PEN AR BED BARDI 2022 BRAN DU 15 01 JANVIER (2800 ARTICLES PUBLIES A CE JOUR)
Photo Bran Du
Pen ar Bed Bardi du Ponant, face à la mer d'Iroise...
Bran du le 13 01 2022
C'était au bout d'une grève aux siècles amoncelés...
Le pont de pierres polies s'enfonçait dans la frangée d'écume et disparaissait à la vue...
Des cormorans y plongeaient le noir et le bleu lustré de leurs plumes...
Certains en remontaient avec un quartier de lune écailleuse dans leur bec...
D'habitude, c'était ici un tumulte permanent, des gerbes de fureur plus hautes qu'un arbre s'y fracassaient dans un torrent de larmes amères...
On appelait ce lieu le « bout des terres » ou encore le promontoire des rêves infinis, d'autres le nommaient le cimetière incendié du couchant...
La nuit qui se déversait en houles rageuses était plus que la nuit, le noir plus noir que partout ailleurs...
Au sommet de la falaise l'herbe rase s'entêtait à faire front au vent du Nord, des ajoncs nains s'obstinaient à hisser la fleur solaire de leur printemps face aux lames mordantes et acérées d'un souffle dévastateur...
La limite se tenait là ; tracée entre entre le sel, la tourbe ; la sève et la résine....entre le songe et une réalité noyée de brumes et de crachins...
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Il savait se tenir au seuil ; au seuil de l'immensité , au seuil qu'aucun mot, qu'aucune parole ne peuvent décrire sauf un chant, une musique, un poème peut-être qui en ferait une fiévreuse et enivrante approche....
Il ne savait qu'une chose, une chose dont il ne pouvait expliquer la provenance mais qui s'imposait à lui... Il y avait un passage ; une anfractuosité secrète dissimulée dans les parois du temps et de l'espace....
Tout ne saurait s'expliquer mais cette idée avait souche, source, racine et de cela il n'en doutait pas un seul instant alors qu'au dessus de lui des goélands affamés faisait un grand vacarme auquel les ressacs ajoutaient leur fureur...
On lui avait parlé, plus précisément chuchoté, de l'existence en ce bout du monde de géants, de dragons, de précipices abyssaux, de monstres marins mais il savait, avait appris que tout cela n'était que la forme que l'on donne à ses propres peurs et que la peur valide et cautionne au détriment de la pure raison...
Aussi ne tremblait-il, pas entouré de la furie des éléments déchaînés qui tentaient de le faire ployer et mettre genoux à terre...
Cuchulainn avait lutté jusqu'à l'épuisement de ses forces au gué des combats, Lug lui-même lui avait porté un grand secours...
Il avait tenu bon alors qu'une perfide anguille s'enroulait à ses chevilles pour le faire tomber...
Comme lui, il ne vacillerait pas, aucune cognée ne viendrait à bout de l'arbre de ses résolutions, nul fléchissement dans sa volonté de fer et de granit, nulle crainte dans sa détermination à franchir le pas, à dépasser toute limite imposée...
Il avait prêté jadis serment, prenant les éléments à témoins, convoquant les dieux et déesses à entendre ce nom nouveau clamé à la face de l'Univers et les mots enfantés lors étaient devenus ce sang circulant en ses veines et ce souffle lui donnant vie...
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Bien des choses, mortelles au demeurant, disparaissent, mais tout ne s'efface pas !....
Il y a des lacs de sang enfouies sous les grèves de l'Histoire, les marées sans cesse recouvre cela mais parmi tous les multiples et vertigineux visages de la terre, il n'oublierait jamais celui qui fit de sa mort une naissance....
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Il se souvenait, l'ombre prostrée à ses pieds, la forêt toute entière enveloppée de glace, la terre partout faisant miroir au ciel... Et Elle, dans sa livrée d'hermine blanche là dans la lumière irradiante condensant toute l'énergie de l'Univers...
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Seul l'extrême dépouillement permet et autorise la recouvrance essentielle...
Nue est l'eau qui charrie les mémoires du monde et porte au rivage
la substance indicible qui consacre l'homme sur l'autel mouvant et prodigue des vagues poétiques...
