REFLEXION : AU SECOURS ! 2017 BRAN DU 29 12 DECEMBRE
Réflexions : « Au secours ! » Décembre 2017 Bran du
Je reçois ce jour un appel à « recours », un appel à « secours » chargé de tout le désarroi, de toute la détresse, de toute la « perdition » qui ébranlent et font vaciller un être humain au point que celui-ci se prédispose à porter atteinte à sa propre vie...
Etre le destinataire d'un tel SOS n'est pas sans réveiller des sentiments qui vont d'une réception « compassionnelle » et altruiste à une sympathie (ou empathie) co-solidaire, mais confrontée à la notion d'impuissance et aux impossibilités de pouvoir résoudre toutes les problématiques fiévreusement et fébrilement exposées.
(Le pesant et l'encombrement du « mental » et des « affects » se renforcent mutuellement dans l'impossibilité pour cette personne de prendre une bénéfique, raisonnée et objective « distance » par rapport à l'envahissement de tout son être.)...
Le premier constat : je n'ai pas pouvoir d'agir sur les causes qui engendrent les ressentis complexes qui, cumulés, amènent la personne profondément affectée à renoncer à être et à poursuivre une vie dont le vide est constitué d'absences, de manques, de carences, d'incompréhensions, de mésententes, d'inattentions, de solitudes ; soit un amoncellement de « souffrances » dont l'envahissement déborde et submerge les capacités de maîtrise d'une telle situation...
Le second constat : le fait d'écrire, d'appeler, de se confier, de formuler et d'exprimer son désarroi et de solliciter une écoute de l'autre appelé à compréhension voire à « validation » et destinataire des explications censées justifier l'acte destructeur à venir est un acte salutaire qui extériorise dans la confidence « choisie » les maux qui rongent de l'intérieur la personne « en danger ».
Cette « extériorisation » indispensable est une évacuation temporaire de ce qui suffoque à l'intérieur et qui empêche une saine respiration et une lucide vision de l'état violemment tourmenté des faits, des circonstances et de lieux plus ou moins maladroitement exposés...
Expliquer et confier émotionnellement le pourquoi de l'acte que l'on se prépare à réaliser participe de cette « vidange émotionnelle » qui fait le point sur les causes génératrices de conséquences...
C'est une étape, une pause certes éphémère, un préambule, un préalable, mais qui peut agir comme un frein, un retrait, sur l'élan entrevu vers une finalité jugée « délivrante »...
Par expérience personnelle, il faut parfois bien peu pour enrayer un tel mécanisme de destruction et les engrenages redoutables qui y mènent ; une visite, une présence, un appel téléphonique, une voix réceptive et attentionnée, un rappel à la vie sous une forme ou une autre...
Par expérience encore, il s'avère que nous pouvons être amenés à impuissance face à des traumatismes conséquents et cumulés, renforcés dans le temps et l'espace, ressassés, reconduits, à travers chaque expérience ayant portée à « échec »....
Le danger véritable réside dans l'absence totale de communication, dans l'instauration d'un silence prolongé, dans l'absence d'appel à secours et recours, quand cessent les questions et tentatives d'explications et que le mental se concentre uniquement sur une réponse qui est l'amorce jugée incontournable d'une extinction de toute souffrance...
La souffrance : Ses causes sont principalement extérieures à la personne, mais affectent grandement son intériorité dès que les affects en font pleine réception au détriment de la raison, de l'analyse objective et intelligente seuls aptes à apporter les solutions adaptées, à réguler, à modérer, à tempérer, les remous et chaos provoqués quand l'affectif, livré à lui-même, touille et fait bouillir douloureusement le chaudron intérieur prêt à « éclater »...
L'acte prémédité, la finalité annoncée, ont parfois besoin de justifications d'où l'énoncé des maux qui tentent d'expliquer le pourquoi d'une décision finale et parmi ceux-ci la notion « d'inexistence », l'absence de valorisation et de reconnaissance de la personne, le sentiment renouvelé de rejet et d'échec, d'abandon, la désillusion, les souffrances physiques et morales, la vieillesse et ce qu'elle amène de formes plus ou moins accentuées de dégénérescence, mais aussi les chagrins et les deuils et la solitude totale ou plus ou moins accompagnée et l'indifférence déduite, supposée ou réellement subie...
