de le boire avidement des yeux comme la femelle du cormoran voulant absorber le dieu Belen ou s'abreuver à ses rayons solaires. Elle lui avait longtemps caché le secret de l'éternité des fées. Elle le lui révéla un jour de fête de Samain et ajouta qu'un peu de sel placé dans la bouche des fées les ferait devenir mortelles comme les humains. En apprenant à son filleul le dernier secret qu'il lui restait à connaître, elle lui recommanda de bien se garder de se servir du pouvoir qu'il avait.



« Si tu fais mourir une seule fée, toutes deviendront mortelles, moi comme les autres. »



Sébastien fit de belles promesses mais, un jour qu'il chassait du gros gibier, il vint auprès du Chateau-Serein, entra dans le bois et vit la jalouse fée qui l'avait persécuté endormie au pied d'un sapin ; la colère le troubla et il versa du sel dans la bouche ouverte. Elle se réveilla comme si on l'avait brûlée avec un fer rouge et elle s'enfuit vers la grève de Géran où elle s'affala en poussant un horrible hurlement de douleur qui fit trembler les falaises des Corbières à Caroual.



Depuis ce jour, toutes les fées disparurent de Bretagne, à moins que, dans chaque fleur d'ajonc, de bruyère ou d'asphodèle....

 

 

 

 

 

 

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17/01/2020