Les dits du corbeau noir

 Oeuvre gravée de Christian Tual

Bran du  Le 23 04 2020

Pontonniers, Pionniers et passeurs...

Franchir le gué...

Passer d'une rive à l'autre, d'une berge d'entendement à une autre...

Passé le gué de l'instant qui sépare le passé du futur...

Jouir densément, intensément de ce passage entre avant et après...

Accompagner en conscience ce mouvement qui est changement et rupture dans le temps entre ce qui se termine et ce qui perdure d'essentiel, d'important, pour notre cheminement...

Mourir « symboliquement » et renaître en un nouvel être, en d'autres niveaux, en d'autres plans d'entendements, prendre en cela et par cela, en la vie, de nouvelles mesures...

Etre, en soi, ce changement que l'on attend autour de soi...

Oser imaginer, oser innover, oser mettre en œuvre et incarner l'existence telle qu'on y aspire, avec une ferme envie, un volontaire désir et ce, dans l'affirmation vive et ferme de l'Anima qui nous inspire, nous instruit, nous guide et nous accompagne...

Rompre avec les concessions accumulées, dissonantes et discordantes, qui ne nous permettent pas de vivre en « accord » avec soi, les autres et le monde...

Cesser d'enfiler une vêture, un revêtement,qui n'est pas celui dont notre corps, notre cœur, nos pensées, notre esprit, souhaitent être recouverts...

Ne plus valider ni cautionner, activement ou silencieusement, ce qui n'est pas de nature à donner sens et Essence véritable à notre propre nature...

Qu'est-ce qui nous est « essentiel » pour vivre et faire vivre la vie que nous voulons mener aux festins de joie et de lumière ?...

C'est là sans doute la question, l'interpellation majeure qui se devrait d'agiter, de remuer, d'attiser notre pensée comme étant la braise dominante de notre foyer de vie...

Comment cesser de renouveler ce qui en nous est on ne peut plus « usée », redondant, rédhibitoire ?

Comment ne plus porter à notre visage le masque du paraître ?

Comment rompre ce contrat qui se trouve être celui d'une conception à perpétuité ?

La réponse à ces questionnements salutaires :

Identifier, inventorier, clairement, objectivement, nos peurs, toutes nos peurs, toutes celles en nous inculquées, formatées, manipulées, transfusées, héritées et celles que nous mettons nous-mêmes au monde et que nous alimentons sans cesse...

Cessons lors de donner la becquées à nos fantômes ?...

Cessons d'ouvrir le robinet à un ruissellement du mental porteur de flux et d'ondes empoisonnées !...

Cessons de mettre sous conditions nous attentes, nos envies, nos aspirations les plus légitimes, les plus justifiées qui soient...

Pourquoi ce « conditionnel » dans nos formulations liées à nos plus justes, nos plus ardents et plus mesurés désirs ?

Pourquoi mettre le doute en amont du formulé de nos espérances ?

Qu'est-ce qui nous y oblige sinon nous-mêmes ; comme s'il fallait restreindre et rétrécir le champ immense de notre bon et véritable vouloir, comme s'il fallait réduire au préalable l'étendue vastement offerte du possible ?...

Ne laissons pas la confiance et la « pulsion de vivre » être subordonnées aux doutes et dépendre de ceux-ci....

« Osons » ; c'est le mot-étoile de nos plus profondes nuits, de nos plus intimes obscurités !...

Sans « audace à vivre », nous sommes sans honneur, sans « noblesse », sans dignité... Nous sommes ces pseudos « circonstances atténuantes » qui ne sauraient atténuer quoi que ce soit sinon intensifier au contraire nos faiblesses, nos abandons, nos réticences, nos involontés, nos défiances, nos renoncements.....

Vivre demande en effet du courage, de la volonté, de l'obstination même, une constance dans l'effort, dans la persévérance, dans l'investissement et ceci n'est rendu possible et opérant que par la « foi » que l'on a en soi y compris et d'autant plus quand celle-ci fait l'objet de la critique des autres !...