Un seul événement traumatisant suffit comme l'accumulation des sentiments précités pour amener à l'acte envisagé ; acte que l'on n'a pas lieu de « juger », mais de comprendre et de faire comprendre si possible en le « considérant » dans toute sa réalité et sa « vérité » profonde...
Cela ne saurait se traiter à la légère, mais posément avec le recul que l'on peut s'accorder alors que celui-ci est impossible pour la personne affectivement tourmentée...
Tout cela mène à un « épuisement » irréfutable lequel fait appel à cessation...
Il y a donc des mécanismes logiques entre la cause, les causes et la ou les conséquences déduites...
Celles-ci demandent à être « identifiées », non sous les projecteurs de l'affect, mais à la lumière d'un raisonnement attentionné et objectif partagé et discuté posément revisitant les faits et les situations et relativisant ce qui peut l'être ou ramenant à une plus juste place les excès, les disproportions et les positions extrêmes ou exacerbées projetés par l'affect livré à lui-même...
L'autre, en danger, à besoin de notre entendement, de notre compréhension, de notre écoute et attention « neutre » et sans jugement de valeur, pour se libérer, en partie, de la charge et de l'encombrement insupportables qui asphyxient sa « respiration »...
Nous ne saurions donner raison à ce qui relève d'une folie, mais nous avons « devoir » d'amitié et de fraternité, d'humanité compassionnelle sincère et véritable et ne saurions être indifférent à toute souffrance (proche ou lointaine) (affectant nos proches ou des inconnus) et ce qu'elle que soit sa forme...
Nous savons, par ailleurs, que nous ne pouvons porter sur nos fragiles épaules toute la souffrance du monde sans risquer l'effondrement et que si nous voulons pouvoir aider l'autre ou les autres, nous devons aussi nous aider et nous préserver nous-mêmes...
Pour rappel nous ne pouvons dispenser et offrir à autrui l'eau guérisseuse et soignante de notre fontaine de vie que pour autant que notre bassin se remplisse également d'un ruissellement de bienfaisance et de bienveillance !... Sinon l'asséchement nous guette qui sera préjudiciable pour tous et chacun !
(Cela fait référence au don et au contre-don, au fait d'apprendre autant à donner qu'à recevoir, à la notion de « réciprocité » etc...)
Ce que je peux m'autoriser à formuler...
Rares sont ceux qui n'aiment pas la « vie » et ceux qui la quittent volontairement pensant que la « Vie » ne les aime pas...
Tragique constat, mais fausse réalité...
Pas plus que les Forces, Energies et Lumières (que l'on peut qualifier d'amour, de bonté, de bienfaisance), prodigalement dispensés par la Nature et tout l'Univers sont en cause dans nos turpitudes humaines, pas plus la Vie ne saurait être tenue responsable de nos maux et fléaux qui ne relèvent que de nous-mêmes et de nos semblables et de nos rapports et relations avec tout le vivant, visible ou non !...
Nous sommes principalement nos propres tortionnaires et le pire ennemi, le pire prédateur de notre aspiration à la joie et au bonheur...
La « Vie » ne saurait valider ou cautionner le fait qu'une personne porte atteinte, « en son nom » à la sienne...
Dans le monde Celte, le suicide (individuel et collectif) est compris, dans des cas extrêmes et irrémédiables, comme un acte lucide, digne, honorable, conscient et volontaire de faire cesser une dégradation jugée intolérable de la personne (dégénérescence due à la grande vieillesse et à la perte des fonctions usuelles) ou encore un refus de la servitude et de l'esclavage pour soi et pour tous les siens...
(Un refus de l'indignité et du déshonneur qui se porteraient autrement sur le nom et la lignée.)
Notre Tradition se veut servir la Vie et non la desservir en lui portant atteinte...
C'est sur notre humanité que nous nous devons d'opérer des règles de sagesse et de maîtrise, expérimentée et validée d'abord en nous-mêmes.... Ces règles (morales, éthiques...) ne sont pas une atteinte au vivant, bien au contraire, mais participent de la recherche permanente d'équilibre et d'harmonie en résonance, en concordance, avec cette farouche volonté de la Vie de se perpétuer au-delà et par-delà ce qui pourrait lui porter atteinte et préjudice...
