Passeurs de géopoésie Kenneth White
En compagnie de Kenneth White
“C'est en dansant la danse que le danseur avance en nudité.” K White
Un monde ouvert Anthologie personnelle des poèmes de Kenneth White
Poésie Gallimard édition extraits
Préface de Gilles Plazy
“... Rien ne me paraît plus négligeable que le poète réduit au poète.” P Valery
“La seule voie grande et sûre par les temps que nous vivons : celle du retour aux principes.” André Breton
POUR Gilles Plazy, Kenneth White, selon le mot d'Hölderlin, est “celui qui habite poétiquement la terre” un habitant du “monde blanc”, de la “terra incognita”...
Son écriture est une invitation à voyager hors de notre monde cloisonné, à laisser nos esprits respirer, rêver, penser, en recueillant les signes qui viennent du monde entier, d'un monde ouvert...
Il s'agit en cette pratique de concilier, de confronter intelligemment, sensiblement, le “lieu et la formule”, les “limites et les marges” ; une formule qui serait le sésame qui ouvre les sens, la pensée, l'imagination...
Tout commence à ce moment où la conscience se retourne sur elle-même et jouit de sa lucidité, qui se confond avec le vide dans une candeur incandescente...
C'est avoir un sens vif de paysage, faire l'expérience d'un monde, dont la nature, peu transformée par l'homme, nous rappelle à notre origine...
“Etre là, simplement, ce n'est pas rien.” La simplicité n'est pas donnée ; elle est à conquérir, comme la poésie...
Une poésie du regard, du constat, de la présence au monde...
(Pérégrination – Poème – Recherches : des éléments de la “géopoésie”.)
“La plus haute poésie arrive à se dire dans un langage extrêmement clair et simple... pénétrer dans cette simplicité n'est pas facile...”
“Si tu t'attaches à la poésie, tu ne comprends rien ; si tu t'attaches à la sagesse, elle se déssèche.”
Fréquenter, dans la littérature, les esprits de haute volée existentielle (Nietzsche, Rimbaud, Giono, Breton, Thoreau, St John Perse, Segalen...)
Etre selon le terme de René Char “ en commune présence.”
Et trouver, habiter, animer, les territoires de l'être...
S'imprégner de “l'esprit du monde flottant”...
Seule importe la présence au monde et la présence de l'homme au monde...
La beauté est partout, incompréhensible, inexplicable. Elle surgit unique et nue, c'est à nous d'apprendre à l'accueillir en nous.
Le monde est flottant, les choses sont mouvantes et, dans cette confusion qui est la vie même, la poésie ordonne des signes et des symboles; dégage des harmonies nouvelles...
Affirmer la nécessité de se mouvoir, méditativement, dans un espace élémentaire et de pénétrer jusqu'à une conscience première où, à une sensation d'immensité, s'allient quelques perceptions précises, quelques moments exacts...
K White initié le “poème-essai” qui vraiment parle et dit ce qu'il a à dire...
“Avoir des gestes absolus dans un espace clarifié.”
Etre là, regarder, sentir, s'ouvrir au monde qui est mouvement et lui-même sans clôture...
Une fondation mouvante et posée...
Avec des traits, si fulgurants, que dans leur nette énergie, ils relient toutes choses en les faisant irradier...
Ouvrir un espace de pensée poétique planétaire, sous le double signe de l'intensité et de l'amplitude... Selon le double mouvement de l'investigation et de l'expansion...
La limite n'est pas une frontière, la marge n'est pas un dehors ; ce sont des interfaces, des lieux de transit et d'échange dans l'ouvert et l'indéfini...
La géopoésie projette l'homme en dehors de l'humain...
C'est un rendez-vous radical...
Une aptitude à l'extravagance (extravaguer : quitter l'autoroute de la pensée.)
En poésie, il n'y a pas de conclusion, seulement la nudité et la figure d'une danse...
…................... … /// … /// … /// …........................
“C'est seulement lorsque nous sommes seuls avec nous-mêmes que brillent soudain à nos yeux les dernières vérités” Léon Chestov “Sur les confins de la vie”
“Si l'on suit cette méthode, on trouver de l'eau séminale en abondance, le feu de l'esprit s'éclairera et la terre des pensées se condensera et se cristallisera.”
T'ai I chin Hua Tsung Chih
….................... … /// … /// … /// … …....................
