TERRASSES ' NOUVELLES) SUITE 2019 BRAN DU 22 04 AVRIL
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En Terrasse : Nouvelles (Suite) Bran du 22 04 2019
« Le portable devient vraiment insupportable quand il sonne à notre insu ! » Bran du
Il y a ceux qui depuis longtemps déjà n'ont plus rien à se dire, qui meublent l’intolérable silence par des gestes ordinaires longuement apprivoisés, précocement robotiques ou des toux régulièrement espacées ou encore diverses jongleries avec les doigts qui s'en disent plus que ce que les lèvres véhiculent de banalités conventionnelles.... Même le silence en est gêné !....
Et il y a ceux qui ont tout à se dire et dont les yeux en ambassade expriment la fièvre des premières pages d'un roman qui promet en épisodes voluptueux...
Il y a ceux en « retenue », ils ont aussi bien des choses à se dire, mais ils n'osent formuler, exprimer, si bien que l'attente elle-même est partie voir ailleurs... C'est peu dire !...
Il y a celui dont les bras s'agitent comme le vent dans les ailes d'un moulin, mais celui-là moud la farine d'un pain qui ne sera jamais partagé...
Il y a celle-ci qui ne dit rien, rien de rien, et pour cause, elle est seule à sa table, seule avec ses questions récurrentes, seule avec ses attentes redondantes qu'elle promène comme un chien tenu en laisse, habitué à faire tout ce qu'on lui dit, mais rien de ce qu'il aspire désespérément à faire...
Il y a une multitude d'hommes et de femmes, de garçons et de filles, de grands parents, de séparés, de divorcés, de pères et d'enfants, de mères et d'enfants, de copines, de copains, d'anciens ou d'anciennes, d'actifs, de retraités, de jeunes, de vieux, de gens du pays, de touristes, de vacanciers, d’ouvriers, d'employés, de salariés, des personnes, des individus... qui s'assoient à la terrasse seuls ou en compagnie.
Ils sont tous « humains » et partagent bien des choses en commun ; des choses qui relèvent de la biologie, des attitudes, des comportements, des façons d'être ou de ne pas être, de faire ou non semblant... Ils sont, chacun, chacune, cependant uniques tout en partageant des similitudes avec leur « semblables »...
Leur « unicité » , c'est ce que l'on entend le moins et qui nous apporterait le plus !
Depuis quelques temps, ils ont majoritairement et en commun un « portable » qui ne les quitte pas un seul instant. IL est la première chose que l'on pose sur la table, avant les clefs, avant le paquet de cigarettes et le briquet, avant le journal ou le roman...
Quelque que soit la configuration humaine assise autour de la table, il a pris une importance telle qu'il est le premier à qui on adresse la parole, le premier a qui l'on confie mille choses, le premier que l'on consulte, le premier qui fait l'objet d'une relation suivie, le plus privilégié de tous les interlocuteurs, le favori de toute relation...
C'est lui qui sans cesse s'interpose, impose son écoute, impose ses appels, impose son recours, impose les gestes que font les mains...
Lui, on ne le fait pas attendre, on le tient à proximité, on guette sa sonnerie, il a pris toute sa place et il l'agrandie au point de s'interposer sans cesse entre les liens que pouvaient hier encore tisser la vie, entre des présences qui se parlent, dialoguent, s'écoutent, échangent, rencontrent, découvrent, partagent, se confient, s'épaulent, s'entraident, s'attirent ou se repoussent, s'ouvrent ou se ferment, s'acceptent ou se refusent , s'entendent, se comprennent, se proposent, se respectent, se considèrent, se séparent, se disputent, s'engueulent, divergent, se rappellent, font souvenir, se projettent, envisagent, questionnent, interpellent et font ou non réponse...
Tout cela encore « d'actualités » mais seulement quand s'estompent les sonneries, quand le besoin impératif, quasi impulsif, se fait sentir de le prendre en main et de le porter à l'oreille ou de pianoter sur lui...
Il sait s'immiscer, il s'est immiscer, à un point que l'on ne peut « imaginer »... Il fait prioritairement parti de toute forme, de toute façon d'être « ensemble », et on est très rarement « ensemble » sans lui !...
Enfants, parents, amis... qu'importe ; c'est vers lui que l'on se porte dès qu'il se manifeste, dès que l'on se sent sevré d'écoutes et d'appels, on le saisit !....
Comment faisions-nous avant ; quel irrésistible besoin à-t-il créé que nous n'avions pas précédemment à son existence ? Que nous apporte-il de si nécessaire, de si impératif si tant que l'on ne peut pas ou plus s'en passer...
Sommes-nous encore « ensemble », sommes nous encore en état de relation, quand il a préséance sur toute écoute et attention ?
Qu'en sera-t-il demain quand il sera inséré directement dans la chair, quand il sera partie constituante de notre corporéité ?...
Quand...........................
Ha ! Excusez-moi... il vient de sonner !
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