Les dits du corbeau noir

(I)

Le Peuple des chênes Adorables créatures de Petr Vàclavec

Une « Nouvelle » parmi d'autres... Bran Du Janvier 2024

Ce matin de janvier le quai des Terres Nevas avec ses maisons aux façades blanches et aux volets bleus baignait dans un soleil régénéré au solstice d'hiver mais encore juvénile ; toutefois celui-ci expérimentait avec succès l'ardeur de ses rayons et de leur puissance à venir...

Les toits d'ardoise se détachaient sur une voûte céleste entièrement azurée donnant au port breton une lumineuse et radiante clarté...

Personne encore à cette heure pour animer ce quartier maritime déserté des chaluts traditionnels ceux-ci ayant été remplacés par une plaisance abondante surtout en été...

Pour les mouettes, les goélands, les aigrettes et les cormorans les saisons passent chacune avec ses particularités et spécificités mais cela ne change rien à la quête quotidienne de nourritures...

Peu de fleurs dans les micros jardins, ici et là, héroïques, attardés ou devanciers, quelques soucis avec leurs touches oranges ou jaunes égaient les parterres...    

Les rosiers grimpants ont été taillés comme il se doit à l'automne... Une girouette en forme de bateau indique que depuis trois jours les vents viennent et soufflent d'Ouest en Est...

On aperçoit derrière une vitre bordée de dentelles une lampe tempête accompagnée, d'un côté, par une maquette de bateau et, de l'autre, par un courlis en bois peint...

Un chat noir et blanc s'étire sur le ciment tiédi par le nouveau soleil... Sous une gouttière les nids d'hirondelles attendent le retour de celles-ci...

C'est janvier 2024 au port de Dahouet dont on sait que depuis déjà l'année 1505 on s'embarquait pour aller pécher le flétan dans le Grand Nord...

Et moi je me tiens là assis sur un plot en ciment avec pour compagnie tout le pesant d'un corps usé par les épreuves et les ans... Qu'il est lourd parfois ce poids d'une chair qui va s'amenuisant !

Bien sûr, il ne sert à rien de se plaindre et encore moins de gémir, c'est le lot de l'humain de naître, de grandir et de dépérir la saison venue et qui tire à sa fin...

Debout : oui encore tenir la Vie par la main et se laisser conduire vers l'inconnu et l'incertain....

Secouer ses cent kilos d'eau, de muscles, de sang, animer encore et encore ce vivant, cette flamme dernière, ce foyer déclinant et ce pour une braise éternelle et son logis au ciel pur et transparent....

En attendant que le rideau se ferme voir encore l'aurore à son lever, le soleil à son coucher et entendre encore des rires d'enfants.

Une vie entière à chercher compagne d'amour qui d'amour soit éprise au point d'aimer et d'être aimé sans qu'aucune question ne se pose, sans que ne s'interpose la peur en ses hideux atours...

La peur ne me fais pas peur, c'est elle qui tremble face à l'être qui ose être Vivant parmi le Vivant...

J'ai maison de nuages et demeure de vents, ainsi l'Amour qui se présente à moi ne saurait trouver de porte close...

L'humain est enclin à moultes trahisons, à tout déni. Il se ment à lui même et s'en fait une raison et c'est ainsi qu'il travestit le manteau d'azur et le corps lumineux de la Vie...

Le printemps à lui seul peut effacer les noirceurs de l'hiver, d'un seul pinceau, il fait de la Terre un parterre de fleurs mais certains hivers perdurent dans les saisons du cœur...

Le cœur ce sillon qui attend désespéramment l'emblave et la moisson....

…..

(II)

L'air frais remonte du chenal après avoir enveloppé la bouée de l'entrée de celui-ci...

Ce qui a fait la renommée de ce port breton du Penthièvre, c'est qu'il est, sur tout le secteur côtier, celui qui protège le plus des courroux du Nordé, un vent parfois furieux qui fait croître les arbres dans la direction de ses poussées...

Les bars, les mulets, des truites de mer remontent aux grandes marées jusqu'à l'écluse qui jadis servait au moulin actionné par les flux et reflux des flots, c'est surtout l'été une nurserie à crevettes dont les poissons se délectent...

Mon appartement est situé à la frontière entre l'étang et la mer qui s'échangent trois à quatre fois par mois des nouvelles plus ou moins salées...

C'est là mon cadre de vie animé par un ciel changeant et de très belles lumières....

J'y vis seul, douloureusement seul pour un homme du partage et du don, et cette solitude qui peut être bienvenue parfois et même nécessaire est une tourmente intérieure que j'ai bien des difficultés à faire taire quand elle submerge mes instants de désertification...

C'est, il est vrai, à travers les carences répétitives, émotionnelles, affectives et sensibles que l'on prend véritablement conscience de ce que représente une Présence qui fait cruellement défaut !...

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 (III)

Le vieillissement se fait sentir et des échéances se rapprochent et se précisent même. Il me faudra de nouveau traverser un champ d'épreuves et ce, pour une durée que j'ignore et avec des aléas divers et variés et l'incertitude du devenir....

Je n'ai de craintes et point d'appréhension quand viendra l'heure de ma « terminaison » mais avant ce terme j'aimerai encore et toujours concélébrer l'Amour ce viatique pour l'au-delà et dont l'heureuse conclusion ouvre sur l'éternité des offrandes et des dons...

C'est là, par la Femme, par ses Feux et par ses Eaux, la plus extraordinaire de toutes les initiations puisqu'elle concerne tout à la fois notre corps, notre cœur, nos pensées et notre âme...

C'est alors que la « Matière » se fait « Esprit » et devient « Lumière ».... (Pour autant qu'une conscience avivée et claire accompagne la féerie et l'alchimie des sens remontant à L'Essence de ce qui Fût, Est et Sera!)...

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(IV)

Pour l'heure et ce qui viendra, il demeure des luttes et des combats.

Quelque soit la nature de ceux-ci, ils se livrent pour La Vie, pour le « Vivant de la Vie », avec dignité, « noblesse » et honneur...

Aujourd'hui plus que jamais, il s'agit d’œuvrer pour la paix, pour la sérénité, pour un monde rééquilibré et réharmonisé sur des bases et sur des axes qui fassent appel à des valeurs qui restituent ses fondements éthiques à l'humanité....

Cela est à notre portée si nous mobilisons en nous le désir et la volonté d'OSER au-delà et par-delà toute réticence et toute peur....

ET nous y arriverons par l'entraide et la solidarité, par la mise en synergie d'énergie de tout ce qui concoure au service, à la protection et la pérennisation de la Vie...

Et, pour ce qui nous concerne, nous avons pour cela et à pleine disposition tous les sages enseignements de notre Tradition...

Une Tradition sans dogme et sans diktat où l'Amour est la Loi qui régit toute la Création visible ou non en laissant chacune et chacun libre de ses choix et responsable de ceux-ci....

La Fontaine où je bois est Celle de la Vie...

Bien fraternellement     Bran Du       15 Janvier 2024