RELIRE NIETZSCHE (PAR GILLES DELEUZE) BRAN DU 2021 13 09 SEPT
Au Cimetière des voyages Photos Bran Du
Nietzsche par Gilles Deleuze (PUF philosophie édition)
(1844-1900)
Petit intro Bran du sept 2021
Santé fragile et maladie s'accroissant chez Nietzsche avec la folie pour terminal... Mais quelle « pensée » ! Bien des propos tenus font juste résonance avec notre monde actuel...
Oui, le poète est « voyant »... Il entrevoit, il voit, il perçoit et perce les brouillards et les brumes qui flottent en nous et nous enrobent...
Il nous donne et nous invite à comprendre, à voir clair, à faire entrer le soleil dans la chambre du cœur et de l'intelligence du cœur...
Il pénètre l'invisible, le masqué, l'inédit, l'inconnu et nous ramène de là-bas de singuliers coquillages, de singulières étoiles, des mots anciens gravés dans l'écorce des arbres...
« Que le chef soit pont » disait Bran à son armée et celle-ci passait sur son dos...
Alors oui le poète philosophe décoche ses flèches en direction de l'Autre- Rive du possible. Il montre la direction, oriente cœur et pensées, propose l'enjambement...
Nietzsche nous propose et nous invite à un « nouveau commencement » mais qui ne soit pas un « éternel retour » de nos aberrations...
Il parle de création de nouvelles-valeurs et de nouveaux principes d'évaluation pour autant que tout cela ne contiennent pas en germes sa propre destruction...
(Nietzsche fera vivement connaître sa critique des « valeurs » bien établies et fourvoyées au travers la corruption humaine et la manipulation du « religieux »...)
Il s'agira donc d'opérer une « transmutation » de ces valeurs fourvoyées sans les rendre pour autant toxiques !... (Des concepts plus sains, des valeurs plus saines...) La quête des forces d'une autre nature ; forces de la vie, forces de la pensée...
Nietzsche est un intempestif insurgé et il ne cessera de s'élever contre la « négation de la vie » et contre tous les fossoyeurs de celle-ci... Il appelle au discernement constant... Et nous met en garde contre nos propres travers, face à nos propres illusions...
Il critique vivement et dénonce fermement tous les « mensonges » dont s'affublent les pouvoirs et les puissances de l'asservissement et de la soumission...
Suivez le poète sur le chemin qu'il trace entre résine et écume, entre sens et contre-sens, entre les choses et leur contraire. Il trace un avenir à la vue des étoiles...
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Nietzsche par Gilles Deleuze
Il s'agira aussi d'aller explorer de plus prés le « travail secret de l'instinct de décadence »...
... « Et parfois la folie elle-même est le masque qui cache uns avoir fatal et trop sûr. »...
« Le philosophe de l'avenir est en même temps l'explorateur des vieux mondes (…) et ne crée qu'à force de se souvenir de quelque chose qui fut essentiellement oublié.. »
Ce quelque chose, c'est l'unité de la pensée et de la vie.
Les modes de vie inspirent des façons de penser, les modes de pensée créent des façons de vivre.
La vie active la pensée, et la pensée à son tour « active » la vie.
Le secret de la philosophie, parce qu'il est perdu dès l'origine, reste à découvrir dans l'avenir.
( Le fait de considérer que la philosophie à pour paternité la Grèce à oblitéré l'origine même de celle-ci. C'est oublier que les Grecs eux-mêmes considéraient que cette philosophie n'était pas née chez eux mais existait déjà chez les mages Perses et les Semothés (les Druides).
Dommage car la connaissance et l'étude de ce premier berceau auraient révélé bien des accouchements spirituels et philosophiques ! N.D.R )
Au lieu de l'unité d'une vie active et d'une pensée affirmative, on voit la pensée se donner pour tâche de juger la vie, de lui opposer des valeurs prétendues supérieures, de la mesurer à ces valeurs et de la limiter, de la condamner...
Deux vertus du philosophe :
la critique de toutes les valeurs établies (celles supposées être supérieures à la vie) et des principes dont elles dépendent...
La création de nouvelles valeurs, valeurs de la vie qui réclament un autre principe...
Sous les exigences de la raison on reconnaît souvent des forces qui ne sont pas raisonnables...
La philosophie n'est plus que le recensement de toutes les raisons que l'homme se donne pour obéir... (Avec une vie diminuée et une pensée mutilante.)
L'homme prend lui-même les poids pour se les charger sur son dos... (Les longues soumissions de l'homme à travers l'histoire de celui-ci.)
Créer, c'est alléger, c'est décharger la vie (des fardeaux dont on l'a affublée NDR), inventer de nouvelles possibilités de vie...
Le créateur dit et défend le droit, l'équité, mais il est aussi un danseur.
Tout retourne à l'Esprit (comme moteur) ou à la Conscience de soi...
L'essentiel ne change pas...
On peut cependant parler d'une longue décomposition de la pensée et de la vie...