( Réédition des “Cygnes sauvages” de K White le Mot et le Reste éditeur) extraits et notes
“Le cygne, avec les oies et les grues, est un des grands voyageurs du monde.” Homère
“On voyait clairement
remontant
le cours de la rivière
un étroit chemin de lumière.” Chant Aïnou de l'oiseau rouge sang.
“Pour connaître le vrai bonheur, il faut voyager dans un pays lointain et même hors de soi-même.” anonyme
Approcher les choses ainsi : “dans un état d'esprit libre, léger et sans complication”
Nagai Kafû
“un corbeau perché
sur une branche nue
crépuscule d'automne.” Bashô
Il dort, le chat, puis se réveille
baille longuement
et part sur le sentier de l'amour. Issa
Bienheureuse réédition que ce texte écrit en 1990 lors d'un voyage au Japon de Kenneth parti sur les traces de Bashô et autres “ passagers du vent et du silence”...
En ces temps de saturation auditive, d'opacité, de manipulations médiatiques, de verbiages outranciers, d'agressions diverses et variées, de confusionnisme savamment alimenté, d'hyper hyper consommation et compétition, de "surgelisation" et de "pasteuration" de la pensée il est sain, salutaire, de revenir à l'essentiel ; un essentiel qui ne se défini pas, mais qui se respire, se hale, se souffle, se partage, danse et s'enlace à tous nos sens heureux d'être les convives de cette tablée immédiate et existentielle...
Ecoutons l'ami K White :
“Se concentrer en quelques lieux... ici et là... (un espace pour l'esprit) et approfondir la notion même de “monde”...
La question qui se pose : comment sortir d'un état de confusion grandissant et recommencer ? (Faire usage, lors, d'une “puissance poétique”)
“Comment déconstruire nos systèmes de pensée et désenchevêtrer nos signaux ? “
“Certains théoriciens de la pensée ont pénétré jusqu'aux commencements dépourvus de tous présupposés et “évidents par eux-mêmes”....
(Manuel de Diegez “ Une Histoire de l'Intelligence”.)
L'acte primordial demeure celui de Rimbaud : “Chercher le lieu et la formule.”
Malgré le bavardage ambiant qui s'étale... discrètement, presque secrètement, en dehors de tous les enclos et de toutes les enceintes, suivant les voies et les lois d'une grande migration mentale, un autre espace de l'esprit commence, graduellement, à s'ouvrir et à se dessiner... K White
…........................ … / …
Sol nippon : Littoral et montagne. Golfes, baies, promontoire. Terre volcanique, convulsée, ravagée, lavée par le vent et le pluie, par les marées et les brouillards, par un jeu vaporeux d'eau, de brume et de soleil. Torrents fougueux, cascades et feuilles rouges...
Je voulais m'immerger dans tout cela : dans l'énergie et le rythme et la lumière de tout cela... Et si possible voir les cygnes sauvages venus de Sibéries s'abattre avec leurs cris d'outre-terre sur les lacs du Nord où ils viennent hiberner... Oui, oui, voilà ce que je voulais....
Le “U turn” au Japon c'est le demi-tour. Comme si le progrès était allé suffisamment loin et que maintenant il soit temps de retrouver et de cultiver ce qui avait été perdu....
On se demande si l'humanité ne pourrait pas s'arrêter tout simplement pendant quelque temps et jeter un coup d'oeil autour d'elle et dire, d'accord, il est temps de refaire le cercle....
Mais où est l'humanité ? Où sont les humains ?
Quelle chance le monde a-t-il dans toute cette foire de folies furieuses ?
On brûle les arbres et les herbes. On bétonne la terre.
Tout ça au nom d'Une chose ou d'une Autre.
Le seul espoir est dans une sorte de vide, d'anonymat...
Du shintô : voilà une religion sans dogme, sans système métaphysique, sans code moral, seulement un champ d'énergie vive gouverné par le soleil (“Respirez l'esprit du soleil”), et un monde mytho-poètique dans lesquels les rôles principaux sont joués par la mer, le vent, la tempête, le tonnerre, l'éclair, la pluie, les rochers et les arbres.
Les “torri” (portails de couleur rouge) sont des espaces sacrés qui invitent l'esprit à la fois à l'expansion et à la concentration... La symbolique de l'oiseau est forte dans le shintô. Sa couleur propice est le blanc et sa direction le Nord...
