RETOUR AU ROC TREVEZEL (MONTS D'ARREE) 2022 BRAN DU TEXTE BARDIQUE 28 06 JUIN
LE ROC TREVEZEL (PHOTO BRAN DU)
RETOUR AU ROC TREVEZEL (MONTS D'ARREE)
Mai 2022
Bran Du
Je le reconnais volontiers, j'ai une sorte de fascination pour les Monts d'Arrée et plus spécifiquement pur le Roc Trevezel...
Celui-ci à déjà fait l'objet de nombreux textes bardiques de ma part, mais je ne me lasse pas de lui rendre hommage...
Ce sont des lieux « d'ensemencements », des lieux élus pour faire emblaves de mots et de verbes, des lieux qui vous creusent de l'intérieur en faisant en votre chair des sillons afin que l'Awen y dépose ses graines poétiques et ce en perspectives d'éclosions plénières...
Tout ici est une circulation permanente d'ondes mystérieuses qui vous enveloppent de leur aura et qui irriguent votre être comme votre sang en vos artères....
Sans vous en rendre compte de suite, vous avez franchi une frontière poreuse, une lisière de crachin et de bruine derrière laquelle le « caché » se dévoile et vous dénude tout autant...
Pourquoi une telle fascination ?
Parce que ce sont là les ruines d'une cité antique bâtie il y a fort longtemps dans le cœur des bardes de la grande Celtie...
Les siècles ont recouvert de leur chape d'oubli les grands récits d'antan mais ceux-ci arborent encore l'échine de leur prose et de leurs rimes...
Il subsiste encore ici et là des tours affaissées et leur mâchicoulis d'herbes rases... Une mémoire gît sous les éboulis des siècles et sourd parfois par des conduits mystérieux qui mènent à notre cœur...
Jadis ces tours se perdaient dans les nuages et baignaient dans les embruns venus du large... Des compagnies de corbeaux en faisaient leur demeure et criaient sur tout étranger profanant leur sombre territoire...
Fascination en effet face à une étendue qui ne connaît pas de limite sinon celle parfois d'un horizon flottant et fluctuant oscillant entre le céleste et le terrestre et empruntant à l'un et à l'autre des banderoles de feu et de lumière...
Une étendue, une « vastitude » à portée de sens et de cœur et qui procure à vos yeux une paire d'ailes pour s'y engouffrer et en survoler les creux et les déliés....
C'est là, certes, un « paysage » mais o combien singulier par rapport à bien d'autres qui n'ont pas cette « consistance », cette « énigme », cette « transcendance », cet offertoire et cette ode à vous procurer en tout cas d'une telle densité et intensité...
Bruyère, fougères et des confréries d'herbes folles font une écharpe qui s'enroule au cou des vents en leurs tournées traversières...
L'air qu'on y respire est le même que celui que le sonneur breton insuffle dans le tuyau de sa bombarde pour en faire ressortir les plus éclatantes et flamboyantes sonorités et nuances...
Ici, il m'est donné depuis toujours un rendez-vous d'amour...
De celui qui fouette les sangs et qui brasse les songes, de celui qui étreint votre corps comme la flamme étreint le bois et la vague les rivages...
Fascination encore pour ces os minéralisés, pour ce grand squelette démantelé rejaillit du cimetière d'antan...
Fascination pour les combats titanesques qui s'y déroulent encore quand s'affrontent les géants aux fronts de schiste, aux massues de granit et aux pieds de tourbe et d'argile...
Fascination fasse à l'ossuaire des légendes où reprennent sève les paroles d'or et de miel...
Fascination sensuelle et doucereusement fiévreuse face au royaume souverain de l'essentialité...
D'est en Ouest pérégrine une longue procession aux bannières d'ajoncs et de genêts, celle-ci fait halte à chaque saison afin de retisser la broderie des tentures élimées et ternies par trop de soleil et de lune...
Si vous faites « silence » vous pourrez entendre les incantations des schistes pourpres qui tutoient la négligence ou la lassitude des cieux à porter l'oreille à la chair meurtrie des hommes d'ici-bas...(Ces grands « oublieux »)...
Il est recommandé de baisser la tête lors du franchissement de cet espace o combien sacré car faux et faucilles voltigent dans les airs !
Ne soyez pas étonné que de l'herbe tremblante aux rocs les plus acérés tout ici parle « breton » et ce, dans la langue maternelle, matricielle de celui-ci...
Ce langage est rude, rocailleux, empierré par des siècles de cheminements et d'égarements...
Dans le dévalement des pluies, il jure comme un charretier et incendie verbalement le ciel de son propre tonnerre et de ses éclatants éclairs...
Sur ces crêtes avaleuse de vents se rassemblent de grands troupeaux, de mousses, de parmélies, de lichens, tous orphelins, d'un berger qui s'est perdu sur le chemin des étoiles...
C'est en un tel lieu inondé d'indicible que s'enflamme le brasier de haute poésie et que ses cendres se dispersent aux quatre coins du dérisoire et de l'illusion...
C'est ici et nulle part ailleurs que l'Âme se libère de sa gangue matérielle et qu'elle emprunte aux oiseaux leurs blanches rémiges
afin d'aller danser d'aube en crépuscule et de crépuscule en aube
dans les prairies fleuries du Gwenved...
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