TRADITION ISLANDAISE L'EDDA L'ORIGINE DE LA POESIE 2018 BRAN DU 05 09 SEPTEMBRE
Tradition Islandaise : De l'origine de la Poésie
Arrangement du récit, mais respect du fond :
Bran du septembre 2018
Source : Selon l'Edda de Snorri Sturluson
Préliminaire :
Placé entre la vague et la pierre, l'eau et le feu, la mort et la vie, est Bragi :
Bragi ; c'est lui la fontaine de miel, la limpide et rousse parole...
Bragi ; le voici, avec sa lance rouge sur la langue et son chaudron de compagnie..
C'est lui le dépositaire du dit des Anciens ; c'est lui le pourfendeur de l'oubli ; c'est lui, la pluie, l'averse de mémoire...
Tous les mots, ceux qui pensent, marchent, nagent, rampent ou volent, ils les a forgé sur son enclume et Thor le sait bien...
Ainsi la braise dans ses yeux, la cuve bouillonnante de son dit....
C'est lui aussi, paré des plumes de l'oiseau noir du destin...
C'est lui encore qui brasse la bière dans le cuveau d'hiver où fermentent les festins...
Bragi de grand renom, si loin porte sa foudre et ses éclairs.
Cela Thor le sait bien....
Bragi ; c'est lui le conteur d'histoires ; les vagues vertes, bleues et blanches du Grand Récit... C'est lui, c'est encore lui !...
Par lui la sève revient dans la branche et sur celle-ci reviennent les nids...
De chaque poème, il forge les anneaux et chaque anneau étend et prolonge la souvenance et la vision des siècles qui s'enchaînent...
Et tout cela à l'infini !...
Bragi de très grand renom, Bragi à la branche de frêne, Bragi au tumultueux et abondant chaudron..
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Pour lui nous levons trois fois notre corne, pour lui, en son honneur, nous buvons à ses poèmes qui moussent et étincellent,
qui réjouissent à profusion...
Le père de la Poésie c'est lui, l'héritier d'Odin, le fidèle Servant,
c'est lui...
Si tu ne sais ne porte pas à tes lèvres la délectable boisson ; brûlures te feront les mots et les sons ; les flammes d'hydromel !...
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« Il fut venu le temps de tisser la paix entre les Vanes et les Ases...
Et comment cela fut fait ?
On apporta la cuve, on la disposa devant les dieux et chacun de venir cracher de sa salive...
On fit de cette divine mixture un être qu'on appela Kvasir ; géant en sagesse si tant que chacun, chacune, trouvait réponse à ses questions...
La sagesse, c'est elle le gage de paix, la grande amitié qui dépose lances et boucliers...
C'est le dit de Bragi, écoutez, écoutez tous...
Il dit la souche et la source, le premier matin de poésie....
Kvasir fut un grand voyageur ; il alla par delà les mers et fit rouler sa parole sur les grèves d'ignorance... Bien savants devinrent ceux qui s'en vinrent au rivage...
Invité par des nains, il se rendit à leur invitation...
Mal placée fut sa confiance, ceux-ci l'occirent en un tour de nains !...
Les moins qu'homme et géant firent couler son sang, le versèrent en deux cuves et dans un chaudron, ajoutant du miel à la magique potion...
Bragi nous dit que toute lèvre qui se porterait au devant du breuvage recevrait en l'instant, du savoir, tout l'hommage...
Les dieux en Asgard s'inquiètent du sage, de sa disparition...
Les nains, pour toute explication, font savoir qu'après son passage,
le savant s'etait « noyé » dans ses propres explications ne trouvant plus quiconque pour l'interpeller sur les êtres, les choses et les âges !...
Ecoutez, écoutez, la suite du récit...
l'abeille est à l'essaim ce que les mots sont au dit...
Après ce forfait les nains satisfaits invitent chez eux le géant Gillin et sa femme...
Ils proposent au géant d'aller en barque sur la mer, et sans le moindre remord le font chuter de bord... N'ayant appris de la nage les leçons, notre géant rejoint, à jamais, les gros poissons !...
Et voilà qu'il compte à celle devenue veuve la triste aventure de ceux qui ne savent pas rester à terre...
Celle-ci déverse lors des torrents de larmes et de cris amers...
Si bien, si bien que las de tant de gémissements, d'humides débordements, les nains, en sortant de leur habitation, lui font, sur la tête tomber la meule d'un moulin... Fin des désolations !...
….
Mais voilà, voilà, dans ce temps là, tout se sait qui ne se dit pas....
Suttung ; c'est le fils de Gilling, apprend la tragique nouvelle et se rend prestement chez les nains en suspicion...
"- Père et mère ont trouvé chez vous une fin hors façon."...