Le texte sacré est le texte naturel pour les Yamabushi (des ascètes errants)
“Le bruit du vent dans les cîmes des arbres, le grondement des vagues, sont des voix sacrées.”
L'idée du voyage zen ou disons, du voyage méditatif (voyager sans but et sans raison) était de “se laisser aller avec les feuilles et le vent.”, de dériver sans attaches. Cela impliquait de vivre dans le vent et le beau , c'est-à-dire avec le sens de la beauté éphémère et “de porter dans son coeur le mouvement du ciel.”
Oter ses chaussures
et marcher nu-pieds
Parmi les monts et les brumes...
A propos de Bashô : Bashô ne se plia à aucune discipline imposée. Trop homme de mouvement pour cela, trop désireux de rester “ un homme du vent et des nuages”... Il avait a priori un sens de l'impermanence, du caractère transitoire de toutes choses... Une perception claire des choses de la nature... (Il souhaitait semer les graines du Haïku)...
A propos des Aïnous : Entre montagne et mer (deux grandes forces) vivent dans un champ de force les Aïnous ; des humains qui essayent de vivre une bonne vie guidés par l'ours et la baleine, le hibou et le saumon...
“Ce que dit le hibou :
C'est moi qui ai
appris aux humains
dans leur sommeil
dans leurs rêves
que certaines choses
ne sont pas à faire
et soudain
un beau jour
ils ont compris.”
K White
…........................... … / …
K WHITE : l'apport des Celtes dans la culture européenne... extraits
éIls sont venus de loin – peut-être à l'origine (c'est une hypothèse qui me plaît et qui n'est pas sans fondement) des steppes eurasiatiques. A l'aube de l'histoire européenne. Ils sont concentrés ans le Sud de l'Allemagne, en Suisse, au Nord des Alpes, en France (où ils se lient avec les Ligures), en Espagne (où ils rencontrent les Ibères), sur l'île de Bretagne (où ils côtoient les Pictes). Plus trad, ils pénétreront en Italie, en Bohème, en Grèce (où ils se moqueront des dieux anthropomorphes), dans les Balkans, en Anatolie. Plus tard encore on les retrouve en petites bandes, ou individuellement aux quatre coins du monde ; partout et nulle part encore. Ils ne portent pas toujours le nom de “Celtes”. Peut-être n'ont-ils d'ailleurs jamais porté ce nom ? Il se peut que “Keltoi” n'ait pas même été le nom d'une petite tribu du Sud de la Gaule, mais celui que lui ont donné les Grecs de Marseille (à l'époque Massalia). Ce n'est que peu à peu que ce nom s'est généralisé. De toute façon qu'importe que ce nom. Ce qui compte, c'est un esprit...
… Si, dans certains poèmes celtiques, il y a autant d'exploits guerriers, autant d'éloges de héros que chez Homère, ce qui frappe chez d'autres, c'est la part immense qui y est donnée à la nature. Il faut traverser toute l'Europe et aller en Asie pour trouver l'équivalent, mais les poètes Celtes ont leur propre accent. …
Avec un sens de la magnitude du monde et une perception fine des choses... qui pour avoir été trop marginalisé, voire supprimé, à manquer trop longtemps à la culture européenne...
Au moment de l'arrivée du christianisme dans nos contrées, les Celtes sont parmi les porteurs les plus fervents des nouvelles idées, tout en gardant leur intérêt pour leurs valeurs païennes antérieures... D'où une effercescence intellectuelle de premier ordre – à tel point qu'Ernest renan allait pvuvoir dire qu'ils étaient “maîtres en langues et en littérature de tout l'Occident”.
Dès la retraite des armées romaines de l'Île de Bretagne, on entend parler de “douze maisons de Dieu” dans les collines du Pays de Galles. Peu après, Ninian, fonde sa “maison blanche” sa “candida casa”, dans le Sud de l'Ecosse, d'où partent des moines (on retrouve chez eux le goût de l'errance) pour l'Irlande, les Orcades et Thulé (l'Islande). Patrick s'active lui aussi en Irlande. Ces installations, ces propagations ne vont pas sans résistance de la part des païens – une résistance non dépourvue d'humour.
