Prélude bran du 11 06 2012
Prélude Bran du 11 06 2012
C’est un couperet de glace qui fait saigner le soleil sur l’autel du crépuscule que ce cri venu du plus profond des cavernes de la nuit…
Craignez de l’entendre ce cri, sa foudre et son tonnerre !…
A son écoute l’Ankou affûte sa faux et fait sonner le cuir effilé de son fouet…
Quand la vague fracasse son écume sur la roche du temps, un homme se tient sur le promontoire de ses attentes, sur l’éperon de son désir…
Celui-là sait qui eu pour berceau de blanches marraines à la chevelure de lune et de cuivre…
Celui-là a le front appuyé aux nuages, les tempes serties de sel, les yeux nimbés d’étoiles…
Celui-là changeait d’écailles en écorces, de sèves en ramures, dans les saisons sacrées…
Celui-là savait combien y fallait de marées et de flots pour polir la pierre sur la grève du devenir…
De ce cri, il n’avait peur ni frayeur… Il n’en craignait ni la lave, ni la morsure, incapables toutes deux d’entamer son invincible armure ; une armure forgée en pleine lunaison, martelée neuf fois sur toute ses coutures, trempée dans la salive braisillante de dragons complices et apaisés… (Cela était l’œuvre "écarlate et transpirée" du Maître des forges !)…
…/…
Derrière le manteau des brumes, là-bas, par delà les marais glauques et pourrissants, passé la frange des sphaignes, des salicaires, des molinies et la prairie flottante des potamots et des renoncules, une sente d’améthyste, aux filets d’un bleu profond comme la mer, serpentait parmi les aulnes enchevêtrés…
Le rêve et le songe étaient les seuls à pourvoir en arpenter la mouvante et émouvante surface… Nul humain n’aurait pu s’y aventurer sans y laisser sa vie s’éteindre puis disparaître dans un manchon de glaise et de tourbe, de vase et d’humus…
Malemort ! C’était le nom de ce marais fétide et putride que peu de lèvres, sinon les plus audacieuses ou les plus innocentes, osaient porter aux oreilles étrangères…
…/…
Sur une langue de granit abreuvant sa soif à la « Fontaine des Mâtres » une femme se tenait en compagnie de sa fille et lui lissait les cheveux avec un peigne d’ivoire ; des cheveux serpentant de boucle en boucle jusqu’à des chevilles couleur de nacre et d’un dessin exquis…
Mère et fille devisait en se prodiguant des soins attentionnés, passant sur leurs corps respectif un baume de tendresse…
« - Mère dites-moi, quel lignage en mon sang couvre ma peau de cette rosée ardente qui baigne les prairies quand le mai est venu ?
- Te le dire n’est pas difficile, mon enfant chéri, tu es fille d’aurore et fille du crépuscule, l’eau et le feu en toi se sont mariés, tu reçus les saisons au chevet de nos rires… A ta naissance des étoiles jonglèrent sur le fil tendu de la voie lactée et un saumon chanta dans une source enchantée…
- O Mère dites-moi qui est-il ce serpent joli qui depuis toujours me tient compagnie, m’enlace de ses écailles et fait frémir mon ventre et mes seins quand il glisse sur eux ?
- La réponse est fort simple, cher fruit de ma chair; chair onctueuse comme une pêche sur la branche de l’été…
- Il est le souterrain, il est l’aérien, il va et vient entre la terre et le ciel, le ciel et la terre, ses ailes sont d’écailles et ses écailles de plumes… Il sait toute sente, tout chemin, qu’empreinte les sèves, les sangs et les songes aimantés d’importance… Il ondule en ton corps quand ton corps se fait danse et épouse les rondes qui sont de l’univers… Si tu suis son cours de laves vertes et bleues, il te mènera dans le Blanc de l’Estuaire !….
- O Mère qui, dites-moi vous donna naissance ?
- Chère enfant au si charmant visage, à la douce innocence, je peux à cela t’apporter la réponse
- Aussi loin que remonte le Saumon des mémoires, j’ai souvenir d’avoir été allaité au Sein des seins par la Mère des mères… C’était en un temps où l’ombre aussi s’abouchait à la lumière….
Ton ami le serpent menait sa sarabande et tout caracolait dans l’ivresse des formes et des sens… Point n’était vêtue si ce n’est de fleurs et de parfums et un voile de lune s’enroulait sur mon bassin, épousait la danse de mes hanches…
- Et Lui- Mère qui était-il, comment était-il ?
- Cela je ne peux te le dire, du moins pour l’instant, Il te faut encore, pour le savoir, sept fois refaire le passage de tes ans…
- Mais le jour viendra comme la vague au rivage où le drap de ta nuit s’empourpra des feux de l’échange et des baisers du Lien…
…/…
Le cri et sa fureur s’estompaient dans le lointain avalé par l’Immense…
L’homme demeurait là dressé contre le tronc rugueux et solide de son songe… Ses yeux se noyaient dans l’horizon lui-même englué dans les feux du couchant… Des mouettes s’élevaient dans un courant ascendant aspirées par un vent de passage… L’heure n’était pas au rendez-vous possible… Qu’importe, l’arbre ferait son œuvre d’arbre tendant l’accueil de ses branches aux cygnes à venir !
Dans l’île des neuf vierges, mère et fille devisait sur le pourquoi et le comment…