Il prend alors les dits nains, les mets dans une embarcation et les dépose sur un îlot que la marée submergera bientôt...
On s'inquiète fort chez les petits hommes qui n'ont pas non plus, des poissons, reçues de sages leçons....
Devant l'amplitude de la situation ils demandent grâce, pitié, absolution...
Ainsi se présente le marché : ce sera leur vie ou bien quelques gorgées prises aux récipients divins et sacrés...
Le choix est vite tranché, cuves et chaudron sont restitués et mis sous la garde de Gunnlod, la fille du géant susnommé...
Que ne faut-il pas faire
pour venger le meurtre de son père ?
En provisoire conclusion, des lèvres de Bragi, nous saurons, que le breuvage de sagesse, décrit dans ce récit est breuvage de poésie...
Il n'est au monde de plus fabuleuse et incroyable boisson...
Plongeons amis nos cornes dans le chaudron...
Et par trois fois honorons, Bragi, le maître en poésie...
Buvons ! Buvons ! Buvons !...
Buvons l'hydromel de Suttung, l'élixir des nains...
Que la fleur s'en vienne aux branches
et les braves à l'amour !...
…............................
(« ...De là vient que nous appelons la poésie le sang de Kvasir... »)
Ecoutez ; écoutez
Jamais deux sans trois
Pour la parole, le son et la voix...
Une jambe ne suffit pas, deux c'est déjà mieux mais c'est le trois qui fait danser !....
Ecoutez, écoutez, Bragi ; c'est lui le bourgeon, la fleur et le fruit...
Ecoutez, entendez, nous dit Bragi ; Odin est descendu de l'Arbre, il a bu au lait des étoiles,
le signes sont sur son front et disent les chants du monde...
Odin se met en route, rien ne le déroute, il sait, il voit, il va...
Ils sont neuf, neuf esclaves, neuf ouvriers sur le chantier de Baugi le frère de Suttung.
Il les échauffe si bien qu'ils se fauchent la tête en deux trois coups de reins...
Nouveau contrat, nouveau marché... Odin (qui se fait lors appelé Bolverk) propose de remplacer à lui seul les neuf décédés... Aussitôt dit, aussitôt fait, Odin à son œuvre s'est attelé...
Passé la saison d'embauche, l'ouvrage est réalisé...
Il réclame son juste salaire, ce cernier étant compris comme lui accordant le droit de boire trois gorgées des récipients divins...
Malgré la demande de Baugi à son frère détenteur des cuves et du chaudron, ce dernier refuse... ce qui complique la situation...
C'est l'heure de concevoir un stratagème qui fasse solution...
Baugi se munit d'une vrille et commence à percer la montagne sous laquelle résident les précieux trésors. Il traverse celle-ci de part en part sans effleurer la cloison derrière laquelle se tiennent les breuvages en dormition...
Odin se rend compte que Baugi ne s'exécute pas de la bonne et très volontaire façon.
Il enjoint Baugi à recommencer, mais cette fois dans la bonne direction.
Le trou enfin obtenu donnant accès aux contenus, Odin s'engouffre dans celui-ci prenant alors l'apparence d'un serpent...
Au passage Baugi tente bien d’assommer Odin avec sa vrille, mais en vain...
Odin est enfin dans l'antre, mais avant de contenter sa bouche, il retrouve Gunnlod, trois nuits, en sa couche...
(Il n'est pas dit qu'il apprirent en cette occasion, vers et quatrains
et métrique en dix leçons !)...
Satisfait de son repos en agréable compagnie, Odin se munit du chaudron et d'un trait le vide, puis dans une cuve passe sa langue rapide, enfin engloutit la cuve deuxième, mouillant sa barbe et son menton...
Ayant fait razzia d'hydromel, d'un aigle il se donne les ailes et le voici de retour chez lui toutefois poursuivit par Suttung, aigle lui aussi, mais rouge de rage et de furie...
Les dieux qui voient tout sortent dans la cour les cuves qu'Odin remplit de l'hydromel qu'il régurgite dès son retour...
Toutefois Suttung presse tant Odin que celui-ci éjecte de son céans quelques restes et résidus restés dedans...
Ainsi arrosé et parfumé Suttung rentre chez lui sans doute pour se laver...
« On ne fit aucun cas de cet hydromel par l'arrière envoyé et tous ceux qui voulurent y goûter y furent autorisés. C'est cela que l'on appelle la part des poétereaux.
Toutefois, l'hydromel de Suttung, Odin le donna aux Ases et aux hommes qui sont de véritables poètes.
De là vient que nous appelons la poésie le butin d'Odin ou sa « trouvaille », ou sa « boisson », ou son « don », ou aussi la « boisson des Ases. »