“Que comprendre à une religion s'écrie un vieux druide savant et lettré, où les hommes intelligents vont étouffer en enfer, pendant que tous les ignares imbéciles montent tout droit au ciel ?” Et plus d'un vieux poème insiste sur le fait que quand vivaient Finn et les Fianna “landes et rivages leur étaient plus chers que l'église” et que Finn “préférait le chant du merle au bruit de la cloche chrétienne.” Mai, en fait de paganisme, ou plus précisément le sentiment païen de la nature, va être traduit en termes chrétiens, constituant ainsi un des éléments qui font la particularité du christianisme celtique...
Un autre élément constitutif de l'originalité du contexte culturel celto-chrétien est l'influence venue directement du Moyen-Orient... il puis il y a Pélage, et le pélagianisme. L'extraordinaire chez Pelage, c'est qu'au moment ou la nation paulinienne et augustinienne du pêché originel est en train de devenir dogme, il la nie complétement. : la nature n'est pas viciée, il suffit de la travailler, il suffit de la cultiver. Les moines celto-chrétiens travaillent, se travaillent... l'étude va devenir élan...
Eric d'Auxerre évoque “ tous ces philosophes qui débarquent sur nos rivages”, en ajoutant que “plus ils sont instruits et plus ils ont envie de voyager.”
...Certaines autorités ecclésiastiques en place n'aimaient pas du tout ce “réseau nomade” qui est en train de se créer en dehors de leurs fiefs, “pour qui se prennent-ils”, s'écrie un évêque, “ces Scots qui ose être en désaccord avec tout le monde ?”...
Surtout que certains commencent même à propager des idées hautement inorthodoxes ; Clément n'était plus si sûr que le célibat était une bonne chose, et Samsom avait des doutes sur le baptême... bref, on fit tout pour arrêter et encadrer le mouvement, comme on excommunia Pélage.
L'histoire gagna, du moins en surface, mais un courant souterrain subsista, émergeant de temps en temps chez certains individus. Parmi eux : John Scot Erigène (IXè siècle), Duns Scot (XIIè) Georges Buchanan natif d'Ecosse, maître en latin et littérature de Montaigne à l'époque de la Grande Renaissance...
Plus prés de nous, nommons Victor Segalen, qui tout en ouvrant d'autres pistes, approfondit le curieux rapport qui existe entre l'Esprit Celte et l'Orient. André Breton qui fait l'éloge de Pelage “Ta tête droite sur tous ces fronts courbés.” :
Pierre Mac Orlan, né Pierre Dumarchey à Péronne où, à une époque, il y avait tellement de Scots qu'on l'appelait Peronna Scottorum, Blaise Cendrars, le bourlingueur dont la mère était d'origine écossaise. Saint John Perse, très conscient de ses affinités celtiques, pour qui “être un homme d'Atlantique ou un Celte semble être une même chose.”...
Aujourd'hui, il est question de l'Europe ;d'une Europe nouvelle. Si l'on veut (et il faudra bien y venir) qu'il y ait, sous ce nom, un authentique et inspirant “champ de culture”, où le local et le global puissent se joindre, ce n'est pas, ou pas seulement, en termes de rassemblements inter-nationnaux, inter-ethniques, inters-culturels ( un orchestre consciencieusement mixte, un parlement avec ses portes paroles patentés...) qu'il faut penser.
Il faut renouveler les choses à la base, sortit des soi-disants “destins historiques”, pour revenir à un sens de la migration, dépasser l'idéologie de l'identité et mettre en place un nouveau jeu d'énergies. Tout cela se traduira, en fin de comptes, en oeuvres.
A la base de toute culture durable, on trouve, non des rapports diplomatico-sociologiques, mais des oeuvres qui ouvrent des mondes, susceptibles de voyager d'esprit en esprit.
Ce qui marque à mon sens les oeuvres significatives surgies des champs de culture Celtes, c'est un sens de la nature (d'énergies premières, d'espaces premiers, de connexions subtiles), un élan explorateur, une effervescence intellectuelle, un humour éxubérant...
Vive le “génie fervent” des Celtes, qu'il continue à évoluer en dehors de tous les cadres, y compris ceux de la celtitude.”
Une stratégie paradoxale ( “Essai de Résistance Culturelle”) Presses universitaires de Bordeaux.
...................... ... /// ... //////// ... ... /// ..................
