Séjour en l'île de Bréhat Bran du Octobre 2014
L'agapanthe : la fleur bréantine par excellence
Photographies : Bran du
BREHAT Enez Vriad Bran du Octobre 2014
carnet de notes...
Visite de trois jours...
Autant dire une visite en coup de vent, suffisante cependant pour prendre quelques repères et revenir à la saison où les sentes et les ruelles sont désertes et balayées par le "Nordé"...
Trop de fleurs masquent l'autel et ne laissent guère de place pour l'offrande "nue"...
L'offrande "nue" ; c'est celle que je voudrais déposer sur le linge blanc de ma pensée là où le ciel et la terre s'entretiennent de la beauté qu'il fait...
Je ne suis pas "un homme de la foule" ni asociale non plus, mais il me faut en toute véritable relation de l'intimité et de la profondeur....
Rien qui ne s'interpose à cette essentialité de l'instant qui prend vagues et pierres dans ses paumes....
Le caractère "insulaire" de ces terres entourées d'eau prédispose à une forme "d'isolement", de "retrait" salutaire par rapport aux mouvances concédées à l'ordinaire, au "nécessaire" , ces "choses" dont l'importance démesurée au regard du "brut" de l'existence encombre celle-ci d'une idéologie surfaite constituée d'aveuglement et d'appauvrissement intellectuel, émotionnel et spirituel...
Tutoyer l'écume et l'écorce par la simple force des yeux qui les contemplent...
Voilà ce que la vraie vie engendre en vous de nouvelles naissances...
Je cherche la façon la mieux appropriée pour établir une relation "élémentaire" : pouvoir et vouloir parler de brin d'herbe à brin d'herbe, de granit à granit, de résine à résine...
Je me sens tellement en "correspondance" avec les autres règnes qui environnent le mien, que je ne peux que déplorer les coupures et ruptures ontologiques engendrées par les idéologies dogmatiques de la religion qui firent office en cela de sécateur !...
Il fallait asservir le vivant et ce sous toutes ses formes, le condamner à une souffrance présentée comme une carotte pour atteindre un paradis éventuel...
Que de terribles conséquences survenues depuis lors et de dégâts qui se perpétuent encore dans le lien avec le fondamental et le primordial...
Phénoménale castration et phénoménale culpabilisation vis-à-vis des sens qui se voulaient, joyeusement, ardemment, concélébrer l'Essence de tout être et de toute chose....
On ne mesure pas assez que la vie elle-même a été victime d'une telle engeance, d'un tel arbitraire, d'une telle défiguration de ce qui à l'homme, à la femme, à l'être, donnait son vrai, son noble, son digne, son humble et beau visage...
L'île pour se "réconcilier" avec l'épure de ce qui est, fût et sera, loin d'un continent artificiel qui a mis au rencart les valeurs sur lesquelles l'espérance bâtissait ses projets...
Pouvoir prendre de nouveau l'arrondi d'un galet dans sa main...
S'entendre à entendre le pouls de la terre, le rythme de cela qui bat dans tout l'univers... Là se tient le lien de l'évidence !...
Est-ce de la "nostalgie" que de se vouloir en ce moment "celte", "aborigène" ou "amérindien", mais débarrassé des plumes d'un folklore revêtu, hélas, d'un sens péjoratif...
La pensée n'est-elle pas faite pour déployer ses ailes comme un aigle, pour bondir dans les cascades et les torrents comme un saumon, pour courir les océans comme l'albatros ?...
Retrouver le "geste premier", le silence d'avant les mots....
Se dépouiller de nos suffisances et arrogances comme d'une vieille peau, comme d'une vieille écorce détachée de la sève et de l'aubier qui enrobaient, de l'arbre, la croissance...
Etre feuille parmi les feuilles et en connaître les mêmes danses....
Vider ce trop plein de superficialité, d'encombrements multiples, de possession maladive....
La nudité ; la nudité de corps et d'esprit, et elle seule, permet de revêtir la peau du ciel et de la terre...
Pouvoir lors pervibrer comme une tige, comme un remous, comme une flamme dans la "mouvance de vie"...
Nous ne savons plus, nous n'avons plus l'expérience suffisante et renouvelée de cette "nudité de l'être" qui n'a besoin pour être véritablement vêtu que d'une couverture d'étoiles !
Ce n'est que dans cet état qui se veut épouser les êtres et les choses, le visible et l'invisible, que nos lèvres peuvent enfin prendre chant dans les flammes d'une vibrante et enivrante incantation....
Etre cette "clameur de vie", rien que cela, mais tout cela...
Amaryllis Belladonna "Belle toute nue"
L'île nous offre de nous mettre à l'écart, de pénétrer son "Nord" profond, ses territoires de sable et de dune, de roche et de bruyère, de genêt et d'ajonc....
Nous serons en son sein comme une anse brassée par les marées d'amplitude...
Nous serons la roche hissée vers le ciel et son alphabet de lichens et de parmélies ; un alphabet des origines, un "encrier de la terre" où dieux et déesses tremperont leur plume d'or et d'argent....
Nous serons parmi les nuées et les rémiges empruntant aux nuages la carte de leurs voyages...
Nous serons, et c'est bien là toute l'importance !....