La vraie philosophie se doit d'être intempestive, toujours intempestive...
L'essence de la Force est d'être en rapport avec d'autres forces ; et, dans ce rapport, elle reçoit son essence ou qualité...
Le rapport de la force avec la force s'appelle « la volonté »...
(Et cela, ce principe, ne signifie pas que la volonté veuille la puissance ou veuille dominer.)
Ce qui importe c'est ce qui veut à travers la volonté exprimée...
La « volonté de puissance » dit Nietzsche ne consiste pas à convoiter ni même à prendre, mais à créer et à donner. »
Nous ne comprenons même plus ce que signifie agir...
Même les forces de la Terre s'épuisent, sur cette face désolée. Cette victoire commune des forces réactives et de la volonté de nier, Nietzsche l'appelle « nihilisme »...
Le nihilisme, c'est la dépréciation, la négation de la vie et ce au nom de valeurs dites « supérieures » !
Dans les Etats modernes les chefs et les puissants l'emportent par leur bassesse... par la contagion de cette bassesse et de cette bouffonnerie...
Il y a une « négation » de la vie...(Sauf pour les créateurs et les danseurs!)...
Tout est « renversé ». (Ce que craignait au plus au point la civilisation celtique NDR.)
Il y a une volonté de nier la vie qui inspire à l'homme l'envie de se détruire activement...
L'Etre ressemble au néant comme un frère....
La joie surgit, comme le seul mobile à philosopher...
Dyonisos pressentait que la vie n'a pas à être jugée, qu'elle est assez juste, assez sainte par elle-même.... Et qu'elle se doit de s'affirmer comme telle...
(Danse, légèreté, rire, sont les propriétés de Dyonisos.)
Le multiple n'est plus justifiable de l'Un, ni le devenir de l'Être. Mais L'Être et l'Un font mieux que de perdre leur sens ; ils en prennent un nouveau.
Car maintenant, l'Un se dit du multiple en tant que multiple (des éclats ou des fragments) ; l'Être se dit du devenir en tant que devenir...
On n'oppose plus le devenir à l'Être, le multiple à l'Un. Au contraire, on affirme l'Un du multiple, l'Être du devenir... (On affirme la nécessité du hasard.)
Mais il s'agit de faire de l'éternel retour un non retour au même...
(Ce n'est pas le même qui revient.)
Cela est comparable à une roue à la force centrifuge qui expulse et chasse tout le négatif (ressentiment, mauvaise conscience de l'homme petit et mesquin, soit tout un formatage de la négation.)
La « mort de Dieu » impliquait de remplacer des valeurs divines par des valeurs humaines... (Un effort pour mettre l'homme à la place de dieu.)... mais celui-ci échoue (pas de transmutation réelle de faite, emploi du même principe d'évaluation.)
A propos du monde « chrétien », Nietzsche parle de vengeance et d'inimitié contre la vie..... Il est question de juger la vie, d'universaliser la condamnation de la vie en intériorisant la faute (mauvaise conscience)... La vie est jugée, mutilée, incisée et se doit d'expier...
La connaissance exacte de la plus petite chose remplacera notre croyance aux « grandes » valeurs vagues.
Gilles Deleuze
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Extraits de l'oeuvre de Nietzsche :
Philosopher : c'est «... agir d'une façon intempestive, c'est-à-dire contre le temps, et ainsi sur le temps, en faveur (je l'espère) d'un temps à venir. »
« Les décadents ont besoin du mensonge, c'est l'une de leurs conditions d'existence. » Nietzsche (Ecce Homo)
Il ne s'agit pas pour le philosophe de s'éloigner du monde, de le renier, de se montrer hostile envers la vie...(Porter masque et travestissement...)
Existe-t-il aujourd'hui déjà assez de fierté, d'audace, de bravoure, de conscience de soi, de volonté de l'esprit, de désir de responsabilité, de « libre-arbitre » sur la terre, pour que dorénavant la philosophie soit possible ?
On a imaginé par un mensonge le monde idéal, on a enlevé à la réalité sa valeur, sa signification, sa véridicité. Le mensonge de l'idéal a été jusqu'à présent la malédiction suspendue au-dessus de la réalité.
L'humanité elle-même, à force de se pénétrer de ce mensonge, a été faussée et falsifiée jusque dans ses instincts les plus profonds jusqu'à l'adoration des valeurs, opposées à celles qui garantiraient le développement, l'avenir, le droit suprême à l'avenir...
L'aspiration à un monde plus ensoleillé, plus chaud, plus clair...
Il s'agit de jeter les défroques pour s'élancer dans la lumière...
Voyez (dans les hauteurs où l'air est vif) avec quelle tranquillité tout repose dans la lumière ! Voyez comme on respire librement...
Toute conquête, chaque pas en avant dans le domaine de la connaissance a son origine dans le courage., dans la dureté à l'égard de soi-même, dans la propreté vis-à-vis de soi-même...
Je ne réfute pas un idéal, je me contente de prendre des gants devant lui....