Kenneth WHITE Anthologie personnelle “Un Monde Ouvert” extraits
“Le monde entier n'est qu'un immense flux !” Li Po
“C'est du plus proche que l'homme est le plus éloigné” Héraclite
“De tout temps le rivage a été un lieu de révélation pour les poètes.” Vieux texte Celte
(le dialogue des deux lettrés)
“Ecoutant aux limites du monde
le silence des commencements.” Mandelstam
A propos de Xénophane de Colophon (poète et philosophe)
“Il parlait de la mer, du vent, de la terre
des nuages, des rivières
et disait que Dieu était rond.”
…........ … /// … …...........
Lettre à Erigène :
“...les anciens signes montent du matin
le crâne s'emplit et se vide avec la marée
énergies ramassées, le premier acte
côte rocheuse, rocailleuse, vents rudes
le langage nous dénoue, nous dénude
province de roc, racines – et lumières.”
…....... … /// … …............
Héron des neiges
“Et Tchouang-tseu demanda : que
voit-il donc, ce grand oiseau qui s'élève
si haut dans le vent ? Est-ce la matière
originelle tournoyant en poussières d'atomes ?
L'air qui donne vie aux créatures ?
Ou la force innommée qui anime les mondes ?
Sur la branche brisée le héron
telle l'ombre d'une réponse
dans le vent se balance
et fixe intensément le monde questionneur.”
…........... … /// … …...............
Mes propriétés ( pour Henri Michaux)
Propriétaire je suis moi aussi
j'ai douze arpents de silence blanc
tout au fond du cerveau.”
…............ … /// … ….............
Lumière de Scalpay
Voici le sommet de la contemplation, et
nul art ne saurait l'atteindre
bleu, si bleu, le lointain archipel, et
la mer qui miroite, miroite
nul art ne saurait l'atteindre, ne peut
que tenter de s'y accorder
de s'apaiser, de s'espacer, tenter
de s'ouvrir, tranquille, au-delà du monde
révélé à lui-même en terre de diamant,
dans la lumière, au-delà des mots.”
….................... … /// … …............
“Ecrire l'essentiel paysage”
…............ … /// … ….................
Le Grand Rivage...
“..............
Car toujours revient la question
comment
dans la mouvance des choses
choisir les éléments
fondamentaux vraiment
qui feront du confusions
un monde qui dure
et comment ordonner
signes et symboles
pour qu'à tout instant surgissent
des structures nouvelles
ouvrant
sur de nouvelles harmonies
et garder ainsi la vie
vivante
complexe
et complice de ce qui est -
seulement :
la poésie
…......................................... … /// … …............................
…............ Sachant que le poème
qui parle du dedans
donne aussi la vie
….............................. … /// … …........................
…........ un principe d'ordre et de beauté
se cache
au coeur du chaos
la vie
se laisse infiniment pénétrer
…........................ … /// … ….................................
…. Elle reviendra
la pensée vivante
sûre comme ces ailes
qui renvoient la lumière
exacte en sa beauté
…............................ … /// … ….................................
…..............Ma vie à fonder
les fondements
d'un monde
….................... … /// … …..........................
…........... et maintenant
j'ai dans la tête
une vie
comme un cercle qui se dilate
sans cesse
à force de connivence
et de compréhension
plutôt qu'un centre farouche
de pure conscience de soi
je veux le tout
circonférence et milieu
dans le centre c'est la fin des combats
maintenant
que de signes tout autour
…..................... … /// … ….............................
…........ Souvent
l'ordinaire de ma vie
effacé par l'oubli
par l'habitude
tout à coup s'illumine
matéria poética
d'une réalité nouvelle
toujours plus riche
et j'avance
aussi quand un physicien
très loin dans sa recherche
affirme
que la porte vers l'inconnu
est un “univers de contrastes
groupés en
ensemble de relations
avec des aspects
d'ordre et de désordre
des changements
réels et possibles”
je dis c'est là
mon espace
c'est le monde où je passe
où je voudrais voir
….................................. … /// … …......................................
….......... je vis à l'estime
et j'écris
mais je n'oublie pas
que du hasard de la vie
du hasard
toujours l'essentiel surgit
…....................... … /// … ….................................
…......... et aussi
l'effort
de saisir et de directions
cela
tout le foisonnant univers
que l'homme quelquefois
si peu
rassemble
…....................... … /// … …..................................
….......... Enfin
la figure complexe
qui affirme
l'union des contraires
et pose
l'un dans le multiple
la possible
et difficile harmonie
de la conscience humaine
mais toujours
ce langage exemplaire
subtil comme la fleur
fluide comme la vague
souple comme le rameau
puissant comme le vent
dense comme le roc
unique
comme le moi
beau comme l'amour
….......................... … /// … …...............................................