Solanum (jasminoïde)
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BREHAT Enez Vriad... Octobre 2014 Bran du
Notes en forme d'haiku :
1 / Les Îles
Parfois
Nous parlent d'Elles !....
2 / décidément...
je suis bien trop "habillé"
Pour revêtir ces "Iles nues"...
3 / Terrain de foot
Seules, les pies,
En maillot blanc et noir....
4 / Le chat, en carpette,
Sur la pelouse, battant de la queue...
Cinq pies tout autour...
5 / Alors que le jour
A rendez-vous avec la nuit...
Mon agenda est vide !
6 / Terre à lapins ;
Mes songes aussi
Se font "garennes"...
7 / Des "bangs" à répétition
- L'ouverture précoce de la chasse ? -
Non, des joueurs de palets sur la place...
8 / Les goélands
Toujours affamés
S'invitent aux piques-niques !...
9 / Fortes odeurs de pins
d'eucalyptus, d'orangers du Mexique...
Le flacon s'appelle "Bréhat"....
10 / Des sentiers
Où le "Bonjour"
Volette de lèvres en lèvres...
11 / La grève remplie sa panse
De lumière
Et de soleil...
Variété de fleurs de la passion (Passiflore)
12 / Beaucoup de croix
Certaines... Septiques
Dans l'enclos de l'église !...
13 / L'Eté quatre mille visiteurs ;
Quatre mille repas potentiels...
Les goélands apprécient !...
14 / La vigne vierge
Seul, l'automne
La déflore....
15 / Arrivé au cimetière
Le mort doit encore se soumettre
A un dernier chemin de croix !...
16 / On ne lui avait pas dit à la fleur
Qu'elle viendrait à la vie
Pour fleurir une tombe et mourir sur elle....
17 / Il y a un siècle : l'Europe à feu et à sang...
Les souvenirs s'estompent,
Se pétrifient dans le granit du monument...
18 / Les jasmins, les echiums, les hibiscus...
les mimosas, les géraniums de Madère...
Toutes fleurs jalouses du succès de la fleur d'Acanthe !
19 / Nous ne sommes
De l'Amour
Que les usufruitiers !...
20 / Les minis tracteurs
Font la roue
Et la route...
21 / Ici, Gargantua
Enfant,
Jouait aux palets !...
22 / Vivre,
Simplement,
Mais VIVRE !...
23 / Partout,
De belles "échancrures"
Mais ce n'est pas l'Île de Sein !...
Datura
24 / Au Nord de l'île,
Le Nord
Se dit "autrement"...
25 / Entre l'île et le continent
L'humeur changeante du Ferlas
Et de ses courants...
26 / Passé la Chaussée Vauban
S'étend le royaume des fougères ;
L'humain se fait moins présent...
27 / La pluie :
On la désire, on la rejette...
Et pluie après ?...
massif de bougainvilliers
28 / Les galets, ici,
Sont de granit
Et s'entêtent à rouler pour eux....
29 / Les ancêtres de ces papillons
Etaient-ils eux aussi
Des corsaires ?
30 / Etre comme ces algues
Dans l'attente
Des amplitudes...
31 / Cherche bien
Dans l'océan de ton être
L'île qui te donne rendez-vous !...
32 / Je ne glisserai pas un mot
Entre le jusant et le rivage...
Là sont les plages de silence...
33 / Les gravelots
Avancent dans la vie
Avec beaucoup de recul !...
34 / Bien des puits sont bouchés !
Et puis alors !
Le ciel ne l'est pas !...
35 / Les brodeurs bretons disparaissent,
Mais les vagues brodent encore leur écume
d'un filet d'or et d'argent...
36 / L'hortensia :
C'est un peu de l'aurore, c'est un peu de l'azur
Sur la terre...
37 / Seuil et margelle
Sont la dernière mémoire
De ce qui rentre et sort...
38 / Les goélands :
Un ventre avec des yeux
Et une nature fort irritable....
39 / Jadis, les fontaines
Faisaient des miracles...
Il suffisait de croire en elles....
40 / Aux flots de l'océan
S'ajoute celui
Des écumeurs de cartes postales !
41 / Superficiel o combien
ce passage éphémère
Parmi le granit souverain...
42 / Non, je ne voudrais pas
Finir ma vie, sec, terne et ratatiné,
Comme les echiums des Canaries !...
43 / Ruelles et sentiers...
Carrioles et bicyclettes...
Parmi les murets du temps...
44 / D'ici aussi, ils partirent
Vers les Terres-Neuves ;
Un peu de l'ancienne au fond des poches...
45 / Dix minutes seulement
A travers les cailloux "casse-bateaux",
mais bien plus grand, en fait, : l'éloignement"....
46 / Jean Pierre Calloc'h
Aurait pu naître ici...
"E Kreih ar Mor".... (Au Milieu de la mer...)
47 / Maudez n'avait point
A chasser de l'île les serpents...
Ceux-ci y étaient aux abonnés absents !....
48 / Les saints sont bien venus
Avec des auges...
Mais qu'ont-ils fait des cochons ?...
49 / Jadis ici de nombreuses pêcheries...
Aujourd'hui le temps qui passe
ne retient plus les poissons...
50 / Bréhat...
La perle d'un collier
Sur la poitrine de l'océan...
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