Les dits du corbeau noir

Des Nouvelles de Corse avec ERA ORA (Charlotte)

Chez SOI...

« Retour à mon blog. Retour différent. La poésie me plaît toujours, mais la Vie est là, qui n'attend pas justement, donc pas forcément le temps de trouver La tournure de phrase. Si la poésie s'invite, tant mieux, à défaut, je veux dire quand même, fut-ce abruptement.

Aujourd'hui, je veux parler du chez-soi à travers mon expérience. Le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales définit le chez-soi comme un "domicile, une maison où l'on vit (le plus souvent avec une valeur affective).

Il existe toute sorte de chez-soi, il peut s'agir d'une maison avec des murs et un toit bien solides, d'une caravane, d'une toile de tente, d'une voiture, d'un petit coin camouflé dans les bois, d'une ruine oubliée, d'un squat.

Pour ma part, c'est une chambre sous les toits que je loue depuis peu, une chambre de bonne version améliorée depuis laquelle j'admire terrasses, clocher, montagne, mer, un rêve !

Après deux années d'errances de lieu en lieu, enfin je sors mes affaires de ma voiture-coquille et je les dépose quelque part, je les nettoie à volonté, les range, trie, m'organise, et j'ai la sensation d'y voir beaucoup plus clair, de pouvoir tout embrasser du regard, et à ce jour, je comprends que c'est un luxe.

Non pas que j'aie manqué d'âmes charitables pour me recueillir ! Famille, compagnon, amis, j'ai eu énormément de chance, grâce leur soit rendue !

Cependant entendons-nous bien : un vrai chez-soi, c'est un refuge, un endroit où l'on ne risque de déranger personne et vice-versa, où rien n'est attendu en retour si ce n'est un loyer, où l'on est libre de son temps, de sa tenue, de la place du silence sacré, où l'intime peut être préservé jusque dans l'abandon du sommeil et même au-delà.

Ainsi, le corps et l'esprit trouvent un vrai repos, et alors seulement il est possible de s'extraire des tempêtes de ce monde, de prendre un recul salvateur, de concevoir une pensée profonde, de recevoir l'inspiration, de se projeter.

Certes, l'impermanence fait non pas partie de la Vie mais EST ce qui constitue cette Vie même, et il y a du bon à sortir de ses zones de confort.

Ne pas avoir de chez-soi c'est être vulnérable en permanence, ce qui repousse les limites de la capacité d'adaptation et les seuils de tolérance, entre autres. Il y a là matière à apprendre et travailler énormément sur soi. Mais il faut savoir que cela engendre une si grande fatigue ! Qui engendre elle-même une baisse proportionnelle de ladite capacité d'adaptation, un déficit de patience, d'empathie, et je dirais même d'intelligence à longue échéance. C'est ainsi que je l'ai vécu en tout cas.

Est-il possible de s'habituer si "bien" à l'impermanence qu'elle devienne permanence ?

Je pense fort aux sans-abris que notre conscience camoufle un peu derrière le sigle SDF. Sans domicile fixe, sans refuge, ce n'est pas rien quand même ! Or selon ce récent article de mon amie Maia Graziani, leur nombre augmente tant (oui, en Corse aussi, à Bastia en l'occurrence) que les associations saturent face à l'afflux :

https://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/bastia-face-a-l-augmentation-du-nombre-de-sdf-les-associations-saturent-2851109.html

Je n'ose imaginer la somme de repos véritable dont ils-elles doivent manquer en plus de tout le reste… Qu'est-ce qu'un être sans refuge, sans centre, sans repos si ce n'est un fétu de paille soumis aux aléas du vent ?

L'empathie me revient doucement.

Et l'envie d'écrire.

L'envie de peindre.

L'envie.

L'en Vie.»

..........................................................................................

Merci à ERA ORA pour le partage de cette réflexion....

« Disposer d'un toit constitue l'un des besoins élémentaires de tout humain lequel de saurait se dispenser de cette « protection » et de la sécurité qu'elle apporte...

Hélas tous les humains ne sont pas égaux face à cette nécessité conséquente....

L'humanité s'exprime par la solidarité entre les hommes et les femmes et cette entraide est un composant majeur de toute société soucieuse d'égalité, de respect, de considération envers tout le Vivant de la Vie...