NORD-SUD...
Ici au pays blanc
tout arbre est totem
tout rocher un autel
…..................... … /// … ….....................
MAHAMUDRA...
….... ma métaphysique est une danse
au coeur de l'existence
…........................ … /// … ….....................
…. Toujours cette recherche du lieu et de la formule,
de la localité essentielle et de quelques mots nécessaires
…..................... … /// … ….......................
à la lisière du monde
dans la vacuité
gardant les liens
le contact primordial
les principes selon lesquels
la réalité prend forme
sur les rives de l'abstrait
et toujours la question
est d'unifier
de simplifier
de pénétrer
…...../........
La violence de la poésie
est calme et silencieuse
et pénètre loin -
jusqu'à l'os
jusqu'au blanc
…........................ … /// … …...................................
LE TERRITOIRE DE L'ETRE
….......... tant de vie vécue
pour cette seule flamme
tant de chemin parcouru
pour cet unique point -
l'intelligence tremble
à l'approche de l'être nu
où n'est-ce encore qu'un signe ?
Couvrir mon corps nu
de signes
et être un signe parmi les signes
ou aller au-delà des signes
dans la lumière
…............................. … /// … …...................
LETTRE DE HARRIS
…..........
les dix mille scintillements
ce matin la mer des moines
scintille à perte de vue
…................................ … /// … …...................
Mâhamudrâ....
“sitôt dépouillé de son vêtement
la conscience apparaît nue
et l'énergie pure se manifeste.” pensée zen
“tout comme le sel se dissout dans l'eau
l'esprit fond dans son principe”
“le feu le vent la terre l'eau
l'espace aussi – honorez-les”
Voici le Réel longtemps caché
dans les noms et les formes
“la pluie aussi fait partie du chemin”
“flux de conscience pure
courant d'émotion incolore”
…............................. … /// …....................................
ATLANTICA
…. Tous les oiseaux
parlent la langue de l'aurore
dans des dialectes divers
…....................... … /// … …..................
Je dois entrer dans cet univers de bouleaux
et parler de l'intérieur
je dois entrer
dans ce silence incandescent
la contemplation ne suffit pas
n'est jamais réalisée
sans les mots nécessaires.
Sans les mots nécessaires
mais les mots essentiels
sont aussi les plus rares
et comment venir à eux
mutilés que nous sommes
si ce n'est à travers
une puissance qui nous élève....
…................. … /// … …....................
Je suis venu sous les arbres
leur faire l'amour avec mes mains muettes
car la beauté se laisse au moins caresser par les sensations
j'ai suivi des doigts le noir sur le blanc
comme un poème inachevé -
sans cesse interrompu, sans cesse recommencé.
….................. … /// … …........................
LA ROUTE DE l'OCEAN
…........... “ce qui compte ? Me disais-je,
rien d'humain, c'est certain”
…....................... … /// … …......................
eros, logos, cosmos
…............. … /// … …............
Le dernier voyage de Brandan....
…........
Brandan était de ceux-là
Dieu pour lui était le grand geste
qui avait mis le monde en branle
mais aussi une grande idée voguant à travers l'espace
plus brillante que la lune et le soleil...
….et ils ramaient, plus loin, toujours plus loin
vers les blancheurs inconnues.....
…...................... … /// … …...............
LABRADOR
…..........
j'ai rêvé d'un lieu primordial
un lieu de pierre, d'eau vive et de vide
où chaque matin le soleil montait
des mers fraîches du Levant
et tout le jour durant brûlait
au-dessus des rocs et des eaux
la terre d'alors n'avait pas de nom...
….................. … /// … ….....................
autre chose m'appelait
m'appelait au dehors
autre chose qui peut-être
voulait qu'on l'appelle
une chose sensuelle
et abstraite à la fois
terrible et belle à la fois
une chose qui me dépassait
mais était à la fois
plus moi-même que moi
…............... … /// … …................
Tout un champ nouveau
où travailler et penser
à chacun de mes pas
je sentais en moi une étrange vigueur
l'esprit chaque jour plus vif, plus clairvoyance...
mais toujours pas de nom pour le tout
je voulais bien nommer les parties
mais pas le tout
l'homme a besoin d'arrimer son savoir
mais il lui faut un espace vide
dans lequel se mouvoir...
seule me restait la poésie
une poésie comme le vent et la feuille d'érable
que je me récitais
en parcourant le pays....