Le changement conscient, lucide, téméraire, objectif, efficace, de paradigme sociétal se fera à travers cette faculté d'oser :

oser être vrai, concordant, accordé, ajusté, cohérent, avec ce qui restitue à l'humanité ses vraies et authentiques valeurs et procure à chacun, à chacune, une corbeille de sens posée et offerte sur « l'autel » de l'existence...

Le temps, l'heure, l'instant, sont plus que venus d'opérer les changements adéquates et enfin réellement compatibles avec l'attendu essentiel et universel qui ne demande qu'à être « pensé » autrement, différemment, que des façons qui ont jadis mis notre société « moderne » dans les situations de déséquilibre et de disharmonie, ce dont la planète toute entière subie les effets et les nuisances que l'on sait...

Nous sommes une société désorientée dont nombre d'individus sont « décentrés »... Je pourrais ajouter à cela que nous avons, noyé dans la « masse » que nous composons que nous le voulions ou non, participé sous une forme ou une autre ou en cautionnons cela, à une sorte d'obsolescence programmée de nos communautés humaines résultant de choix et d'orientations qui vont à l'encontre même du vivant et de sa pérennisation (et nous laissons aux générations futures une boite de Pandorre la plus terrifiante qui soit !)...

En fait nous leur léguons avec notre cynisme le plus froid notre incompétence à solutionner les nombreux problèmes nucléaires que nous avons volontairement engendrés, dont le "dossier du nucléaire" qu'il leur appartiendra de régler à notre place s'ils veulent espérer survivre à notre funeste et machiavélique héritage !...

Dans diverses armées de l'Antiquité, les Gaulois, les Celtes, furent engagés comme mercenaires du fait de leur qualité de vaillance ainsi que du fait que la mort ne leur faisait pas peur...

Certains parmi eux constituèrent un corps d'armée particulier chargé d'édifier des ponts pour permettre la progression de la dite armée. Ils furent appelés des pontonniers et leur savoir faire fut particulièrement reconnu...

Dans la mythologie irlandaise, nous avons un exemple édifiant avec le personnage de Bran venu au secours de Branwen maltraitée par son époux et roi...

L'armée de Bran se trouve soudain devant un obstacle majeur qu'il faut à tout prix franchir... Que fait alors Bran ? Il s'allonge de tout son corps au-dessus du « précipice », ou du fleuve qui sépare deux versants de vallée et son armée passe sur lui comme sur un pont...

« Que le chef soit pont ! » ; c'est le résumé de cette action...

Quelle signifiance de cela pour nous aujourd'hui ?

Sans doute, qu'à cette image, qu'à cet exemple, il nous appartient à nous aussi d'être les « pontonniers du futur», les passeurs du « possible », il nous revient selon les exemples précités de bâtir les piliers d'une soutenance qui ouvrira et permettra le « passage », la transition, la mutation, le changement, attendu et espéré par notre aspiration en un retour salutaire aux essentialités existentielles...

Aider au passage d'une rive à une autre, d'une berge à une autre ; cette autre rive, cette autre berge, étant celles prêtent à accueillir un paradigme sociétal nouveau, différent, novateur plus en demeure de répondre aux questions vitales et à concrétiser des aspirations axées sur l'équilibre et l'harmonie intérieure à chacun et commune au plus grand nombre...

C'est en ramenant l'avoir à sa plus juste place, c'est donner, restituer, à l'être les éléments primordiaux, élémentaires, fondamentaux et essentiels constitutifs de celui-ci afin que, développant ses facultés d'entraide et de solidarité, d'osmose et de symbiose, d'intuition et d'imagination, de convergence et de cohérence, il s'investisse pleinement au service du Vivant...

Nous le souhaitons, nous en avons tous les entendements, nous pouvons donc être ces pontonniers, ces pionniers et ces passeurs...