Notre Maison commune, c'est la Terre ; une Terre que l'on

appelle aussi « notre Mère » laquelle n'appartient pas

à ses « enfants » mais ceux-ci relèvent de sa bonté, de sa générosité, de sa prodigalité pour assurer leur propre vie...

Nos proches, nos ami(e)s, qu'ils soient de ce monde où devenus, à leur mort, résidents d'un Autre-Monde, habitent également la Maison mémorielle de notre cœur...

Ils ont ainsi demeure en nous-mêmes et sont rassemblés autour du « foyer » de notre propre vie......

Il n'y aura pas de « société nouvelle » issue d'un profond changement de « paradigme sociétal » sans être accompagnée par un vif élan de solidarité en tous les domaines et notamment dans la gestion communautaire des « habitats », des hébergements et des entraides développées à cet effet.»...

..........................................

Le Bar des Chasseurs.... (Era Ora)

"Ce soir je me suis lancé un défi. Après avoir visionné le film Dieu vomit les tièdes, de Robert Guédiguian, j'ai eu envie de m'immerger dans le quartier. Je vis dans ce village depuis mes dix ans, pourtant je n'y ai jamais frayé. Pourquoi, pourquoi, il m'a été posé la même question dans ce bar, et peu importe la réponse pour l'instant, ce que je sais, c'est que j'ai réussi mon défi et que j'en suis plutôt fière. Ça paraît peut-être rien, mais ce n'est pas évident pour une femme qui se promène seule d'entrer dans un bar exclusivement fréquenté par des hommes, connu pour ça, et nommé de la sorte !

Je me suis couvert le buste d'un foulard, ai respiré un bon coup, puis me suis dirigée vers. Tout en me laissant une petite porte de sortie au cas-où, et c'était assez mal engagé honnêtement. J'allais passer mon chemin lorsque j'y ai aperçu le nouveau curé, ce qui m'a décidée.

Entrée là, je me suis accrochée au zinc pour me donner confiance et ai demandé un soda.

Puisque je ne baissais pas le regard, je voyais, je sentais l'étonnement et la curiosité environnants. Évidemment, je suis passée pour une touriste : une femme ? Seule ? Un coca pour apéritif !? Un livre aiò aiò !!! Les identités meurtrières, mouais…

Bref, je pensais bien que mes premiers pas dans ce repère d'habitués seraient laborieux, et malgré une espèce de retenue polie, les questions n'ont pas manqué de fuser, y compris certaines un peu plus personnelles.

Ce fut un vrai tour de force que de rester authentique tout en slalomant entre questions inévitables et celles auxquelles j'ai choisi de faire la sourde oreille. Et répondre à tous  encore !

Une tournée, la mienne, oui oui une Zilia, une autre avec alcool, encore une, ceci sur fond de Voce Ventu, merci patron ! Une référence ici, des silences ciblés, une répartie là, tout ça dans le bon esprit de la macagna, et le tour est joué : on parle la même langue.

Je me demandais si j'en étais capable. Je suis tout de même gratifiée d'un sympathique "la carcasse est jolie, mais il y a du caractère, et je m'y connais !". Pas de doute, on est bien chez les chasseurs. Rompue à cette vision, je prends la chose comme un compliment et fais taire la féministe en moi. Il est encore tôt, je veux savoir à qui j'ai affaire, et je sais qu'il en va de même en face, nous ne nous jugeons pas, nous nous jaugeons.

C'est pour cette même raison que j'ai accepté la première tournée tout en offrant la mienne ensuite. Il n'y a pas que les mots qui parlent.

Je sais que je ne tiens pas bien l'alcool, et je m'étais donné une limite de temps raisonnable pour ce défi, d'autant plus que nous sommes en semaine.

Sentant l'ambiance générale retomber doucement à cause de la fatigue et le corps me tourner à cause du blanc, j'ai remercié les personnes présentes pour leur accueil, et me suis éclipsée. En promettant de ne plus passer sans oser regarder ou dire bonjour, c'est normal. Difficile pour moi, mais normal.

Je reviendrai. Je le sens bien ce bar."

..........................................................................

POUR REPONDRE :

"ERA ORA"  : https://eraoraaa.wordpress.com/

Merci à ERA ORA de partager ces « instants de vie »...

Bran Du Octobre 2023

.............................................