…................ … /// … …............
“les chants de ceux qui sont partis”
ils sont vieux comme le monde
entendre ces chants
c'est entendre la mer
battre contre une vieille falaise
c'est comprendre
la première intelligence
du temps et de l'univers.
…............... … /// … ….................
Dans le restaurant de Saint Pierre
Après une assiette
de lentilles et de riz
long regard
sur la mer aux dix-mille diamants
tandis que les ruines de Saint Pierre
dorment au soleil
et que la jeune serveuse
semble ne pas savoir
à quel point elle est belle
….................. … /// … …...........
… contemplation active : pas d'idéaux, pas d'idoles
et pas de projections trop hâtives
trop personnelles, trop poétiques
plutôt des reconnaissances de longue portée
dans l'espace et dans le temps...
….................. … /// … …...............
Je suis las des lieux où l'homme se donne en spectacle
j'ai assez vu le théâtre humain
les gesticulations de ses pantins
toutes leurs petites histoires
ce qui m'intéresse à présent
ce sont les champs silencieux
qui s'étendent alentour
les mouvements de la mer
le ciel semé d'étoiles
le rapport entre mon corps et l'univers
entre les nébuleuses et mon cerveau...
j'ai connu les tempêtes mentales
des émotions sidérales
des aurores boréales de l'intellect
comme si l'univers et moi
ne faisions qu'un :
j'ai été
le vol d'un corbeau
j'ai été
une averse de pluie
j'ai été des vagues noires se brisant dans le ciel
j'ai été l'horizon d'un monde insoupçonné...
je m'initie à une nouvelle vigueur
à une nouvelle fraîcheur
je voudrais des traits
si fulgurants
que dans leur nette énergie
ils relient toute chose
et les fassent irradier
...trouver, qui sait, la source
d'une autre lumière.
….................. … /// … …..................
Archives nordiques
… L'aube point
dans le cri de l'oie sauvage
…........... … /// … …..................
… je suis ici
ici, je commence.
…............. … /// … …..........
Chronique orchestrée de l'Ile
…
Isolément.
Etre avec la terre, qu'avec la terre...
… le rendez-vous radical.
….........
Allongé sur la plage comme un morceau de bois flotté.
…..................... … /// … ….............
Le domaine de Gwenved : …
Entendu crier des mouettes
mais quand j'ai levé la tête
rien que la lune.
….......................... … /// … …...............
K WHITE Terre de Diamant extraits
“Ce lieu... cette région antérieure que nous ne pouvons désigner que sous le voile du “non”, comme néant, mais néant qui serait aussi le voile de l'être.” Blanchot
“Seuls ceux qui ont l'esprit diamantin et qui ont réalisé le non-moi peuvent reconnaître la lumière.”
“L'esprit lucide a son gîte en lui-même.” Sutra du Yoga
“O caractères tracés par mon pinceaux
soyez mes guides vers la Terre Pure” Carnet des Heures Oisives Kenko
“Quant au monde solaire, il se conquiert sur la voie du Nord, en recherchant le soi.” Prashna Upanishad)
Se “chercher” en essayant de suivre une voie et en voulant reprendre contact avec le monde, le voir avec des yeux neufs...
Eprouver la lumière et la densité u monde...
Des moments plus exacts que les autres saisis par un oeil lavé de tout ce qui obscurcit la vision et encombre l'esprit...
Nébuleuse du Cancer
“Ton intellect a sa demeure dans une grande masse lumineuse” Bardo
Dans ce lumineux chaos je
vis et jouis de mon être
dans cette masse incandescente
d'où pourrait naître un univers
dans ce lumineux chaos je
ne pense ni ne sens, mais suis
mêlé à ce tourbillon de matière
la forme que j'étais ne me renferme plus
celle que je serai – pas même imaginée
…............... … /// … ….................
Randonnée
Merci pour cette poignée de jours d'avril
pour le vent blanc qui souffle
pour la terre sombre et les herbes entremêlées
et la fille qui marche à mes côtés.