Pas de procès pour la Vie, pas de condamnation, pas de jugement, pas de tribunal et pas plus pour l'amour, la poésie, la joie, le chant, la musique ou la danse... C'est de nous qu'il s'agit, de notre état corporel et charnel et de ce qui l'anime de corps, de cœur, de pensée, et d'esprit....
Nous sommes tous et toutes appelés à être des servants et des servantes de la Vie en faisant actes et preuves de lucidité, de conscience, de cohérence, de concorde, d'entraide et de solidarité, de compassion et d'attention, de vigilance et de soins, de liberté et de responsabilité, de désir et de volonté ; chacun et chacune selon ses possibilités et moyens, ses efforts et persévérances obstinées...
Je peux parfaitement « comprendre » ce qui pousse un être humain à un tel désarroi ; je me sens « frère » (frère en humanité») de celle ou de celui qui exprime autant de douleur et de souffrance...
Je fais ce que je peux pour accueillir et accompagner cela selon la part de contribution sensible, raisonnée et intelligente que je peux modestement et humblement apporter à une résolution sereine et paisible, efficace et pertinente face à une emprise terriblement destructrice...
Je sais aussi (et je pèse) mon « impuissance » vis-à-vis de mon frère ou de ma soeur en péril, à remédier, à surseoir, à une telle « décision » parfois, hélas, irrévocable de sa part !...
Non, nous ne sommes pas, fondamentalement, originellement, naturellement, l'Enfer de l'autre ni le purgatoire, ni le paradis non plus...
Nous sommes frères et sœurs en humanité et nous avons à « incarner » cela et les dimensions, attitudes et comportements qui reflètent de cette co-solidarité avec tout le vivant, tous les règnes et tout l'Univers...
Nous ne sommes pas seuls au monde ! La Vie nous habite et l'Univers nous fait splendide séjour et merveilleuse demeure !...
Certes, l'absence, le manque, la carence sont (surtout dans le domaine affectif, mais pas seulement) sources du sentiment d'incomplétude existentielle et nuisent à l'épanouissement individuel...
Ce sont là des sentiments « recevables », mais seulement des sentiments qui privés d'intelligence et de raison ne peuvent prétendre légitimement, et à eux seuls, exprimer une vérité pleine et entière...
Les constats de faits et de situation exprimés et vécus sont eux bien réels et leur cumul et renouvellement renforcent le poids de l'insupportable....
Mais s'ils échappent à une analyse objective, à un procédé de relativisation, de prise de recul et de distanciation, s'ils ne font pas la part sincère et lucide des choses, ils passent lors dans une vision extrême est souvent exacerbée qui ne permet plus une vision claire des causes générant de tels effets et s'opposent donc à une résolution pacifiée et opérationnelle de ceux-ci...
Porter à écoute, à attention, aider l'autre à formuler, exprimer, identifier ce qui l'ébranle au plus haut point, examiner ensemble l'origine, les mécanismes en jeux, poser ensemble les bonnes questions, faire posément l'état des lieux et des situations, ce sur quoi je peux agir avec intelligence et raison, lucidement, consciemment, objectivement, sans passions ni affects débordants... Sagesse, conscience, solidarité et maîtrise sont les outils les mieux adaptés à cela...
Nous sommes et serons seuls de notre commencement jusqu'au dernier et ultime voyage, mais la Vie nous offre et nous offrira encore la « rencontre », l'accompagnement plus ou moins durable d'un entendement et d'une « cosmunion », le merveilleux et l'enchantement que nos yeux ne savaient plus voir et nos cœurs, accueillir et partager, la vraie Vie ; avec tout ce qu'elle comportera d'aventure et d'inconnu, rendant parfois l'impossible possible, renversant la pente, en faisant une nouvelle ascension...
Il suffit de si peu pour que la vie soit de nouveau une plénitude !
Nous avons droit à la détresse, à la mortification, au désarroi car nous ne sommes qu'humains et faibles autant que forts selon les circonstances et les événements mais, nos pires ennemis ont le visage masqué de nos propres peurs, de nos illusions et de notre ignorance...
Il n'y a pas d'arbre à ce que je sais qui ne soit pas disposé à nous prendre dans ses bras et sur son cœur... lui qui ne se plaint et ne désespère jamais de porter, de toutes ses forces et malgré les obstacles et quoi qu'il lui en coûte, semences et graines, pour les forêts du devenir...
Sont, aussi, des Arbres semblables parmi les Hommes et les Femmes de cette Terre !