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L'eau est ma vêture d'essentialité et elle se marie en moi au feu d'un parole sourcière et ce, en des noces ruisselantes et flamboyantes où s'étreignent et se pénètrent les flux et les influx, les fluides et les ondes, le sang et la sève qui fécondent le Chant de l'Univers et la Danse des Atomes...
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S'entrecroisent des fils arrachés à la toison des saisons, à la crinière des chevaux du soleil... Grande tresse de songes et de chair... Les nœuds se défont au croisement du jour et de la nuit...
Alors les mains du cœur lissent et caressent la chevelure étoilée de Cela qui Fût, Est et Sera....
Je ne sais quel tissu naîtra de cet enchevêtrement du diurne et du nocturne, peut-être un voilage d'aubes et d'aurores parsemé d'ambre et d'or ?
Tout se tient, se dévoile et se lit dans la rosée qui perle au bout de la feuille de Vie et ce, depuis les premiers matins du monde...
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Toi aux ramures de sylve ancestrale, donne-moi bourgeons et feuillage.... Je veux de ta sève en mon sang, en mes rêves et pensées...
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Je suis de cette trame faite de lichen et d'écorce, d'algue et de liane, de ronces et de lin, de songe et de sueur à travers laquelle chemine ce qui doit advenir et dont Ce qui Fût, Est et Sera tisse les entrelacs d'une spirale dansante et circulaire...
Ce qui ne s'en vient pas, convoqué à la Danse, flétrit sur sa tige aux semences infécondes...
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Dans la ployance pourpre du crépuscule se déploie une brassée de rémiges qui s'en retournent vers l'Île aux Pommes...
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L'heure est venue de boire le lait de la nuit....
Des étincelles naissent dans l'âtre de mon cœur....
L'ombre elle-même se prépare à la Danse...
J'ai nombre de branches mortes à offrir au Maître des ténèbres mais il ne sait encore la lueur d'apothéose qui submergera son royaume !...
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Sous le bouclier d'Orion qui fait front aux vents lunaires, Celui qui, sur la Pierre de Mémoire, sur l'autel des serments, a pris nom de Grand Corbeau, Celui-là trace les Trois Cercles, (trois doigts de la main droite écartés), et enceint le ciel de la dynamique ternaire qui meut la Grande Roue du temps et de l'espace ainsi que l'éphémère vie des hommes et des femmes enceints de doutes et d'espérances...
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Lors ses pensées se creusent comme un bassin, comme un chaudron et les sept ruisseaux de Sagesse s'y déversent d'abondance....
Il sait, il perçoit, il voit, il pressent si ta nt que les brumes se dissipent, que les brouillards s'estompent... et que s'épure la fontaine de ses songes...
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Bientôt, des flammes naîtront dans l'enclos de chair, de sang, d'os et de muscles, des flammes dansantes pour réchauffer ses rêves, les prendre sur leur dos et ascensionner la voie céleste dans un tourbillon de fauves splendeurs...
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Bran, jadis, fit le merveilleux voyage et mit le cap sur les îles merveilleuses de son cœur, la Mère des fées cueillit celui-ci comme on cueille la rose du may (la rose étoilée de Beltaine) et s'enivra de son parfum mêlé de miel et d'épines...
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Il s'agissait maintenant d'entrer nu dans l'anse aux algues vertes et brunes, aux lames lisses comme une épée qu'aurait forgé Goibniu lui-même dans la forge ignée qui est le fourreau des âmes appelées à combattre....
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Le halo de la lune entourait tout son corps, l'enveloppait d'un métal argenté lui faisant armure contre le froid...
Des frissons le parcouraient cependant, mais des frissons d'aise, de volupté et de félicité...
Il y avait une douce et exaltante sensation à nager ainsi, peau contre ciel, peau brassée, embrassée d'ondes bleutées...
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Ainsi la Matrice d'avant saison, ainsi la Cuve, le Chaudron....
Ainsi le Berceau de toute Origine...
Ainsi l'Essence des Êtres et des Choses
Ainsi La Terre et le Ciel de tout ensemencement, de toute germination, ainsi les emblaves de ce qui Fût, Est et Sera....