(Au pays des douze collines, Irlande)
… /// … … /// … //// …
La porte de l'Ouest (extrait)
… Puis les collines, fougères rousses entre-
mêlées et les ronces et les roses sauvages et
le houx rouge-sacré dans la neige
et les arbres très noirs dégoulinant de pluie -
marchand sur des chemins de glace bleue les
ruisseaux impétueux l'air mordant
et cette lumière d'une clarté folle
cette lumière abrupte angélique démentielle
qui fait surgir le monde dans sa nudité
réel toujours changeant clair-obscur perpétuel.
… /// … /// … /// … /// … //// …...
La vie dans les collines (extrait)
… L'hiver je vois tomber longuement sur la vallée
dans la nuit la neige à gros flocons
je regarde mon feu et j'ai du mal à croire
qu'autrefois je vivais dans les rues d'une ville.
… /// … /// … /// … /// …. /// …...
Exemple
Comme un mince filon de quartz dans le grès
qui a derrière lui toute la géologie
et dont la pureté est au-delà de la perfection.
… /// … /// … /// … //// … /// … /// …
Quartz rose
“Il y a des pierres dans lesquelles toute la gloire de la nature est comme concentrée, de sorte qu'une seule pierre suffit à certains hommes pour qu'ils possèdent la contemplation suprême et absolue de la nature.” (Pline l'Ancien)
De quel noir ouragan
de quelle flambée d'enfer
de quels tourments de quelles métamorphoses
saisie enfin en une matrice de cristal
saisie enfin en sa forme sauvage
saisie en son aura parfaite
est venue cette pierre incandescente
et venue cette gloire immaculée
est venue cette idée e la terre
pour illuminer le ciel glacé.
… /// … /// … /// … /// … /// … /// … /// ….
Le territoire
Ici au pays blanc
tout arbre est un totem
tout rocher un autel
découvre – c'est ici même !
Ce sol est mortel
et annihile
tout ce qui n'est pas essentiel
poète – ton royaume.
… /// … /// … /// … /// … /// …
Soirée intellectuelle “L'idée devient femme” Nietzsche
J'ai lu beaucoup de textes hindous
ces dernières années
cent ouvrages étudiés à fond
mais quand je me suis trouvé ce soir là
près de la fille
au sari bleu
alors qu'on attendait de moi
quelque conversation brillante
je n'ai pu penser à rien d'autre
qu'au sari bleu
et à la nudité qu'il couvrait.
…............... … /// … …..................
De lieu en lieu
1
Un bois en février
le bruit de mes pas
sur les feuilles givrées. (Huelgoat)
….............. … …................
Ile de Bréhat
… Je marche entre les pierres grises
et pense à une chose sans nom.
…..................... … ….............
La ligne côtière
Ecrire des poèmes ?
Plutôt suivre la côte
fragment après fragment
ça avance
ça respire
ça se déploie.
…............ … ….............
Le mistral blanc
...Par-delà ce tumulte
qu'est vivre, aimer et mourir
le ciel soudain s'éclaircit
balayé par un grand vent blanc.
…............ … …............
Yoga du soleil... extrait
… C'est le matin d'un monde
et je suis là comme un roc à respirer
à respirer vers le soleil.
….................. … ….............
Savoir
J'ai tout brûlé de mon savoir
j'apprends à vivre nu avec la seule blancheur
l'art à mes yeux n'est plus l'oeuvre créée
mais pure pathologie du corps et de l'esprit
au coeur d'un monde allègre et terrible.
….................... … ….............
Pierres de la forêt brumeuse
1
Où s'arrête le chemin
les changements commencent
et les rochers surgissent
idées de la terre.
2
Allongé dans la brume
parmi les rochers rouges
attentif aux leçons
du vent et de la pluie.
3
Au dire du vieil homme
ici dans la montagne
tout contre le ciel
chaque rocher est un lotus.
…................ … ….................
Ecrire l'essentiel paysage.
…............... … …..................
Wakan
Que c'est beau, que c'est beau
Il n'y a rien de plus beau
la lumière bleue qui point sur la montagne
la lune qui descend dans la pluie
Rien, il n'y a rien de plus beau.
…..................... … …....................
Nouvelle d'un coin du Sud-Ouest (extrait)
quelque part quelqu'un
doit apprendre à vivre serein.
….................. … ….......................
Un domicile discret
J'ai tout retiré de ma chambre
hormis quelques images
il reste trois fois rien
l'aile d'un goéland
un bloc de pierre froide
la photo d'une fille nue -
au centre de ce vide
mon âme danse.
…........................................................