L'un des devoirs qui, pour moi du moins, apparaît comme supérieur au service de l'Etat, incite à détruire la sottise sous toutes ses formes...
Le philosophe (le vrai) semble presque apercevoir une destruction et un arrachement complet de la culture quand il songe à la hâte générale, à l'accélération de ce mouvement de chute, à l'impossibilité de toute vie contemplative et de toute simplicité...
Les eaux de la religion s'écoulent et laissent derrière elles des marécages ou des étangs...
Les nations se séparent de nouveau, se combattent les unes les autres et demandent à s'entre-déchirer...
Les science pratiquées sans aucune mesure et dans le plus aveugle laisser-faire, s'éparpillent et dissolvent toute conviction solide...
Les classes et les sociétés cultivées sont entraînées dans une grandiose et méprisante exploitation financière...
Jamais le monde n'a été plus pauvre en amour et en dons précieux...
« L'homme et ce qui doit être dépassé. »
Il y a des vies où les difficultés touchent au prodige : ce sont les vies des penseurs. Et il fa ut prêter l'oreille à ce qui nous est raconté à leur sujet, car on y découvre des « possibilités de vie » dont le seul récit nous donne de la joie et de la force, et verse une lumière sur la vie de leurs successeurs...
Il y a là autant d'invention, de réflexion, de hardiesse, de désespoir et d'espérance que dans les voyages des grands navigateurs...
(Des penseurs qui sont allés jusqu'à trouver de belles « possibilités de vie ».)
Il y a une loi d'airain qui enchaîne le philosophe à une civilisation authentique, mais qu'arrive-t-il quand cette civilisation fait défaut ?...
Ce qui peut être nécessaire à l'éducation du vrai philosophe :
avoir été lui-même critique et septique, dogmaticien et historien, et par surcroît poète et collectionneur, voyageur et déchiffreur d'énigmes, moraliste et voyant, « libre d'esprit », avoir parcouru le cycle entier des valeurs et des jugements humains et de s'être constitué toute une variété d'yeux et de consciences...
Mais cette tâche elle-même exige autre chose : elle requiert de lui qu'il crée des valeurs....
Il appartiendra à ces penseurs de rendre clair, pensable, saisissable et maniable tout l'ensemble des événements et des jugements antérieurs....
Qu'ils tendent vers l'avenir des mains créatrices...
Et pour cette tâche tout ce qui a existé leur sert de moyen, d'outil...
Y-a-t-il de nos jours de tels philosophes ? Y-a-t-il jamais eu de tels philosophes ? Ne faut-il pas qu'il y en ait un jour ?
« - Mais encore ma parole n'a pas transporté des montagnes, et ce que j'ai dit n'a point atteint les hommes.
J'ai eu beau aller vers les hommes, je n'ai pas encore réussit à les rejoindre...
- Qu'en sais-tu ? La rosée tombe sur l'herbe dans le plus profond silence des nuits.
- Ils se sont ri de moi quand j'ai trouvé et suivi ma propre voie. En vérité mes jambes flageolaient sous moi.
- Aussi ils m'ont dit : Tu avais oublié le chemin, voici qu'à présent, tu as aussi oublié de marcher.
- Que t'importe leurs railleries ? Tu as désappris d'obéir ; à présent il te faut commander. » Nietzsche Ainsi parlait Zarathoustra
« Les paroles les plus silencieuses sont celles qui apportent la tempête.
Les pensées portées sur des pattes de colombe mènent le monde...
Et pour la dernière fois la voix me dit : O Zarathoustra, tes fruits sont mûrs, mais toi, tu n'es pas mûr pour tes fruits. »
(Idem)
« ...Dieu dégénéré jusqu'à être en contradiction avec la vie, au lieu d'en être la gorification et l'affirmation...
Déclarer la guerre, au nom de Dieu, à la vie, à la nature, à la volonté de vivre ! Dieu, la formule pour toutes les calomnies de « l'en-deçà », pour tous les mensonges de « l'au-delà »...
Inventer un monde qui serait un monde vrai... Mais ce monde actuel s'interdit de croire à un monde vrai...
On ne supporte pas ce monde que l'on n'a déjà plus la volonté de nier...
Qu'avons-nous fait quand nous avons détaché la chaîne qui liait cette terre au soleil ? Où va-t-elle maintenant ? Où allons-nous nous-mêmes ? Loin de tous les soleils. … Ne sentons-nous pas le souffle du vide sur notre face ?
Il faut du temps à la lumière des astres.
Il faut du temps aux actions, même quand elles sont accomplies, pour être vues et entendues... (Le Gai savoir)
La grandeur de l'homme, c'est qu'il est un pont et non un terme, ce que l'on peut aimer chez l'Homme, c'est qu'il est transition et perdition...
Etre les flèches du désir tendu vers l'autre rive...
J'aime celui qui est libre de cœur et d'esprit...
Celui dont l'effort est la joie suprême, qu'il s'efforce !
Ainsi parlait Zarathoustra
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